Algérie

«Le confort est un luxe qu'on ne peut pas se permettre !»



«Le confort est un luxe qu'on ne peut pas se permettre !»
- En tant que gynécologue obstétricienne qui a suivi au quotidien l'évolution des conditions d'accouchement des Algériennes depuis plus de 30 ans, comment expliquez-vous leur dégradation 'Il est vrai qu'il y a 30 ans, on accouchait mieux en Algérie. Il n'y avait pas de surcharge et moins de naissances. L'augmentation du volume des naissances n'a pas été suivie par une augmentation du nombre de lits. Nous avons pratiquement la même capacité d'accueil (nombre de lits par maternité) qu'il y a 30 ans. Il y a même eu diminution peut-être.Avant, les polycliniques et les petites maternités prenaient en charge les accouchements normaux. Les CHU n'étaient pas pris d'assaut. Depuis plusieurs d'entre-eux ont fermés ou ont été dérivés de leur fonctions. Nous n'avions pas deux femmes par lit, ça c'est sûr ! La prise en charge médicale est incontestable, mais la prise en charge logistique se dégrade.- Quel impact concret cette surcharge a-t-elle sur la qualité du travail du personnel hospitalier 'A Kouba, nous avons un service de médecine interne et un service de réanimation, ce qui fait que notre service de maternité et d'obstétrique draine beaucoup de monde. Nous avons un problème de surcharge. Nous avons trop de femmes avec des grossesses normales qui viennent chez nous, alors que nous devrions recevoir que les grossesses à risque. La surcharge, ajoutée à une difficulté à s'organiser de manière efficace, implique des conditions de travail très difficiles. Nous dépassons de très loin notre capacité d'accueil.La surcharge implique une surexploitation du personnel soignant. Vous imaginez cinq accouchements qui ont lieu au même moment, avec seulement deux sages-femmes, une infirmière? Il faut également parler des conditions de garde, souvent le personnel de garde n'a même pas de salle de repos, la surexploitation a de quoi jouer sur les nerfs, clairement. Quand il y a faute, elle n'est jamais volontaire.- A ce propos, on reproche souvent au personnel médical de ne pas être accueillant, aux sages-femmes d'être brutales ou aux médecins d'être froids et expéditifs. Quel commentaire pouvez-vous faire 'Concernant la brutalité qu'on prête aux sages-femmes, il est très important d'en parler. Il faut rappeler que c'est une fonction qui a été dévoyée. Les sages-femmes sont soumises à un problème de moyens et de logistique. Il y a un manque de personnel soignant, paramédical et même nettoyant? Nous n'avons qu'une infirmière par garde. Les sages-femmes sont débordées, comme tout le reste du personnel médical, elles ont besoin qu'on valorise leur travail et qu'on les remettre au centre du travail d'accouchement. Il faut également préciser que le personnel soignant subit les mêmes pressions que tous les Algériens.On a tendance à sacraliser le médecin comme s'il était au-dessus de tout. Nous sommes des Don Quichotte qui se battent contre les moulins à vent. Nous sommes nous aussi submergés par les problèmes et quand nous arrivons à l'hôpital, nous n'exerçons pas dans de bonnes conditions. C'est une réalité. C'est un métier stressant, particulièrement l'obstétrique. C'est une spécialité très belle mais très stressante, qui a besoin d'être valorisée et réorganisée. Les sages-femmes sont au front ; ce sont elles qui reçoivent les futures mamans, leurs bébés.Nous avons tellement médicalisé les grossesses que les sages-femmes se sentent menacées dans leur fonction et une rivalité est née entre gynécologues et sages-femmes. Mais cela est une problématique universelle. Pour ce qui est de l'accueil, on est dans le médical, dans la survie du bébé, de la maman. On n'en est pas à des considérations de confort. On n'a même pas le temps d'y penser.Penser au confort des mamans est un luxe qu'on ne peut pas se permettre.F. Bouredji




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