Des Allemands,
entre autres épris de liberté des peuples colonisés, se sont engagés totalement
aux côtés des combattants de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954.
Avant 1830,
l'Algérie était sous l'emprise d'un mode de gouvernance basé sur des
subterfuges de toutes sortes, y compris de pseudo religiosité frisant les
canulars voire les singeries cultuelles et culturelles afin d'enferrer dans
l'archaïsme des tribus à la recherche d'une identité cohérente et une commune
cohésion leur permettant de former un bloc - une entité - contre
l'envahissement des nouvelles puissances militaires régionales issues de la
révolution industrielle.
A l'époque, l'Algérie avait d'autres
configurations géographiques cloisonnées, sciemment, et instaurées de telle
façon que les tribus restent profondément paysannes, diminuées, désunies,
antagoniques et, donc, vulnérables à toute occupation étrangère d'autant qu'il
existait déjà des tendances allant dans ce sens. Un terrible imbroglio existentiel
que seule une profonde révolution, transformant de fond en comble l'état
d'esprit dominant, pouvait y mettre fin. Celle du 1er Novembre a sonné le glas
Impressionnés par la fulgurante reprise de
conscience des peuples, d'une manière générale, tétanisés par des empires et «
protectorats » d'un autre age, des militaires et sympathisants issus de
différents pays ont témoigné leur solidarité agissante envers notamment le
peuple algérien désormais réveillé grâce, en grande partie, aux multiples impacts
des deux guerres mondiales du 20 é siècle. Les conséquences de la première, ont
fait ouvrir les yeux. Celles de la deuxième, ont en revanche forgé à jamais un
nouvel état d'esprit entraînant aussi bien au plan interne qu'externe.
Ainsi, ces « légionnaires » révolutionnaires
ont adhéré d'emblée et ils ont apporté de précieuses aides dans divers domaines
liés au renforcement de la lutte armée notamment en Algérie sous le joug
colonial français depuis 1830. Après l'indépendance nationale, ces combattants
ont participé, corps et âme, durant des décennies, à l'édification des bases de
l'Etat algérien (re)naissant.
Aux temps actuels, il en reste quelques
rescapés menant une existence dans des conditions de santé précaire voire
déplorable pour une partie d'entre eux. Malgré les aléas de la vie et
l'ostracisme régnant, de la part des complexés à l'encontre de la bravoure d'où
qu'elle vienne, ils ont toujours, à l'image de leurs semblables algériens,
cette endurance et vivacité de l'esprit héritée depuis le temps ou les gens
respectaient les nobles causes auxquelles ils ont donné leur jeunesse. Cet
attachement, à leurs propres principes, leur procure courage et espoir au
crépuscule de leur vie.
Et surtout de la dignité humaine leur
octroyant une nouvelle raison d'exister à l'orée de leur destin. Pour eux
c'est, en quelque sorte, une revanche sur le viol - la mystification - de leurs
tendres années.
Donc, ces internationalistes d'un genre
différent que les mondialistes actuels, ils voyaient dans la défaite du nazisme
la fin d'une folie mondiale et à travers la Révolution algérienne le début de
la fin, de cette furie, et celle de tous les autres jougs coloniaux arrogants..
Nous avons eu le rare privilège de côtoyer l'un de ces combattants offrant
leurs tendres années de jeunesse à l'Algérie.
Et, après l'indépendance du pays, ils
voulaient poursuivre leurs rêves fantastiques. A l'exemple de celui d'un
certain Muller dit Mustapha, au tempérament singulier, essayant d'apprivoiser
les chacals pour, ensuite, les croiser avec des loups eux aussi domestiqués et
importés du Nord de l'Italie. Il parlait de ce projet qu'avec des personnes le
prenant au sérieux. Une Å“uvre qu'il n'avait pas pu faire aboutir.
Un homme dont le parcours est hors du commun.
Pendant la révolution, il avait la mission, entre autres, de former des cadets
orphelins dont plusieurs sont devenus de hauts cadres de la nation algérienne.
Cultivé, racé, il aimait le grand air et les larges espaces. Ensuite, en tant
qu'officier retraité de l'ALN, il avait lui-même conçu et supervisé la
construction d'une merveilleuse demeure en rondins, coûtant une bagatelle, type
autrichien, au milieu de la réserve du parc naturel de Tikdjda dont il était le
conseiller technique.
Avant de s'installer dans cette région du
majestueux Cèdre de l'Atlas, un résineux endémique à toute la zone maghrébine
d'altitude, il avait occupé diverses fonctions notamment dans les secteurs
culturels et de l'information. Vers la fin des années 1960, il visita une seule
fois sa fille mariée et résidente en Autriche. Il resta éveillé toute la nuit
dans le jardin à coté de la niche d'un berger allemand de peur qu'il soit
confondu, par des traqueurs juifs, à un autre nazi tortionnaire. Le lendemain,
il retournât en Algérie. Définitivement ! (1)
Nous avons eu le privilège de le connaître au
cours d'un séjour de villégiature en compagnie de mon fils aîné convalescent,
durant l'été 1989, dans cette magnifique région boisée et aérée du Djurdjura.
