Algérie

Le coup du général



Au Liban, les parlementaires désignent les généraux à la tête de l?Etat. Pas l?inverse. La particularité des Libanais réside dans cette manière de se disputer chez eux, au point de s?entretuer et de se réconcilier dans un pays arabe qui fait preuve de générosité, dont les valeurs, bien que proches d?un cliché révolu, leur sont souvent rappelées par un dignitaire américain de passage dans la région.Quand ce n?est pas un secrétaire d?Etat, c?est un Président. Et Bush, profitant d?un petit tour pour fêter avec les Israéliens la fin de la Palestine 60 ans plus tard, a dû évoquer la question libanaise avec ses paires ou plutôt ses « amis » parmi les pétroliers du golf. Résultats : mobilisation générale, choix d?un pays très proche, oriental, ayant un vide dans son agenda national par oisiveté, moyens financiers et logistiques, à la hauteur de l?évènement. Les moyens dans la région ne manquent pas et la richesse est visible dans cette insolence qui consiste à défendre les valeurs musulmanes dans les prêches des grandes prières et de fermer les yeux devant les injustices dans le monde musulman. Les libanais y ont gagné une entente de plus et c?est l?essentiel.De mauvaises langues prétendent que les Qataris ont abrité la rencontre de Doha pour pouvoir passer leurs prochaines vacances tranquillement sur les hauteurs de Beyrouth, capitale d?un pays qui s?arrache péniblement aux innombrables pièges de sa géographie. Ce qu?il faut retenir comme leçon c?est que bien qu?ayant pris le soin d?adapter les principes démocratiques à une société multiconfessionnelle au bord du conservatisme religieux, la cèderai historique semble coincer sur les sorties de crises. Rappelons le feuilleton de Taëf mettant fin à une guerre civile de 15 ans et dont les Palestiniens en avaient payé le prix de la haine et de l?abandon. Taëf avait été initiée par le Maroc, l?Arabie Saoudite et l?Algérie du temps où l?Algérie avait encore son mot à placer sur la scène au moins arabe. Du temps où Lakhdar Brahimi trônait sur la politique internationale en fin diplomate d?envergure, sans mot dire lorsqu?il s?est agi de son pays et il n?aura pas été le seul. Les accords de Taëf devaient répondre à un seul objectif : l?arrêt des hostilités et la reprise d?une vie normale. Les chiites et les druzes avaient trouvé que l?accord conclu n?apportait rien de nouveau depuis 1943 dans la répartition du pouvoir, les sunnites se suffisaient avec les espaces qui leurs étaient réservés et les chrétiens de différentes obédiences craignaient la main mise syrienne. Autant dire que l?accord signé était accepté par tout le monde en étant refusé par tout le monde.Quoi de plus normal dans cette mosaïque religieuse ou se bousculent groupes et sous groupe en ordres dispersés unis malgré la volonté de tous de parvenir enfin à une structure du pouvoir où la compétence et l?appartenance nationale l?emporterait sur une chimie politique dont les erreurs de dosage en font un laboratoire humain à ciel et mer fermés. Pour cause de guerre prolongée que leur livre leur voisin israélien malgré eux. Les peuples arabes n?ayant appris à s?unir qu?autour de l?occupant du jour, seul fait l?unanimité la reconquête des 14 fermes de Chabaa d?une superficie variable selon chacun entre 40 et 100 km², occupées par Israël depuis le cauchemar 1967. Les résolutions de l?ONU à ce propos sont aussi convertible que le dollar. Il reste les armes et le Hezbollah considéré tantôt comme un groupe de résistants libérateurs selon la minorité parlementaire, tantôt comme groupe terroriste qui revendique une vision d?ensemble au détriment des urgences. L?hommage rendu à « la résistance » par le général Michel Sleimane dans son discours d?investiture à la présidence libanaise, constitue un choix terminologique clair par rapport au rôle qu?il compte faire jouer au Hezbollah. D?aucuns pensent que le Hezbollah serait mieux contrôlé une fois ses troupes structurées au sein de l?armée. Qu?en pense le Hezbollah ? Il attend la constitution du gouvernement pour refuser cette option et éviter un suicide préjudiciable à sa survie politique, à la Syrie ainsi qu?à l?Iran ses « amis ». Douzième commandant de l?armée libanaise et donc douzième président, Michèle Sleimane aura à mettre en pratique son expérience militaire, son expérience des renseignements et sa formation en sciences politiques et administratives. C?est un général lettré qui a bénéficié d?une formation sérieuse en Europe et aux USA,qui connaîtrait parfaitement les « réseaux terroristes » et que l?on compare comme ses prédécesseurs au Général De Gaulle faute de repères dans la région. Il lui manquera juste son expérience de la politique arabe avec des pays qui détiennent une richesse sous scellée américaine et dont la gouvernance est souvent en avance d?un retard. Il lui restera à convaincre de la nécessité admise constitutionnellement selon laquelle le président sera toujours un maronite dont la communauté se chiffre au Liban à près de un million et demi d?âmes. Si tel ne sera pas le cas l?homme devra se résoudre à imiter Maron, le fondateur de l?église maronite et de vivre en ermite, loin des controverses politiciennes. Même si l?on peut reprocher au Qatar d?avoir fait du règlement de la dernière crise libanaise un marketing un peu trop rapide pour régler toutes les questions en suspend, il n?en demeure pas moins qu?en la forme c?est aux parlementaires que le dernier mot est revenu. Une tradition démocratique que le Liban même en guerre a su perpétuer. Le cas des autres pays arabes n?a rien de semblable et sans insister pour revenir à nos moutons, il est utile que nos parlementaires prennent d?abord exemple sur ce pays sans ressources avant d?aller gambader à travers les capitales du monde occidental, à la recherche de quelques recettes qui leur sont livrées sans préciser les ustensiles et les épices qui vont avec. Car forts de ces recettes et de ces épices, le Liban a construit des institutions qui se sont avéré fortes malgré la complexité de sa société et l?état de guerre depuis son indépendance. Le Liban a ainsi acquis le droit de porter un général au pouvoir avec les balises utiles à son renvoi en cas d?échec. Aux échecs les libanais ont ajouté au coup du berger, que nous connaissons bien, le coup du général. Pourvu que ça dure. 


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