Algérie - Couscous d'Algérie et d'ailleurs

“Le couscous, aux origines millénaires, Amazigh”



“Le couscous, aux origines millénaires, Amazigh”

En remontant l’histoire, il est utile de rappeler que l’Algérie était bel et bien, grenier à blé de Rome. Cette référence lui suffit d’exprimer que l’origine du couscous date de la période libo-phénicienne lorsque le blé dur servait pour préparer ce plat nourricier qui reste attaché à notre culture culinaire.

Les variétés céréalières qui ont fait leur preuve durant les millénaires donnaient déjà une sélection généalogique telles la variété de Hedba, Bidi 17, Oued Zenati, Mohamed Benbachir dont les grains couleur ambre clair, translucide servent à fabriquer de la bonne semoule de couscous, consommé à Sétif, Saïda, Sersou, Berrouaghia, Chlef, Sour El Ghozlane, Aïn Témouchent, Tlemcen, Tiaret, Kabylie, Guelma, le Constantinois etc... La qualité nutritionnelle et diététique, mesurée par sa teneur en protides, lipides, glucides, vitamines, sels minéraux, présente une valeur énergétique qui reflète toute la généalogie végétale de notre couscous en tant que plat national avec tous les rites qui l’entourent, notamment dans les offrandes, zerdas et hadhra, cérémonies célébrées autour des sépultures des “Awlyas salihines”. Avant que naissent les moulins à eau et à vent, c’étaient les meules domestiques, sorte de pierres superposées trouées avec un bâtonnet appelé “El matahna”.

 

Le couscous : un plat cérémonial

Nous nous sommes attelés à revoir les rites qui entourent la préparation du couscous, à telle enseigne qu’il existe plusieurs recettes liées à la cérémonie qui entoure le met. Les croyances et les rites berbères ne dérivaient pas du rituel punique. Hérodote nous a d’ailleurs transmis le souvenir d’une cérémonie d’une héroïne qui tient une si grande place dans les mystères agraires des Berbères modernes. On admettra volontiers que lorsque l’agriculteur berbère, en commençant ses labours, brise une grenade sur le timon de sa charrue, et l’enterre dans le premier sillon, c’est qu’il pense que les épis portent autant de grains que contient la grenade, lui attribuant ainsi une valeur symbolique. La grenade est un vieux symbole punique de fécondité.

Le blé dur à l’origine du couscous Mais que ce soit pour le blé ou la culture de l’olivier, il existait bien avant l’arrivée des Phéniciens dont les Berbères étaient en relation depuis l’Antiquité la plus lointaine. Mais rien ne conclut que le couscous est d’origine punique, il y a autant de raisons qui nous incitent à la prudence. Par exemple, tous ces bijoux par lesquels la femme algérienne se pare lorsqu’elle roule le couscous des différentes cérémonies, certains modèles pourraient rappeler des modèles venus de Carthage. Est-ce à dire que les femmes berbères ont pris goût des diadèmes et des khoulkhals (sorte de cerceaux de chevilles), ou encore la main ouverte, ce symbole porte-bonheur qui décore des bagues ou des pendentifs. Est-ce un héritage carthaginois ? Est-ce des bijoux puniques ? Là aussi il n’y a pas de solides arguments pour approcher les ressemblances. Les bijoux kabyles ou chaouis par exemple, ont peu de traits communs avec les bijoux carthaginois. Toutes les combinaisons géométriques et décorations berbères diffèrent complètement et n’ont rien à voir avec l’art carthaginois. Or, la première des croyances berbères, c’était toujours la bonne venue de la moisson. Et les rites à ce sujet sont très nombreux.

