Algérie - Costumes traditionnels


Le costume de Tlemcen


Bien que fréquentée par les Phéniciens qui y font régulièrement escale avant de rejoindre les îles Canaries, l’Algérie occidentale du premier millénaire avant J.-C. reste moins marquée par l’influence des cultures originaires de l’est de la Méditerranée que la partie orientale de l’Algérie. La distance qui la sépare de la capitale punique, Carthage, relais principal de la civilisation phénicienne, syrienne, égyptien ne et grecque, entrave l’acheminement de produits artisanaux étrangers et l’accès à des modes vestimentaires plus évoluées. Contrairement aux habitantes de Cirta, d’Hippone et des autres centres urbains numides qui adoptent précocement des vêtements et des accessoires de type citadin, les femmes des régions occidentales tardent à découvrir le modèle de la tunique à manches et à remplacer les pelleteries et les lainages fixés à l’aide de fibules archaïques par des textiles et des bijoux sophistiqués. C’est dire combien le costume de Tlemcen débute son histoire antique dans un contexte peu privilégié par rapport aux costumes du Maghreb oriental.
Pendant l’époque romaine, Pomaria ressemble davantage à un camp militaire qu’à une capitale culturelle. Vers le IIIe siècle, les tuniques, les drapés et les bijoux filigranés, dérivés des modèles romains, n’apparaissent que sur une minorité de citadines. Quant aux somptueuses robes de soie et aux parures d’inspiration byzantine, elles ne semblent pas destinées à franchir les remparts de la cité. Quelques siècles plus tard, les étoffes et les nouveautés vestimentaires provenant de Baghdad, de Damas ou même de Kairouan, au début de l’expansion musulmane, demeurent elles aussi circonscrites aux métropoles de l’est algérien. Rebaptisée Agadir par les Kharidjites, la ville maintient des rapports étroits avec les populations berbères des montagnes voisines. Plusieurs éléments du costume l’attestent, en particulier le pagne en laine rayé que les femmes mariées nouent autour de la taille. Vers la fin du 1er millénaire, la domination idrisside agit peu sur l’évolution des modes féminines. Cette continuité implique l’absence de signes extérieurs de différenciation entre les citadines récemment converties à l’Islam et leurs concitoyennes chrétiennes. Alors que ces dernières deviennent minoritaires, l’avènement des Almoravides au XIe siècle fige les costumes des différentes communautés. Leur présence marque davantage l’aspect de la ville que celui de son paysage vestimentaire : ils fondent Tagrart, petite agglomération qui, annexée à Agadir, donnera naissance à la ville de T1emcen, mais imposent peu de changements en matière d’habillement. En effet, depuis la capitale, Marrakech, la cour almoravide, fidèle aux traditions berbères, prône l’usage de tuniques simples, de broderies à motifs géométriques et de bijoux aux fonctions symboliques ancestrales.
Il faut attendre le règne de la dynastie musulmane berbère des Almohades pour que le retard du costume tlemcénien commence à se combler. Aussi attachés aux coutumes berbères que leurs prédécesseurs almoravides, les souverains almohades qui condamnent sévèrement toutes les expressions ostentatoires de luxe vestimentaire finissent par employer les soieries produites dans les villes andalouses annexées à leur empire. Convaincus par les bénéfices obtenus grâce au commerce des textiles, ils en encouragent la production et la diffusion. Au fur et à mesure que l’empire s’étend à l’ensemble de l’Afrique du Nord et de l’Espagne musulmane, les costumes citadins évoluent, dès le XIIe siècle, vers un style commun plus raffiné. Les robes coupées dans des tissus de soie polychromes couvertes de motifs stylisés ou calligraphiés complexes, les tuniques estivales en toile de lin et hivernales en mousseline de laine fluide, les fichus de tête en soie brillante, ainsi que les accessoires enrichis de broderies au fil d’or ou d’argent, s’immiscent dans les garde-robes féminines des familles nobles et commerçantes de Tlemcen. Cette mutation s’accentue parallèlement à la croissance prodigieuse de la ville, à une époque favorable aux échanges commerciaux et culturels entre les métropoles de Méditerranée occidentale. Sous le règne almohade, Tlemcen devient une capitale régionale, cosmopolite et ouverte, qui s’enrichit notamment grâce au transit de l’or africain vers l’Europe. C’est peut-être en souvenir de cette activité florissante que, longtemps après son apogée, la ville conserve un costume nuptial qui continue à se distinguer des autres costumes algériens par sa parure composée d’une somme impressionnante de bijoux en or.
