Algérie

"LE COPIER-COLLER, UNE CALAMITE POUR L'EDUCATION"



Liberté : Certains sujets proposés aux candidats aux examens du BEM ont suscité la polémique cette année encore. Comment expliquez cette tendance à "calquer" plutôt qu'à élaborer 'Bachir Hakem : Les sujets d'examen font l'objet d'un copier-coller depuis longtemps, à tel point que certains ont été traités, comme devoir ou composition, la même année de l'épreuve. Certains professeurs se sont même enorgueillis de les avoir traités avant l'examen. Lorsque le sujet se rapporte à un événement littéraire, historique ou philosophique, il est acceptable à condition qu'on mentionne la source et qu'il ne fasse pas l'objet d'un quelconque examen. Partout dans le monde, des sujets de langue sont souvent tirés d'articles de journaux, mais ne sont pas destinés à un examen. Il est inadmissible d'aller chercher des thèmes dans d'autres pays et faire du copier-coller. Un sujet est préparé des mois avant l'épreuve par une commission qui doit disposer des moyens de proposer des sujets inédits et être convenablement rémunérée (frais d'auteur pour les sujets choisis). Ces indemnités existent, mais représentent une misère, ce qui fait que les commissions ne fournissent aucun effort de recherches pour élaborer des sujets inédits et se contentent du copier-coller. Il en est de même de certains inspecteurs qui ne font aucun effort pour vérifier l'originalité des sujets. Donc, du plagiat ? puni par la loi, rappelons-le ? des mémoires et des thèses à l'université, nous sommes passés à celui des sujets d'examen du baccalauréat et des paliers inférieurs.
Quand ce phénomène est-il apparu '
Le plagiat a commencé depuis la série des sujets de mathématiques des années 1990 où des inspecteurs ont commencé par réunir les sujets de mathématiques en arabe. Maintenant, n'importe qui peut publier des livres d'exercices, dans toutes les matières, en faisant uniquement du copier-coller. Ce marché est très juteux et personne n'a stoppé ce phénomène. La plupart des sujets du BEM et du baccalauréat sont du copier-coller. Aujourd'hui, la traduction a fait son apparition, surtout dans les matières scientifiques et, souvent, enseignants et inspecteurs vont vers les sujets français, marocains ou tunisiens..., pour préparer les leurs.
Comment remédier à cette situation '
Il suffit d'appliquer la loi. D'abord, en retirant du marché toutes les séries qui ne présentent pas des sujets inédits. Il faudra également revoir la loi sur l'édition des livres, surtout les livres scolaires revus car, pour une grande proportion, il s'agit de plagiat et de traduction. Quant aux sujets d'examen, il est temps de revoir la rémunération des commissions chargées de les élaborer en général et rémunérer fortement (droits d'auteur) la commission dont le sujet aura été choisi. Le sujet doit aussi être protégé dans toute utilisation future. À partir de là, nous serons dans une situation où les sujets, propriété d'enseignants, ne pourront pas être publiés ou utilisés par d'autres gratuitement. Les livres et annales qui existent sur le marché doivent également faire l'objet d'enquêtes et retirés en cas de plagiat.
Selon vous, quel impact cela peut-il avoir sur le parcours des élèves '
Les conséquences sont multiples. Au plan moral d'abord, parce que c'est à partir de là que l'élève "fait connaissance" avec la tricherie qui risque d'entacher son parcours. Pédagogique ensuite, car cette pratique affecte la capacité de réflexion de l'apprenant qui n'a pas affaire à des sujets inédits qu'il est curieux de résoudre. Pour l'élève d'aujourd'hui, tous les sujets se ressemblent : il suffit d'acheter les annales ou se procurer les tirages des enseignants. La nouveauté n'existe plus. Si chaque enseignant se donnait le temps d'élaborer son propre sujet avec ses propres idées, nous aurions moins de cours particuliers et plus d'intérêt de l'élève aux cours et exercices donnés en classe. Aujourd'hui, les élèves ont déjà une idée sur les sujets qui sont calqués sur d'autres. Les sujets sont la cause principale de la stagnation de l'élève.
Des syndicats autonomes qui dénoncent une propension au moindre effort s'interrogent sur les critères de sélection des inspecteurs chargés de confectionner les sujets et appellent même à des sanctions pour mettre fin aux erreurs répétitives...
À l'exclusion des fautes de frappe, en cas d'erreurs scientifiques, historiques ou littéraires le jour de l'examen, la commission qui a préparé le sujet devrait normalement être blacklistée et son responsable sanctionné. La sélection des inspecteurs est à l'image du pays, et tant qu'on ne verra pas de responsables sanctionnés pour leurs fautes ou leurs comportements, rien ne changera. Nous continuerons à parler comme on l'a toujours fait et comme on le fait maintenant dans ces lignes. Les sujets d'examen sont des banques pour d'autres pays et les erreurs sont observées, particulièrement par nos voisins marocains, tunisiens...
Le cafouillage noms/qualifiants relevé dans l'examen de 5e a beaucoup fait parler sur la légèreté avec laquelle les sujets d'examen semblent abordés. Qu'est-ce que ces erreurs et le penchant vers le "copier/coller" nous disent sur la qualité du système éducatif algérien '
Lorsque, dans une épreuve de français, la différence entre nom et adjectif n'est pas faite, on s'interroge : l'erreur est-elle volontaire ou reflète-t-elle le niveau des inspecteurs du primaire ' Le système éducatif algérien est au plus bas.
Je viens de voir des sujets proposés cette année pour le baccalauréat tunisien, nous sommes très loin de ce niveau et du programme enseigné. Les Tunisiens ont déjà revu leur éducation, le cursus de l'élève dans le secondaire est de quatre années. Il est urgent de procéder à la refonte de notre système éducatif.

Propos recueillis par : S. OULD ALI


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