Par Kader Bakou
L'incendie de l'Institut d'Egypte au Caire, la plus ancienne institution scientifique du pays, est une des plus grandes «réalisations» du «Printemps arabe». Principalement voué à la recherche scientifique, cet Institut a été fondé en 1798, lors de l'expédition de Napoléon Bonaparte. A l'époque, il avait pour mission, entre autres, de propager l'esprit des Lumières en Egypte.
Quelque 200 000 ouvrages, certains rarissimes, étaient conservés dans cet établissement. Parmi ces pièces les plus précieuses, se trouve une édition originale de la monumentale «Description de l'Egypte», faite par les savants de l'expédition de Bonaparte. L'incendie qui s'est produit le 17 décembre dernier lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre a causé la perte de nombreuses archives et d'ouvrages historiques d'une valeur patrimoniale inestimable. Environ 70% de sa prestigieuse collection de manuscrits a été détruite par le feu. «C'est une perte irréparable pour l'Egypte et pour le monde», a déclaré Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco. C'est une des plus grandes «catastrophes culturelles» dans l'histoire dans ce pays, après l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie fondée en 288 av. J.C. et détruite des siècles plus tard (plusieurs dates et hypothèses subsistent jusqu'à aujourd'hui). Une autre célèbre bibliothèque cairote avait disparu mais d'une manière moins brutale. En effet, en 1004, le calife fatimide Al-Hâkim ouvre une «Maison du savoir» et y dépose les ouvrages de sa propre bibliothèque. Des savants de toutes disciplines y viennent pour confronter leurs points de vue. Cette bibliothèque finira bradée après l'arrivée au pouvoir de Salah Eddine Al Ayyoubi en 1171. Pour des raisons financières, il organise des ventes aux enchères de livres afin de payer ses soldats. Mais il n' y a pas qu'en Egypte... Au IXe siècle, la Bibliothèque de Cordoue était la troisième grande bibliothèque du monde islamique. Al-Mansur, bibliophile, est le précepteur du calife. Mais des ulémas, qui trouvent «religieusement» suspects les livres, font pression sur lui afin qu'il détruise (vers l'an 1000) la bibliothèque du calife, d'une richesse fabuleuse. En 1258, la grande Bibliothèque de Baghdad contenant d'innombrables ouvrages traitant de médecine, d'astronomie, etc. fut entièrement détruite par l'armée mongole. Des survivants racontent que les eaux du Tigre devinrent sombres en raison des quantités d'encre émanant des livres jetés dans le fleuve. L'incendie de la Bibliothèque de Constantinople en 1453 a eu une influence majeure sur la littérature du XVIe siècle puisque de nombreux manuscrits passent d'Orient en Occident. Peu de temps après la chute de Grenade, l'évêque de la cité devenue catholique jette au feu les livres écrits en arabe faisant disparaître ces traces de l'histoire de l'Espagne entre 711 et 1492. Le Bûcher des Vanités du 7 février 1497, quand les disciples du moine Jérôme Savonarole rassemblent des milliers d'objets pour les brûler, à Florence, le jour du Mardi Gras, a consumé livres et chefs-d'œuvre de la peinture florentine, notamment. La destruction par le feu de la Bibliothèque de Copenhague en 1728 a été considérée comme une catastrophe nationale : elle avait provoqué la quasi-disparition du «vieux Copenhague », celui du Moyen Âge et la destruction de documents inestimables. Près de 2 000 précieux manuscrits furent détruits ou sérieusement endommagés dans l'incendie de la Bibliothèque municipale de Chartres le 26 mai 1944. Ils formaient une collection exceptionnelle, en raison du rôle de premier plan que jouait l'Ecole de Chartres dans l'histoire intellectuelle de la France lors de la Renaissance du XIIe siècle. Le 7 juin 1962, un attentat de l'OAS provoqua un incendie dans la bibliothèque de l'Université d'Alger, avec comme bilan macabre 600 000 livres brûlés. Le 2 septembre 2004, un incendie détruisait entièrement la Bibliothèque Anna-Amalia de Weimar, en Allemagne. Cette bibliothèque, du nom de la duchesse Anna-Amalia de Saxe- Weimar au XVIIIe siècle, fut dirigée par Goethe pendant environ 35 ans. Elle contenait des trésors inestimables : 2 000 manuscrits du Moyen-Âge, 8 400 cartes et une importante collection de bibles et de partitions. Au total 50 000 ouvrages ravagés par les flammes et 62 000 plus ou moins endommagés. L'histoire de l'humanité est pleine d'autres autodafés ou de destructions volontaires ou involontaires de bibliothèques. Pourtant, un seul livre vous manque, et tout est dépeuplé…
K. B.
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Posté Le : 20/03/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Soir d'Algérie
Source : www.lesoirdalgerie.com