 

Le couscous : Rites des labours et semailles

Les rites des labours, les rites destinés à faire tomber la pluie, les rites des moissons, tous ces rites qui sont innombrables sont célébrés tout au long de l’année agricole. A partir de là, on perçoit aisément la place des céréales dans le système agraire amazigh. La récolte est ce produit né d’un mariage magique renouvelé chaque année, entre un élément femelle, la terre et un élément mâle, la pluie. Pour assurer cette union et pour la rendre féconde, l’homme amazigh s’est entouré de toutes les cérémonies symboliques qui se déroulent dans toute la Numidie. La terre meurt avec la moisson et renaît à l’automne. De là, est née la préparation du couscous qui se soumet à des rites selon que la cérémonie est funéraire ou de fêtes, de mariage, de circoncision. Chaque région du pays prépare à sa manière le rituel qui entoure le manger du couscous. Il y a autant de cultes agraires devant le mystère de la récolte. La trace de ces cultures est-elle héritée de la Phénicie ? Tanit Pene Balla, la grande déesse de Carthage, était vraisemblablement une déesse de la fécondité et Juno Caelesti qui lui succéda à l’époque romaine accentua encore ce caractère, elle fut déesse qui donne les épis, ou celle qui provoque les pluies. Or, le taslit berbère n’a rien à voir avec la lune.

 

Croyances berbères et “Boughandja”

Dans les croyances berbères, l’asli, élément mâle, semble dans la plupart des cas, un personnage céleste, matérialisé dans la pluie. Pour implorer Dieu afin que la pluie tombe, à ce jour les enfants sortent dans certaines de nos régions avec “Boughandja appelé aussi Taghoundja”, sorte de marionnette en pièces d’étoffes multicolores. Pour revenir à notre sujet qui est celui de l’origine du couscous, nous restons affirmatifs qu’elle est amazigh. Depuis, il existe différentes façons pour préparer le couscous. Du blé dur on en fait de la semoule qui servira à la préparation du couscous. Le thème n’est pas de présenter des recettes, pour cela les livres de cuisine en illustrent bien les procédés des différentes opérations dans l’effritement des grumeaux, saupoudrés de semouline qu’on frotte bien avec la paume de la main dans une “gas’aâ” en bois.

 

Seksou-taberbouchet-m’hawar-sefra

On l’appelle Seksou en Kabylie, Taberbcouchet dans les Aurès, Ta’âm chez les Ouled Naïl, Lem’hawar chez les gens de Mila et Naâma chez ceux de Constantine. Dans la région de Chenoua, on fait même du Taâm oubeloout ou couscous à base de glands. Le couscous sera accompagné d’une sauce appelée “margua” faite de légumes tels tomates, oignons, navets, ail, fèves, pois-chiches, courgettes, viandes blanche, rouge et des condiments depuis ras el hanout, coriandre, poivre, sel jusqu’au piment pour avoir une cuisine relevée. Les gens du littoral comme à Collo ont la spécialité du couscous au mérou. A chaque cérémonie, son propre couscous. Il y a le mesfouf sucré au miel et raisins secs, ou seffa avec beurre, raisins secs cannelle, fleur d’oranger et amandes mondées dans l’Ouest du pays. Il existe le couscous de couleur brunâtre appelé “lemziet” dont les citadins de Constantine en raffolent. Les pieds-noirs se sont accoutumés au couscous-merguez emprunté de l’art culinaire juif. Or, le couscous algérien et maghrébin en général, a pénétré l’Andalousie dès le XIIIe siècle. Sa cuisson à la vapeur qui remonte aux temps les plus reculés, fait du couscous qu’il a bien une légende. Parce que confectionné à partir du blé dur le couscous est-il berbère avant d’arriver en Ethiopie ? On peut classer le couscous dans la famille des panades. En roulant la semoule dans une bassine avec la paume des mains, qu’on passe au tamis bien calibré, les grains sortent et sont séchés sur un drap blanc puis sont portés à la vapeur dans un couscoussier pour être cuits.

 

Coscoten à la moresque

Aujourd’hui, chaque pays du Maghreb se targue d’être à l’origine de ce plat aux saveurs berbères. Présent dans les noces, dans les circonstances de fêtes et de peine, le couscous s’est toujours entouré de rituel qui lui donne une certaine sacralité. Il parvient de sortir des frontières et d’être prisé selon Rabelais dès le XVIe siècle sous le nom de “coscoton à la moresque”. C’est sous les premiers Hafsides que le nom de couscous est mentionné. On dit assez souvent que “les fleuves coulent vers la mer et gardent la nostalgie des hauteurs où ils ont pris leur source...” il en est de même pour les peuples. Rien n’est perdu aussi longtemps qu’ils en conservent le culte et les traditions millénaires. Le couscous est ce plat de convivialité qui a gardé son histoire millénaire celui de l’homme libre. En Algérie, chaque famille a ses propres cérémonies intimes en plus de celles liées à la tradition religieuse et ancestrale.

