Dans toute
basse-cour, il y a bien évidemment de nombreuses poules et… au moins un coq.
Ce coq-là,
parfois le seul à s'y trouver au beau milieu de ces volatiles-femelles, mène à
sa guise le bal.
Il est bien
souvent le seul coq de cette grande basse-cour, du poulailler, de la ferme, du
douar et même par extension… du village ! Le coq du village ? Voilà une très
belle expression qui ne manquera certainement pas de susciter chez l'être
humain bonne impression et surtout de nombreuses sensations !
Cette expression – faut-il au besoin le
souligner ? – est très belle, celle-là ! Jusqu'à allègrement bien voyager parmi
le monde des humains également! Notre coq à nous n'est ni Gaulois ni très
sportif. Il est tout juste le maître d'une population de volailles. De
volatiles ! Et lorsque ce tout minable ou jeune coq atteint par effraction ou
encore grâce à un heureux concours de circonstances ce stade avancé ou cette
place privilégiée dans la haute sphère de la hiérarchie que constitue le monde
de ses pairs et compères, il se fait bien évidemment désirer, courtiser et
convoiter par cette meute de « marée animale » féminine de surcroît, devenant,
en fin de compte, tout juste…un ramassis de poules mouillées ! Ce jeune et très
prétentieux coq – de la ferme ou du village – ouvre donc droit tout
naturellement à bien des égards, et surtout à beaucoup de considération dus à
son rang privilégié : celui du Roi de la petite basse-cour sur laquelle il
veille, et de loin surveille à longueur de temps ses moindres mouvements et
actions. A mesure que le temps passe, le jeune coq, devenant grand, se fait
distinguer de ses pairs et semblables grâce à son look affiné, au goût de sa
vie raffiné, et surtout à son mélodieux et très long cocorico matinal, bien
prononcé et répété au besoin jusqu'à chatouiller de son air l'ouïe et l'oreille
du maître de céans pour le réveiller dès l'aube, à l'heure de la prière du «
fadjr », laquelle annonce tôt le matin la longue journée du monde paysan. Ce
jeune coq, affranchi de sa nouvelle mission et investi de ce pouvoir total et
légendaire, veille « bon pied, bon Å“il » sur son propre monde et surveille dès
l'aurore l'autre monde, le nôtre bien évidemment. Pour service rendu à
l'humanité et à la basse-cour, il obtient la bénédiction du chef tout indiqué
et le concours précieux de toute une population féminine amassée dans cette
basse-cour, dont les femelles les plus remarquées et remarquables lui font les
yeux doux et volontairement la cour.
Ce coq-là vit alors constamment sur son nuage
qu'il ne quitte ou n'y descend que tout juste pour s'accoupler à ces belles
poulettes en chaleur, pressées de prendre la place de ces vieilles poulardes,
admises à la retraite et complètement lessivées pour avoir abondamment pondu de
ces Å“ufs, lesquels ne leur auront servi à rien, sinon à se faire éclore pour
délivrer plus tard ces tout jeunes coqs qui leur font la guerre ou subir de
nombreuses misères. L'histoire des volatiles, à proprement parler, s'arrête à
ce niveau-là.
Quittons alors ce monde animal pour celui à
vrai dire humain, en tentant bien évidemment de lui transposer cette « bonne
morale volatile ». Chez les humains, dès qu'un jeune coq monte sur son
piédestal, il montre aux autres ses jolis et forts ergots, exhibe son
multicolore plumage, réserve pour sa petite famille l'exclusivité de son beau
ramage, et cesse bien sûr ses cocoricos matinaux pour ne plus s'occuper après
du temps.
Chez les humains, le coq n'est vraiment un
coq que pour voir son monde d'en haut ! Que pour le prendre toujours de haut également
! Oubliant qu'il fut à son jeune âge tout juste un Å“uf, moins rond et plus
ovale sinon tout à fait quelconque dans sa physionomie et relief. Oubliant même
les bienfaits de cette poule pondeuse aux yeux d'or, lui donnant autrefois
réelle vie et concrète naissance, sortie pour ce faire spécialement de ces
réunions-marathon du système socialiste des années de plomb qui lui plombait le
ventre par moment, rendant très difficile son imminent accouchement ! Oubliant
surtout que ce sont ces poules mouillées qui l'ont à un certain moment élu à
cette noble fonction qui consiste à les gouverner, plutôt bien gouverner, pour
un temps peu ou suffisamment long ! Oubliant enfin ce monde d'en bas d'où il
est finalement parvenu à ce monde d'en haut et ces hautes fonctions électives
pour ne plus jamais penser y retourner après ! Mieux encore, la comparaison
entre le coq de la basse-cour et le coq du village ne s'arrête malheureusement
pas à ce seul paramètre. Ils ont encore comme ennemi commun et naturel : le
temps !
