Algérie

Le correspondant, un journaliste esseulé



Le correspondant, ce journaliste à distance, qui n'en est pas moins un à part entière (c'est une affaire de statut ou une question de lieu), a lui aussi commencé l'aventure intellectuelle dès la naissance ou l'émergence de la presse indépendante. Loin d'Alger, le journaliste est perçu, dans la plupart des cas, comme une petite plume. Cependant, comme on le sait, le correspondant est à lui seul une « mini-rédaction », pivotant, souvent sans transition d'un papier culturel à un autre économique, en passant par celui politique et l'autre social. Pour peu qu'il maîtrise la langue dans laquelle il écrit, s'il n'est pas diplômé dans le domaine, il apprend, comme partout ailleurs, venant d'un autre horizon, le métier sur le tas, et il en est qui sont devenus de grandes plumes. D'aucuns se souviennent des premières années de cette aventure, quelles bouffées d'air pur ! Quel plaisir de titiller l'ordre établi, tomber à bras raccourcis sur la chape de plomb du parti unique ! Dire tout ce qui bouge et tout' ce qui ne bouge pas ! Le localier gagnait un espace de liberté dont il n'avait jamais rêvé !Tout d'un coup, les responsables de provinces étaient ou se sentaient à l'époque gênés par cet 'il qui regardait et rapportait tous leurs faits, gestes et paroles. Adeptes du « tout va bien », beaucoup n'aimaient pas (d'autres en sont toujours frileux) la critique. Alors, soudoyer, menacer, faire taire cette plume « venue du néant », était leur souci quotidien.Le correspondant, contrairement au journaliste de la rédaction centrale, est seul, du moins il le sent, face à un monde très dur des satrapes. Il est dans la petite ville comme dans une devanture, tous le connaissent et lui connaît les voleurs, les corrompus, bref toute la mafia locale.Cela pourrait aller du premier responsable, en l'occurrence le wali, aux autres, tous corps confondus. Il assiste à la venue d'un responsable, qui, d'un coup, fait fortune, s'appropriant des lots de terrain, des appartements, voire des villas, qu'il revend à son départ. Faut-il écrire ' Le ciel lui tombera sur la tête. Faut-il passer la chose sous silence ' Cela n'est pas digne d'un journaliste. Ainsi est-il en butte à mille et une tracasseries ; évitant les inéluctables remontrances de sa conscience, il rend publique la chose, et il est traîné en justice comme un malfaiteur.Et tous les responsables se liguent contre cet homme qui dérange. Alors il est tiraillé entre sa rédaction, le commissariat, le tribunal, son lectorat, sa vie privée, s'il en a une, une de vraie... Rappelons-nous le cas Abdelhaï Beliardouh. Une histoire à la fois d'une cruauté extrême, et d'une tristesse infinie. Cet homme cultivé, moderniste et qui combat le sous-développement et ses mentalités rétrogrades, sera lynché par un fripier, une brute sans foi ni loi, un acte qu'aurait jalousé le Far West, d'autant plus que personne n'avait bougé le petit doigt. Peut-être même avec l'assentiment de toutes les autorités. Ce n'est que plus tard que la justice rattrapera le temps perdu.Nous avons parlé des plumes acérées, s'efforçant d'être justes autant que faire se peut et bien entendu impitoyables, animées d'une seule chose : l'idéal de vérité. Mais il y a une autre faune, celle des folliculaires, des thuriféraires, enfin les manieurs de brosse. Mais bon, les brebis galeuses existent partout. Tant il est vrai que rien ne sert de celer la vérité, elle finit toujours par éclater.


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