 

Couscous-Zerdat sabil

Que ce soit durant l’Aïd el Adh’ha ou Séghir, le Mouloud Ennabaoui Charif, Achoura, El Moharem, le couscous est à l’honneur. C’est ce repas rituel, qu’on distribue aussi aux pauvres dans les mosquées en tant qu’aumône propitiatoire (Fi sabili Allah) dans la voie de Dieu qui porte le nom de “zerdat-sabil”. Ce couscous préparé avec de la viande de la bête immolée sur le seuil de la nouvelle maison est offert. Le repas terminé, on se congratule et on souhaite prospérité et heureux séjour aux nouveaux occupants de la maison. C’est cette formule utilisée “mensel mabrouk” que cette maison soit bénie ou encore “In-Challah tafrah fiha wa tablegh el maqsoud” (s’il plaît à Dieu, vous y goûterez de la joie et y verrez vos désirs exaucés).

 

Couscous sacrificiel de la hadhra

Mais c’est sans doute le couscous offert à l’occasion de la “hadhra” lors des visites de lieux où reposent les “Awlya assalihine”, un couscous géant avec de la viande d’un bœeuf sacrifié, où se restaurent les adeptes de la tariqa et ceux qui viennent pour la curiosité voir les séances de dh”ikr. C’est une sorte d’office où l’on psalmodie les versets du Coran par un “soubhan Ed’daïm” (louange à l’Eternel) autour du cheikh ou mokadem de la confrérie Aïssaoua, Rahmanyya, Kadirya, ou Hnasala etc. Le couscous se consomme dans l’allégresse mais aussi dans une sorte de méditation après un court prélude entonnant l’invocation “Louange à Dieu qui n`a pas d’enfant, qui n’a pas d’associé à Son Règne et qui n’a pas d’auxiliaire. Proclame Sa Grandeur. Le Puisant doué de majesté, le Sage doué de beauté, le Proche doué de générosité”.

 

Le couscous de la baraka

C’est à l’écoute de récitatif qui sera suivi d‘un lyrisme métaphysique où le temps et l’espace dépendent de l’Eternel, que le rythme des bendirs, les adaptes à l’unisson des voix dans une ambiance de tawhid de la Réalité unique, ressentent ce souci d’équilibrer l’immanence et la transcendance. Alors que la litanie va en chœur souhaiter prière et paix au Prophète (QSSSL), puis énumérer les saints depuis Jouneïdi, Chadilya, Abdelkader El Djillali etc... Autour de la baraka, le couscous est servi après la plainte du mourid (néophyte) et que les kouans prononcent le teslim pour la séance de “tahwal” (oscillation de la tête et du corps) dans un exercice extatique selon un tempo où les bendirs reprennent impérieux dans une exaltation d’une mélodie qui détend l’atmosphère mystique. N’est-ce pas là encore un rituel de dégustation du couscous communautaire qui rappelle l’antériorité de nos ancêtres, tel que nous l’avons vécu au cours des hadras à Sidi Slimane ou encore à Elghrab, Bouldjbel lorsque feu cheikh Hsouna Ali Khodja entonnait les Med’hs à l’honneur du Prophète Mohamed (QSSSL) et des saints dans la zerda Aïssaouia où le “Mhwar”, couscous raffiné des citadins de la médina de Constantine et le M’zeït dégageaient les saveurs de l’art culinaire de l’antique Cirta. Le couscous lorsqu’on l’offre est aussi une symbolique contre le mauvais œil. Le couscous est comme le burnous d’origine amazigh. Il est algérien. Il a une généalogie maghrébine dans toute la profondeur de nos racines.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)