Le contexte culturel et économique favorable dont jouit la société tlemcénienne du XIIe siècle permet au costume féminin de se rapprocher, pour la première fois, de son contemporain constantinois. L’effondrement de l’unité almohade ne ralentit pas cet élan car l’avènement de la dynastie abdelwadide et du royaume autonome de T1emcen, fondé par Yaghmouracen en 1236, propulse les costumes de la classe dominante vers un degré de luxe encore plus élevé. En dépit des sièges répétés que les Mérinides de Fès imposent à la cité zianide entre le XIIIe et le XIVe siècle, la population parvient à préserver ses habitudes vestimentaires. Parmi les réfugiés musulmans et juifs espagnols qui choisissent de s’installer dans la ville, les orfèvres, les tisserands, les couturiers et les brodeurs véhiculent les techniques sophistiquées de l’artisanat andalou. De plus, l’élite zianide imite l’habillement des familles nobles originaires des capitales ibériques reconquises par les Chrétiens. La robe au plastron chargé de broderies et la coiffe conique qui émerge d’un fichu en soie surmonté de bijoux de tête représentent les principales nouveautés de l’époque : deux concepts que les Tlemcéniennes vont désormais partager avec les Constantinoises. Mais les innovations qui caractérisent le costume médiéval de Tlemcen ne se cantonnent pas à la chéchiya pointue et au plastron reluisant de la robe-tunique en soie, appelée ‘abaya, qui équivaut à la djoubba ou gandoura de l’Algérie orientale. L’insertion des pantalons portés sous la ‘abaya date également de la période zianide. Le serouel, originaire du Proche-Orient, pénètre les villes algériennes par le biais de l’Andalousie musulmane, héritière de l’ancien costume syrien des aristocrates omeyades de Cordoue. Les femmes de condition ne se sépareront plus de cette délicate pièce de lingerie.
Enfin, le voile se greffe au costume de sortie d’une portion plus importante de la société féminine tlemcénienne. Il devient le signe de distinction externe le plus recherché par l’élite commerçante. Tissé avec des fibres de laine et de soie, le haïk devient une pièce coûteuse à cause de son ampleur, même s’il reste dépourvu de coutures et de broderies. Grâce à sa finesse extraordinaire, il s’exporte bien au-delà des frontières du royaume de Tlemcen, aussi bien en Tunisie et en Egypte qu’au Proche-Orient. La qualité du haïk tlemcénien permet la création de volumes drapés plus beaux que ceux des autres voiles algériens. Les citadines le referment sur le visage en ne concédant qu’une petite ouverture devant l’un des deux yeux. Cette coutume serait elle aussi originaire de l’Andalousie musulmane puisqu’au XVIe siècle, le voile noir des Espagnoles catholiques se revêt encore de cette manière. Il est probable que les Tlemcéniennes de la noblesse aient commencé à se voiler ainsi tardivement, après la chute de Grenade et du dernier royaume musulman d’Andalousie en 1492, quand plusieurs dizaines de milliers de familles grenadines et cordouanes affluent vers la ville. L’assimilation des modes vestimentaires andalouses se poursuit donc au cours du XVe et du XVIe siècle, malgré l’affaissement du royaume de Tlemcen.
