Algérie

Le contrôle des recettes de la contrebande en point de mire



Tunis
De notre correspondant
La tension prévaut depuis quatre jours entre les forces de Oussama Jouili, commandant général de l'Ouest libyen de l'armée nationale, relevant de l'autorité du Conseil de la présidence de Fayez Al Sarraj, et les forces de la ville de la ville frontalière de Zouara. Le litige est relatif au contrôle de la route côtière, l'accès en Tunisie par le portail d'Abu Kammach et le poste-frontière de Ras Jedir.
Les autorités tunisiennes ont décidé de fermer la frontière dans les deux sens. Le non-dit derrière cette tension, c'est la mainmise sur les ressources de la contrebande, entre la Tunisie et la Libye. Le gouvernement d'Al Sarraj veut également se prévaloir de contrôler la frontière avec la Tunisie. Le pouvoir central libyen, basé à Tripoli, a perdu ledit contrôle depuis la chute du gouvernement de Ali Zeydan en mars 2014.
Comme tous les passages frontaliers, le poste de Ras Jedir connaît des activités de contrebande. La ville de Ben Guerdane abrite un grand marché pour ces produits en provenance de Libye, même après la chute d'El Gueddafi.
Parler de contrebande implique l'existence d'intérêts financiers, notamment lors des phases de chaos et d'absence d'autorité de l'Etat, ce qui est encore le cas en Libye. L'activiste tunisien, originaire de Ben Guerdane, Mustapha Abdelkebir, relève qu'à la différence d'avant 2011, les réseaux de contrebande ne sont plus aussi bien organisés qu'auparavant. «Le poste frontalier de Ras Jedir a changé d'obédience à plusieurs reprises, la route côtière aussi. Cela pèse lourd en matière de sécurité. Nous coopérons certes avec les autorités locales de Zouara pour apaiser les tensions.
Mais, la faiblesse du pouvoir central a compliqué la situation, côté libyen notamment», raconte-t-il, en rappelant qu'il était intervenu, durant les dernières années, à plusieurs reprises suite à des kidnappings de Tunisiens en Libye, la fermeture des frontières entre les deux pays, l'imposition de nouvelles taxes, etc. Par ailleurs, les informations en provenance de la route menant vers la frontière tunisienne n'ont cessé de relater ces derniers mois des agressions contre les voyageurs, notamment tunisiens.
«Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les quêtes demandées par les groupes armés en contrepartie du transit de l'essence», raconte Brahim, un habitant de Zarzis en Tunisie (70 kilomètres de la frontière libyenne), qui a l'habitude d'aller chercher une cargaison de 5000 litres d'essence toutes les semaines. Brahim attire l'attention sur le fait que «les montants demandés peuvent varier entre 200 et 500 dollars en fonction des personnes se trouvant au portail d'Abou Kammech». Lesquelles quêtes constituent des revenus consistants pour ces groupes armés.
Le pouvoir central de Tripoli a donc intérêt à reprendre le contrôle sur ce passage. Il y a un véritable problème de sécurité, selon ce petit contrebandier. Le commandant de la zone militaire Ouest, relevant du gouvernement de Tripoli, Oussama Jouili, a déclaré à El Watan que l'action entreprise par ses troupes vise la sécurisation de la route côtière, menant de Tripoli jusqu'en Tunisie.
Jouili a précisé n'avoir aucune information signifiant que les groupes armés basés dans la région relèvent de la garde présidentielle. «C'est une opération visant à rétablir la sécurité sur cette route stratégique, qui connaît de fréquents incidents et de vastes opérations de contrebande», a souligné Jouili, en rappelant que «les combats ont opposé les forces du Commandement ouest de l'Armée nationale libyenne à des groupes armés contrôlant ces points stratégiques». Les informations rapportées par Jouili sont contestées sur l'autre bord.
Le maire de Zouara, Hafedh Ben Sassi, a plutôt parlé d'intimidation d'une population paisible et d'encerclement de leurs demeures. Ben Sassi a fait part d'un mort, de plusieurs blessés, ainsi que de dommages ayant touché des endroits publics et des habitations et propriétés privées.
«Nous avons été surpris par cette attaque alors que nous soutenons la légalité de l'Etat, ce qui risque de nous renvoyer, de nouveau, à la case de la guerre, en prétendant combattre la contrebande et sécuriser la route côtière», a ajouté le maire de Zouara, en affirmant que les employés du poste-frontière de Ras Jedir sont originaires de toutes les villes de l'Ouest libyen, pas uniquement de Zouara. Concernant la prétendue sécurisation de la route et la lutte contre la contrebande, le maire de Zouara a indiqué que la route Zouara-Ras Jedir n'a pas connu d'attaques contre les voyageurs empruntant cette voie.
Le poste frontalier de Ras Jedir fait partie de la garde présidentielle et relève de l'autorité du Conseil de la présidence, toujours selon Hafedh Ben Sassi. «Par contre, il est vrai que la contrebande sévit ici. Mais, c'est comme dans tous les postes frontaliers. Nous au moins à Zouara, nous essayons de lutter contre l'émigration clandestine avec les moyens du bord, sans aucune aide de l'Etat», a-t-il relevé avec regret. Pour comprendre les dessous de ces incidents, El Watan a consulté le politologue Ezzeddine Aguil. «Rien d'étonnant.
Le gouvernement central à Tripoli n'avait pas auparavant de forces armées en mesure de déloger les groupes contrôlant la route côtière vers la Tunisie. Toutes les milices prétendaient relever de l'autorité du gouvernement, sans aucun contrôle réel sur le terrain. Avec le ralliement de Jouili et des forces de Zentane, le commandement militaire de l'Ouest est désormais opérationnel et peut imposer l'autorité de l'Etat», a expliqué le politologue.


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