Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Mohamed Toumi, directeur exécutif de la Fédération algérienne des consommateurs, revient sur les ratés des pouvoirs publics dans la gestion commerciale du Ramadhan.L'Expression: Quel bilan faites-vous
des 10 premiers jours de Ramadhan'
Mohamed Toumi: Le bilan reste assez négatif. Le ministre du Commerce avait déclaré avant l'entrée du mois qu'il n'y aurait pas de hausse des prix, et que ces derniers resteraient stables, mais il n'en était rien. À la veille du mois sacré, la courgette était à 50 DA le kilo au marché de gros de Boufarik. Le premier jour de Ramadhan, le prix est passé à 150 DA le kilo; c'est trois fois le prix! C'est un prix inabordable, bien que les produits soient disponibles et qu'on soit en pleine saison des récoltes.
L'Algérien manque de culture de consommation. Il a de mauvaises pratiques. Les consommateurs s'affolent à la veille du mois sacré, ils achètent de tout et en grandes quantités, créant ainsi un déséquilibre entre l'offre et la demande, et c'est ce qui provoque la hausse des prix! Et ce malgré les campagnes de sensibilisation que nous avons menées tout au long de l'année.
Qu'en est-il du gaspillage, sachant qu'il atteint des records durant le mois sacré'
Avant de répondre à votre question, sachez que nous avons élaboré «le guide du petit consommateur», en collaboration avec l'OMS, afin d'inculquer les bonnes pratiques de consommation aux plus jeunes. Ce guide est en cours d'édition, et la Fédération algérienne des consommateurs va distribuer ces guides au niveau des établissement scolaires. Ce guide devrait permettre notamment de sensibiliser les enfants au gaspillage, qui influenceront le comportement de leurs parents. Quand on pense que le chef de famille algérien dépense trois fois son salaire durant le mois sacré, et ce quel que soit son revenu...
Le pain, le lait et les limonades sont les produits les plus gaspillés durant le mois sacré, respectivement. Près de 10 millions de baguettes sont jetées tous les jours, 10 millions! Certes, le gaspillage du pain est visible, contrairement à celui des plats et des boissons, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut le négliger.
Pensez-vous que les pouvoirs publics se sont pris à temps pour la préparation du mois de Ramadhan'
La préparation du Ramadhan se fait à la dernière minute, et des mesures d'urgence sont prises. Au lieu de cela, les pouvoirs publics devraient préparer le mois sacré en réalisant des marchés de proximité, car beaucoup de localités en sont dépourvues. Cette préparation passe aussi par une gestion de l'approvisionnement de ces marchés. Le circuit manque cruellement d'un bon réseau de distribution et de chambres froides. Il faut réaliser des chambres froides et les approvisionner. Les services concernés pourraient inonder le marché d'un produit donné dans le cas où son prix s'envole. Ils peuvent jouer sur la disponibilité des produits pour contenir les prix. L'Office national interprofessionnel des légumes et viandes pourrait s'occuper de cela. Le stockage est primordial et permettrait de rendre un produit disponible en cas de tension sur ce dernier.
Qu'en est-il des marchés temporaires que nous voyons pulluler durant ce mois'
À mon avis, ces marchés temporaires sont une aberration. Ce sont les opérateurs économiques, c'est-à-dire les producteurs, qui vendent directement leurs productions aux consommateurs. Le rôle du grossiste est ici ignoré. Si seulement les prix proposés dans ces marchés étaient plus intéressants qu'ailleurs! Les produits qu'on y vend sont parfois plus chers que dans le commerce, alors qu'il n'y a pas d'intermédiaire et que les emplacements dans ces marchés sont gratuits. De plus, ces marchés engendrent de la tentation, donc plus de consommation, et automatiquement plus de gaspillage. Les produits qui y sont vendus ne sont pas forcément ceux qui le devraient. La preuve, le nombre de jus différents qui y sont vendus est incroyable, de plus les bouteilles sont exposées au soleil. Idem pour les fromages. Par contre on trouve peu ou pas de légumes ni de viandes. Ce sont les agriculteurs qui devraient y vendre leur production, avec les avantages sur le prix que la vente directe induit, surtout au profit du consommateur.
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Posté Le : 27/05/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Zakaria ZEMRI
Source : www.lexpressiondz.com