S’il est vrai que l’essentiel des vêtements et des accessoires se transforment sous l’influence des modèles andalous et que ces derniers, descendants des fastueux costumes de la Syrie byzantine et omeyade, impriment une touche un peu orientale au paysage vestimentaire, il n’en demeure pas moins que le costume féminin de Tlemcen garde des traces de son passé berbère. La permanence de deux pièces ancestrales rappelle le lien de ce costume avec ceux des montagnardes berbères qui n’ont subi aucune acculturation : le pagne, appelé fouta, et le péplum à fibules, appelé melhafa, résistent face aux apports venus d’Espagne. Le premier se noue autour de la taille ou des hanches, tandis que le second s’agrafe avec deux fibules, à la manière du peplos dorien. Il n’est pas étonnant que fouta et melhafa correspondent à des rectangles d’étoffe tissés sur mesure qui, à l’instar de toutes les formes archaïques de costumes, ne sont ni taillés, ni cousus. Leur aspect désuet est toutefois compensé par le raffinement des matières sélectionnées : soieries rayées en longueur qui alternent bandes de couleur vive et stries dorées pour la fouta et pour la ceinture qui la surmonte, fines mousselines de laine pour la melhafa. L’emploi de tissus luxueux est rendu nécessaire par la position externe de ces deux vêtements par rapport à la chemise et à la robe. Un luxe qui devient extrême lorsqu’il s’agit du costume nuptial car le pagne, porté seulement lors du septième et dernier jour de noces, est réalisé dans un tissage chargé de fils d’or qui lui vaut le nom de fouta metaqla ou « alourdie ». La melhafa exhibe quant à elle une soierie de type mensoudj au fond clair, le plus souvent bleu, mauve ou rose, parcouru de rayures en or. En Algérie, seule Tlemcen est parvenue à sauvegarder ces deux pièces tissées manuellement par les artisans de la soie, les harrar, qui continuent à travailler pour les futures mariées de la ville. La blouzet el mensoudj qui domine, aujourd’hui encore, la somptueuse tenue nuptiale traditionnelle n’est autre que l’antique péplum ou melhafa en soie que ni l’influence des costumes ottomans, ni celle de la mode française ne sont parvenues à détrôner. Pourtant, ces deux cultures vestimentaires conditionnent, à quelques siècles de distance, l’évolution d’autres éléments du costume féminin.
La décadence politique du royaume de Tlemcen facilite le passage de l’Algérie septentrionale sous la tutelle turque : vers 1554, vingt ans seulement après l’investiture officielle de Barberousse en tant que beylerbey d’Alger, Tlemcen, conquise, perd son autonomie et devient la métropole la plus occidentale du monde ottoman. Son éloignement empêche l’instauration de contacts directs avec Istanbul. C’est donc exclusivement par le biais d’Alger que les femmes peuvent accéder aux quelques innovations provenant d’Asie mineure. Ainsi, entre l’ancienne et la nouvelle capitale régionale, la situation se renverse car après trois siècles de suprématie absolue, le costume des Tlemcéniennes s’empreint d’un caractère provincial face au costume, plus novateur, des Algéroises. Au début du XVIIe siècle, le concept du caftan porté ouvert à la manière levantine arrive à Tleemcen, via Alger. Il remplace les anciennes formes de vêtements boutonnés devant qui rivalisaient, en vain, avec la melhafa à fibules. Pendant la période ottomane, cette dernière se retire progressivement du costume quotidien et n’apparaît plus qu’à l’occasion des mariages, superposée au caftan. La panoplie des vestes de velours ou de brocart brodées au fil d’or des aristocrates tlemcéniennes reste moins variée que sa contemporaine algéroise, mais elle comporte tout de même au moins deux types de caftans. Le premier, fidèle au modèle oriental original, atteint les chevilles et utilise une quantité importante de velours, tandis que le second se raccourcit jusqu’aux genoux. Ce caftan court ou caftan « du buste », appelé caftan esdder, se démarque de la ghlila d’Alger par l’absence de décolleté profond. Comme elle, il possède une paire de manches longues détachables qui se fixent au vêtement durant la saison fraîche.
Vers la fin du XVIIIe siècle, le principe des manches amovibles devient caduque, suite à l’introduction d’une forme de veste qui découle de la ghilla djabadouli algéroise. Les manches du jabador ou du qat tlemcénien s’agrémentent ainsi de lentes bordées de passements dorés et de boutons de nacre. Leur surface est illuminée de paillettes encerclées de fil d’or brodé. Des volutes concentriques et des courbes sinueuses, similaires à celles qui ornent la devanture et le dos du vêtement, sont brodées à l’intérieur de bandes horizontales. Réalisées suivant la technique de la fetla, elles dessinent sur la surface de l’étoffe de gracieux entrelacs. Ces broderies foisonnent sur toutes les pièces en velours, même lorsque leurs dimensions sont réduites. Ainsi, le gilet ou fermla porté sur la chemise, légèrement plus large que la minuscule frimla d’Alger, est constellé de paillettes et de broderies arrondies.
