Algérie

Le coup de bill'art du Soir Maurice et Josette Audin, enfin !



Par Kader Bakou
Quelques minutes qui ont changé l'histoire. C'est peut-être l'étape la plus symbolique de la visite de François Hollande à Alger. Le président de la République française s'est longuement recueilli jeudi devant la plaque apposée en souvenir de Maurice Audin, à la place qui porte le nom de ce mathématicien de 25 ans, communiste, qui militait pour l'Algérie indépendante.
Le 11 juin 1957, en pleine bataille d'Alger, Maurice Audin est arrêté par les paras, la nuit, à son domicile d'Alger. C'est la dernière fois que son épouse, Josette, le verra. Une souricière étant installée dans l'appartement de la famille Audin, Henri Alleg, directeur du journal Alger républicain, y est arrêté le lendemain. Il est le dernier civil à l'avoir vu vivant. La trace de Maurice Audin est, dès lors, perdue pour son épouse Josette et leurs trois enfants. Le 1er juillet, le commandant militaire du secteur d'Alger- Sahel annonce à Josette que son mari s'est évadé. Selon l'armée française, Maurice Audin se serait évadé en sautant de la jeep qui le transférait de son lieu de détention. Mais, selon une enquête de l'historien Pierre Vidal-Naquet qui écrit, en mai 1958, dans la première édition de «L'affaire Audin», que l'évasion était impossible, Maurice est mort assassiné au cours d'une séance de torture, le 21 juin. «Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. J'ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d'humiliations que je n'oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c'est aussi une manière d'aider au cessez-le-feu et à la paix (…) J'ai encore connu d'autres choses. J'ai appris la «disparition» de mon ami Maurice Audin, arrêté vingt-quatre heures avant moi, torturé par la même équipe qui ensuite me «prit en mains». Disparu comme le cheikh Tébessi, président de l'Association des Oulamas, le docteur Cherif Zahar et tant d'autres. Lodi, j'ai rencontré mon ami de Milly, employé à l'hôpital psychiatrique de Blida, torturé par les «paras» lui aussi, mais suivant une nouvelle technique (…) Dans les couloirs de la prison, j'ai reconnu dans un «entrant» Mohamed Sefta, de la Mahakma d'Alger (la justice musulmane). «Quarante-trois jours chez les paras. Excuse-moi, j'ai encore du mal à parler : ils m'ont brûlé la langue», et il me montra sa langue tailladée. J'en ai vu d'autres : un jeune commerçant de la Casbah, Boualem Bahmed, dans la voiture cellulaire qui nous conduisait au tribunal militaire, me fit voir de longues cicatrices qu'il avait aux mollets. «Les paras, avec un couteau : j'avais hébergé un FLN. De l'autre côté du mur, dans l'aile réservée aux femmes, il y a des jeunes filles dont nul n'a parlé : Djamila Bouhired, Elyette Loup, Nassima Hablal, Melika Khene, Lucie Coscas, Colette Grégoire et d'autres encore : déshabillées, frappées, insultées par des tortionnaires sadiques, elles ont subi elles aussi l'eau et l'électricité. Chacun ici connaît le martyre d'Annick Castel, violée par un parachutiste et qui, croyant être enceinte, ne songeait plus qu'à mourir», écrit Henri Aleg dans La Question. Avant sa visite en Algérie, François Hollande a adressé une lettre à Josette Audin où il lui promet une entrevue avec le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, «afin de (lui) remettre en mains propres l'ensemble des archives et documents en sa possession sur la disparition de (son) mari». C'est la consécration de son combat et aussi d'hommes comme Henri Alleg, François Demerliac, réalisateur du film Maurice Audin, la disparition ou de Mohamed Rebah auteur du livre Des chemins et des hommes. Maurice Audin (un franco-algérien, pour reprendre le langage d'aujourd'hui) est une victime de la colonisation ; «un système injuste et brutal», selon les propres propos de François Hollande lors de son désormais historique discours d'Alger.
K. B.


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