Le coup de bill'art du Soir

Par Kader Bakou
El-Badji aime la mer. Un documentaire de l'ENTV diffusé récemment le montre presque tout le temps au bord de la grande bleue.
Les premières images montrent notre artiste kheloui (qui aime la solitude et la méditation) sur une jetée du port d'Alger fréquentée aussi par l'artiste Momo. Mais Mohamed El-Badji aime surtout aller chercher refuge dans une grotte à Bouharoun. Tous ses amis, comme lui, en bleu Shanghai, témoignent : il passe des mois entiers dans cette grotte près de la mer. C'est ici sur ce rocher caressé, par les vagues, que l'artiste a écrit et composé la plupart de ses chansons. Bahr ettoufane parle d'un ami parti le matin en felouque pour ne plus revenir. El- Badji est surnommé «Khouya El Bez» (mon frère le faucon), mais en réalité, c'est lui el moqnine ezzine (le beau chardonneret). Arrêté pendant la grève des Huit jours en 1957, Mohamed El-Badji est torturé et condamné à mort. Dans sa cellule, il fabrique une guitare de fortune et écrit une chanson sur «un beau chardonneret, triste dans une cage (cellule), depuis plusieurs années, chantant d'une voix mélancolique». «A la maison, j'avais des oiseaux en cage. J'ai dit à ma famille de les libérer», se souvient l'artiste chaâbi. Au mois de mars 1962, Mohamed El-Badji, tout comme l'Algérie, retrouve cette précieuse liberté qu'il avait lui-même donnée à ses oiseaux quelques années auparavant. Mohamed El-Badji a écrit des chansons pour un grand nombre d'artistes, notamment Boudjemaâ El Ankis, Amar Ezzahi et Aziouz Raïs. Beaucoup de ses œuvres racontent des histoires véridiques. Sa discussion avec un voisin âgé de «125 ans présumé», selon sa propre expression, est pleine de sagesse. Le centenaire lui explique : «La vie terrestre ne vaut rien (...) Le meilleur de la nourriture, le miel, est un déchet qui sort du ventre d'un insecte et le meilleur des habits, la soie, est un déchet qui sort du ventre d'un ver.» El-Badji est décédé le 28 juin 2003 à Alger. Il est notre «vieil homme et la mer» !
K. B.