À l’inverse des Algéroises et des Constantinoises, les Tlemcéniennes perpétuent un style ornemental qui reproduit des motifs linéaires, abstraits et non remplis. Les applications décoratives triangulaires couvertes de fil d’or qui figuraient, au niveau de la poitrine, sur le caftan et la ghlila d’Alger, mais qui n’apparaissent plus sur le caraco des XIXe et XXe siècles, perdurent par exemple sur le caftan de la mariée tlemcénienne.
D’ailleurs, après que le caftan long ait disparu de la garde-robe féminine, comme dans toutes les villes algériennes de la fin du XIXe siècle, le caftan court survit à Tlemcen, sans évoluer vers une coupe plus cintrée. Il préserve sa forme droite, détachée du corps, qui l’autorise à couvrir le haut de la fouta et des robes de la mariée.
Le costume nuptial du XXe siècle comporte toujours la fameuse lebsat el carftan du septième jour des noces. Comme son nom l’indique, elle s’organise autour du caftan hérité de l’époque ottomane. L’amas d’arborescences brodées en or et enrichies de paillettes dorées ne se laissent toutefois admirer qu’au niveau des manches du caftan car le reste du vêtement est masqué par les joyaux qui recouvrent le buste de la mariée. La parure nuptiale superpose, en effet, plusieurs sortes de colliers : colliers de perles baroques, colliers de sequins, chaînes torsadées en or jaune, chaînes d’anneaux aplatis, chaînes munies de boîtes à parfum en or filigrané, sans oublier la chaîne qui retient un médaillon-amulette en or incrusté de pierreries représentant la khemsa en forme de main stylisée. Pendant les siècles de domination ottomane, les rangs de sequins soltanis prédominent, évincés progressivement par les louis d’or de l’époque française, mais les flots de perles irrégulières et nacrées l’emportent au cours des dernières décennies du XXe siècle. Cet amoncellement de bijoux crée une espèce de plastron lourd et étincelant, spécifique au costume des mariées tlemcéniennes. Les colliers donnent l’illusion d’être reliés aux bijoux de tête par les énormes temporaux, khros, qui déversent leurs ruisseaux de perles baroques le long des joues et du cou, avant d’effleurer les fibules garnies de pierreries, positionnées entre les épaules et la poitrine pour maintenir la melhafa.
Outre les innombrables bracelets ajourés ou ciselés, les bagues incrustées d’éclats de pierres précieuses et les anneaux de chevilles en or, inséparables du costume de fête des femmes mariées, le diadème et la ferronnière, respectivement appelés jbin et zerrouf, élèvent la parure tlemcénienne à un degré d’opulence qui n’a pas son pareil dans les autres villes d’Algérie. Ainsi, il est difficile de deviner l’étoffe du ‘abrouq, le foulard de soie brochée placé sur le front de la mariée, derrière les trois diadèmes et les trois ferronnières qui le surmontent. Cette succession de joyaux dissimule également la base de la chéchiya : seule la pointe de la coiffe conique dépasse de la silhouette. C’est sans doute pour cette raison qu’un cône en or ajouré, parfois serti de rubis et d’émeraudes, s’emboîte sur le sommet de la chéchiya en velours, pourtant ornée de volutes brodées au fil d’or. Le tej, qui correspond à une véritable couronne, date de l’époque médiévale. Porté aussi bien par les Musulmanes que par les Juives, il aurait été abandonné entre la fin du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle, soit entre la promulgation du décret Crémieux et l’exode des familles des notables tlemcéniens vers Damas en 1911. Ces deux événements provoquent, à long terme, un certain appauvrissement du paysage vestimentaire local, mais ne suffisent pas à transformer le costume nuptial. À la place du tej, des épingles trembleuses en forme de délicates rosaces ajourées, recouvertes d’éclats de diamants, s’épinglent sur la chéchiya ou s’enfilent entre les diadèmes et les ferronnières. Par leurs oscillations désordonnées, ces ra’achat atténuent quelque peu l’aspect hiératique du costume de la mariée.