Confiant, du niveau de nos discussions, il conversait de sujets variés à côté
de la piscine de l'Hôtel. Un fils de Chahid natif de la région, autodidacte,
apiculteur et guide spéléologue amateur, ayant la même façon de vivre que M.
Muller, assistait à nos débats. Il était le seul à connaître les coins et recoins
du déroulement, en plein air, de l'apprivoisement des chacals .Pendant la
décennie 1990, il a été brisé par les hordes terroristes. Les structures
hôtelières ainsi que celles du parc naturel furent incendiées.
M. Mustapha, voulait en effet dompter
quelques individus mâles du Djurdjura en vue d'un croisement avec des louves
qu'il prévoyait importer du nord de l'Italie. Il expliquait que ces deux
canidés sont de puissants nettoyeurs écologiques et l'association, de leurs
caractéristiques génétiques respectives, permettrait d'obtenir des animaux
susceptibles de rendrent des avantages profitables pour l'équilibre de la faune
ainsi que la flore.
A ce propos, la régénération du résineux
genévrier de phenicie - Âraâr - s'effectuerait par l'intermédiaire du chacal,
ingérant les graines dudit arbre ainsi mises en pré germination, et ce, grâce à
des enzymes élaborés dans son estomac.
Un jour, le parc recevait la visite de jeunes
étudiants français. Mustapha fut désigné de les recevoir et leur donner des explications
sur l'objectif fixé à cette réserve naturelle. Il m'invita à assister à une
rencontre organisée avec ce groupe, d'étudiants parisiens, dirigé par l'un
d'eux et chargé de poser les questions. Après un tour d'horizon de la part de
Mustapha, ledit responsable du groupe jeta avec dédain au sol devant Muller,
une variété de chardon, tout en lui posant la question suivante : « Pourquoi la
fleur de cette plante a six - 6 - pétales ? ».
L'Algéro-autrichien, souriant, ramasse
tranquillement la plante et répondit : D'autres variétés de chardons ont aussi
5 et plus de 6 pétales. Et ajoutât, flegmatiquement : « demain si ça vous
intéresse, nous irons voir la main du juif situé dans le Djurdjura ». En fait,
des escarpements ayant la forme d'une paume avec six petits monticules, objet
de diverses interprétations locales dont quelques-unes unes frisent l'idiotie.
« Voyez, assénait-t-il, ces magots - primates de l'Atlas maghrébin - se
plaisent là où ils sont ». L'étudiant guide resta figé. Le soir, il me confiait
que ce n'est pas la première fois que ce genre d'insinuations lui a été adressé
par des « touristes »… juifs. Il avait le sens de les deviner. Et d'avoir de la
repartie !
Il était plein d'idées et de ressorts. Il
disait que le Monde souriait aux audacieux. Qui croyait, questionnait-il,
quelques décennies avant la révolution novembriste que l'Algérie allait
accomplir le miracle défini à la libération du joug colonialiste ? A l'image de
ses camarades algériens, de la même génération, croyant dur comme fer que tout
devient possible lorsque la volonté tenace est maîtresse des lieux.
Il quitta, durant la décennie noire, le
Djurdjura pour le parc naturel de l'Ahaggar. Grand fumeur, il mourut à la suite
d'un mal profond.
En silence ! Il est enterré, selon sa
dernière volonté, dans le grand Erg ultime escale, également, de la reine des
Touaregs. L'homme impassible repose dans la région du grand silence. Théodore
Monod naturaliste français disait à propos de l'immensité du désert : Il polit
l'âme ! Mustapha avait raison : Avec de la volonté sereine, rien n'est
impossible. Rien !
NOTES
1- Alfred de
Vigny, ancien militaire, poète, romancier et dramaturge romantique français
exalta les penseurs parias incarnant, d'après lui, toutes les vertus. Au cours
d'une partie de chasse avec un groupe d'amis, il remarqua un loup se mettant en
face d'eux, menaçant de les attaquer, tandis que la louve et ses louveteaux
fuyaient.
Alors, surpris, les chasseurs tous ensemble
le visèrent sans s'occuper de sa famille. Abattu, il léchait ses blessures tout
en les contemplant hautainement sans aucun gémissement. Ses tueurs se sentirent
lâches voire rabaissés devant cette image lourde de sens. Alors le poète, ému,
s'éloigna.
Et médite le regard bouleversant du loup
néanmoins profondément apaisé car, par son ultime sacrifice, il avait permis à
sa progéniture, sans défense, d'échapper aux tirs des chasseurs.
Ainsi,
recroquevillé à l'ombre d'un arbre, cette scène lui inspire le poème intitulé «
la Mort du Loup ».
En voici un extrait que nous affectionnons
car il correspond, en quelque sorte, au sens du sacrifice des hommes courageux,
donnant l'ultime exemple, permettant aux générations futures de les pendrent
comme des exemples à suivre afin qu'elles soient à l'abri des envahisseurs y
compris avec l'arme du mépris. Une arme redoutable ! Le voici, ce strophe : «
Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse. Gémir, pleurer, prier
est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tache dans la voie
ou le sort a voulu t'appeler. Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans
parler ». Le poète à toujours raison.
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Posté Le : 04/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Brahimi
Source : www.lequotidien-oran.com