La grève inutile du Cnapeste à Béjaïa traduit parfaitement cette mentalité «égoïste»Le débat public n'a à aucun moment abordé la problématique de fond, mais s'est focalisé sur le «flanc» politique.
La grève surprise enclenchée par le personnel navigant commercial d'Air Algérie, ainsi que celle «cyclique» des paramédicaux, ont été déclarées illégales par les tribunaux. La saisine de la justice s'était imposée à la direction d'Air Algérie et au ministère de la Santé, devant la «brutalité» avec laquelle les syndicats ont engagé un bras de fer avec leurs administrations respectives. Les deux syndicats ont été effectivement «brutaux» parce que leur mouvement de débrayage a causé du tort à la compagnie aérienne et provoqué d'importants désagréments à des dizaines de milliers de voyageurs. Le tort est plus grave pour ce qui concerne les paramédicaux, puisque ce sont de très nombreux citoyens malades qui se sont vu pénaliser par le débrayage d'un personnel nécessaire dans l'ensemble des structures médicales du pays. Si la justice a rejeté, dans la forme au moins, la démarche assez peu regardante, faut-il le souligner, envers les intérêts des Algériens, c'est surtout parce que ces syndicats donnent l'impression de ne croire qu'aux rapports de force avec leurs employeurs, indépendamment de tout autre considération.
Cela pour les faits les plus récents concernant l'actualité sociale de ces derniers jours. Pour ce qui concerne le fond du problème, il semble que l'on soit arrivé à une situation grotesque où l'action syndicale déborde très largement de son contexte strictement socioprofessionnel pour aller chercher un impact ailleurs qu'au sein de la corporation elle-même. Le mouvement des médecins résidents qui a connu les péripéties que l'on sait et qui dure toujours, illustre assez bien cet état de fait. Les grévistes ont, «disons-le», réussi leur coup en portant leur mouvement dans la rue. Les nombreux sympathisants qu'il engrange sont plus mus par la sacro-sainte liberté de manifester à Alger, que par le sort de ces médecins résidents «obligés» selon eux de supporter deux services pour la nation, le premier étant civil et le second militaire.
Le débat public n'a à aucun moment abordé la problématique de fond, mais s'est focalisé sur le «flanc» politique. De fait, le soutien n'est pas si sincère que cela. Il est intéressé, l'objectif étant d'élargir le «champ de la contestation», pour ensuite zoomer sur le pouvoir et le confondre sur la question de l'interdiction de manifester à Alger. Le coup a bien réussi, faut-il le souligner. La responsabilité volontaire ou involontaire incombe aussi aux grévistes qui, cherchant une forte médiatisation, se sont vu complices d'une machination politicienne. Mais la principale critique que l'on peut faire aux médecins résidents, c'est leur obstination à durcir leur mouvement, malgré la disponibilité au dialogue du ministère de la Santé. Dans cette affaire, ce sont des dizaines de milliers de malades qui souffrent de la situation. La grève est certainement un droit inaliénable de tout travailleur, mais faut-il la transformer en moyen de coercition, pour imposer un point de vue, même «égoïste»'
On en est malheureusement à cet extrême, à voir l'attitude de nombreux syndicats qui ne discutent que rarement de leur métier et préfèrent, pour certains, «régler des comptes» quitte à faire de gros dégâts dans leurs secteurs. La grève inutile du Cnapeste à Béjaïa traduit parfaitement cette mentalité «égoïste», puisque ce syndicat a paralysé tous les lycées de la wilaya à cause d'un banal conflit de personnes. Puissant, ce syndicat veut imposer sa loi aux responsables de l'Education nationale. Ce genre de comportements, à la limite du supportable, ne sont pas si isolés que cela. Des pressions sont régulièrement exercées sur des gestionnaires, avec à «bout de bras» le chantage à la grève, comme une arme d'une redoutable efficacité.
La ministre de l'Education nationale qui connaît bien le secteur et ses syndicats n'a pas proposé l'interdiction de la grève sans raison. Elle doit savoir ce qui se trame dans les écoles de la République et du danger que font courir certains aventuriers-syndicalistes à tout le système éducatif national.
Le recours à la grève est actuellement réglementé dans la forme. Mais peut-on en dire autant dans le fond. Comment peut-on mener une grève de plusieurs semaines et une autre pour se faire payer les journées non travaillés' C'est une spécificité algérienne qui fait que les jours de grève soient chômés et payés. Le recours abusif au débrayage s'explique donc et met tout le pays devant le dilemme d'une dérive syndicaliste, susceptible de conduire à l'anarchie. Une anarchie qui n'est pas pour déplaire à certains cercles politiques qui voient d'un bon oeil, la nouvelle «trouvaille» des syndicats qui consiste à aligner les protestations socioprofessionnelles avec l'agenda politique du pays. L'idée qui veut que «le gouvernement est coincé par une échéance électorale, c'est donc le moment de lui forcer la main», semble avoir beaucoup d'adeptes parmi les syndicalistes. La proximité du prochain rendez-vous politique, dans à peine plus d'une année, semble exciter pas mal de monde, au risque de faire vivre au pays une tension dont il doit s'en passer eu égard à la situation délicate à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/01/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Saïd BOUCETTA
Source : www.lexpressiondz.com