Parmi les costumes citadins algériens, seul celui de Tlemcen réussit à sauvegarder l’ensemble de ses composantes anciennes. Malgré le recul du pouvoir d’achat de la population à partir du milieu du XIXe siècle, la magnificence de la tenue et de la parure réservées au dernier jour des noces demeure intacte. Pour cette occasion, les femmes continuent à accumuler des pièces d’origines diverses, telles que le pagne et le péplum à fibules antiques, la tunique et la coiffure médiévales ou le caftan ottoman, comme si elles s’obstinaient à immortaliser le précieux patrimoine cédé par leurs aïeules, sans rien abandonner en chemin. Même la coutume héritée de croyances archaïques visant à protéger la jeune mariée des esprits malins qui veut qu’un cercle rouge, obtenu à l’aide d’une substance appelée ‘kar, soit dessiné au milieu de chaque joue persiste, imperturbable. Le costume traditionnel tlemcénien reflète ainsi une propension conservatrice, mais son statisme n’est qu’apparent car le parcours original de la robe à plastron démontre que l’histoire du costume de cette ville ne s’est jamais figée. À la fin du XIXe siècle, la ‘abaya ressemble beaucoup à sa sœur constantinoise la djoubba et présente, comme elle, une coupe droite légèrement évasée vers le bas et un plastron brodé de volutes, d’étoiles, de fleurons et de plusieurs autres motifs décoratifs. Elle ne s’est point raccourcie étant donné que le serouel demeure relégué au rôle de vêtement intime et n’évolue pas vers une position plus apparente. C’est au début du XXe siècle que le destin de la ‘abaya se serait détaché de celui de la djoubba ; sans doute peu après l’exode des cinq cents familles les plus aisées en 1911, suite aux décrets sur la conscription obligatoire. Un modèle nouveau qui dissimule la moitié supérieure de chaque bras sous une petite manche ballon voit le jour.
L’apparition de manches courtes et bouffantes, d’inspiration européenne, dans une ville si jalouse de son patrimoine artistique traditionnel, constitue un phénomène plutôt rare et inattendu. Tlemcen a certes été conquise par les troupes françaises en 1842, mais les trois quarts de sa population sont encore, à l’époque de la mutation de la ‘abaya, d’origine autochtone. Pourtant, c’est bien aux robes et aux corsages des femmes françaises que ces manches, tellement singulières pour un costume maghrébin, ont été empruntées. Le nom attribué à la ‘abaya moderne le prouve : blouza dérive en effet du mot blouse. Cependant, la manche ballon ne correspond pas en soi à une transformation qui suffit à justifier l’abandon de l’ancien nom de ce vêtement millénaire. La métamorphose de la ‘abaya s’observe aussi au niveau du tissu de la robe et de la forme de la chemise qu elle surmonte. Les velours et les brocarts des époques passées s’effacent devant des soieries plus légères, tandis que les kmèm de la chemise, manches de tulle brodé longues et flottantes, disparaissent. Cette dernière devient une ample tunique de satin décolletée et dépourvue de manches, appelée jaltita. Elle transparaît à travers la blouza lorsque celle-ci est coupée dans des tissus ajourés, tels que les tulles brodés et les dentelles rehaussées de perles colorées et de paillettes. La diversification des textiles requis pour la réalisation des robes tlemcéniennes entraîne une plus grande liberté dans le choix des couleurs. Les soieries aux motifs floraux imprimés sont également admises au sein de ce riche éventail de tissus.
Confectionnée dans* des étoffes manufacturées d’importation, la blouza des dernières décennies du XXe siècle s’éloigne inexorablement de son ancêtre dont elle retient surtout le principe du plastron rigide. L’abandon précoce de la ceinture en soie lamée, le bzam, en faveur d’une ceinture formée de louis d’or et d’une boucle en or finement ajourée qui affine la taille incite les couturières tlemcéniennes à ajuster le buste de la robe. Elles choisissent, afin de cintrer le vêtement sans le rendre inconfortable, de froncer la partie située entre la taille et les seins dans le sens de la largeur à l’aide de fins élastiques cachés. Cette modification met davantage en valeur l’ampleur du plastron et sa décoration qui varie en fonction de la forme et des coloris des motifs du tissu de la blouza. À la fin du XXe siècle, un plastron rapporté, fixé à la robe après avoir été entièrement brodé de volutes dorées ou argentées, se substitue à celui, plus modeste, des années soixante qui privilégiait les paillettes et les petites perles de passementerie. Comme la djoubba de Constantine, la blouza parvient à conquérir d’autres villes algériennes. Elle figure souvent parmi les différentes tenues des mariées d’Alger. À Tlemcen, le succès de la blouza ne nuit aucunement au costume nuptial traditionnel qui conserve jalousement sa panoplie complexe de vêtements anciens et de bijoux somptueux, à l’abri de toutes les influences.



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