Le volatile sait pourtant l'utiliser à bon
escient et surtout au profit du groupe et du monde de la ferme au moment où
l'autre coq, celui dit « humain », ne l'utilise, lui, que pour les propres
besoins de la petite famille, naturelle et biologique, ou celle partageant
depuis longtemps avec lui le pouvoir. Mais le temps est un adversaire
redoutable. Il met fin à des règnes. Bien naturellement à des vies humaines et
animales. Cela, le coq du poulailler en est bien conscient. Très conscient de
son danger imminent ! il le sait et s'apprête ou active à préparer à cette dure
fonction de succession son remplaçant tout indiqué au poste en question dès
qu'il se sent émoussé ou fatigué pour se lever tôt le matin afin de réveiller
son monde à lui et l'autre monde vivant à ses côtés. Il sait également qu'à
n'importe quel moment, le fermier, très généreux et fier de sa condition, aura
et personnalité, peut tout simplement le sacrifier sur l'autel d'un repas
festin à partager avec ses convives et autres invités.
Il sait également qu'en arrivant à bout de
son souffle, il ne pourra plus jamais pousser pour longtemps encore ses très
longs et beaux cocoricos qui faisaient de lui naguère ce Roi de l'azur,
respectueux des gens de la ferme et très respecté par les siens. Il sait
également que l'alternance au pouvoir est une question des plus naturelles chez
les animaux et le monde des volatiles, et qu'il faut bien, un jour, quitter la
scène en tant que Seigneur arrivé à l'âge de la retraite plutôt que de le faire
et s'en défaire comme un Roi déchu de son trône et de sa couronne.
Face à tout cela, que sait encore l'autre coq
? Sait-il tout ou ne sait-il absolument rien du tout de tout cela ? Lui, qui se
prend pour le coq du village, il oublie complètement sa famille élargie dès qu'il
est au sommet ou en haut de la pyramide du pouvoir. Il s'oublie souvent dans sa
tour d'ivoire et dans son règne absolu du pouvoir, pour ne penser même pas à la
mort certaine de l'être humain et de l'animal. Il a décidé de se comporter
ainsi : il ne pensera plus à personne ! ni à quiconque, sauf à celui qui lui
ravira un jour le fauteuil sur lequel il s'assied et croit qu'il lui colle à la
peau, pour se capitonner ses portes et se cantonner dans son silence bizarre et
hilare, contemplant plus loin ce temps passer dont ni lui-même ni son peuple
n'en profiteront à souhait. Il sait, lui aussi, que son monde à lui est surtout
fait de poules mouillées et que si jamais l'occasion leur est un jour donnée,
elles ne pourront en aucune façon lancer ce joli cocorico que seul le coq du
village ou du poulailler sont en mesure de pousser pour définitivement détenir
ce précieux secret d'égailler avec le monde de la basse-cour et de réveiller
avec celui obligé d'aller tout à l'heure travailler aux premières lueurs de la journée.
Mais, il oublie cependant qu'en tant que vrai dictateur d'un monde composé de
poules mouillées, il ne pourra jamais, au grand jamais, s'élever au rang de
celui du coq de la basse-cour. A côté de cela, ni son prestige surfait ni même
sa haute-cour ne lui seront d'un quelconque concours. Il sait au moins deux
choses :
- Qu'il
triomphera toujours sans la moindre gloire,
- Qu'il manquera
fondamentalement de probité intellectuelle dans son discours, n'ayant
malheureusement plus cours.
Fait curieux tout
de même, aujourd'hui, entre haute-cour et basse-cour, il n'existe plus aucun
discours. Il n'y a que ces « radeaux à long cours » pour mener ces jeunes
populations vers l'autre rive, fuyant à contrecÅ“ur ce monde de poules mouillées
!
(*) Universitaire
et écrivain. Il est, entre autres, l'auteur d'un titre paru en 2009, chez
Edilivre, France, intitulé : « Miliana : le relief qui a fait son histoire
défait son quotidien ».
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Posté Le : 28/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Slemnia Bendaoud*
Source : www.lequotidien-oran.com