Le conflit entre l'armée et les islamistes se poursuit

Caire (Egypte).
De notre envoyé spécial  
  La nomination par l'armée d'un Conseil consultatif, qui aura pour mission de fixer les modalités de l'élaboration de la future Constitution ainsi que celles de l'élection présidentielle, a aggravé la situation politique déjà tendue à  cause des déclarations d'un membre influent du CSFA, le général Mokhtar El Moulla. C'est devenu une Constitution de la discorde. En effet, depuis, il prévaut un climat politique délétère alors que le pays s'enfonce dans une crise économique aiguë. Tout cela est suivi de très près outre-Atlantique. Le président de la commission des Affaires étrangères au Congrès, le démocrate John Kerry, s'est rendu au Caire pour s'entretenir avec les belligérants. Il s'est entretenu avec le chef de l'armée, le maréchal Tantaoui, ainsi qu'avec le président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ). Au premier, il a demandé de «mener à  bien la période de transition» alors que le second l'a rassuré quant aux investissements américains en Egypte. Par ailleurs, l'inquiétude des Egyptiens n'a pas disparu après une première phase électorale marquée par le discours obscurantiste qui promet «l'enfer». Ainsi, la campagne angoissante des salafistes du parti Al Nour n'a pas cessé, alors que les Frères musulmans, dopés par leur victoire écrasante lors de la première phase, bombent le torse et menacent d'investir la rue si «l'armée ne respecte pas la volonté populaire et tente de réduire les prérogatives de la future Assemblée du peuple (Chambre basse du Parlement)».
Lors d'un meeting électoral, Mohamed Morsy, président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique de la confrérie des Frères musulmans, s'est violemment attaqué à  l'armée, l'accusant de vouloir «vider le futur Parlement de son rôle naturel qui est celui d'élaborer la nouvelle Constitution du pays». «Le Conseil consultatif doit s'en tenir seulement à  prodiguer des conseils à  l'armée et les modalités de la Constitution et qu'il décide de la Commission constituante, cela veut dire voler la volonté populaire», a déclaré M. Morsy. Un discours menaçant qui n'est pas pour rassurer tandis que le chef de la confrérie des Frères, Mohamed Badei, a appelé, hier, les cadres du PLJ au sens de la mesure : «Soyez modestes ! La commission de la Constituante doit comprendre toutes les sensibilités politiques du pays sans exclusion aucune et la Constitution doit traduire également les aspirations de tout le peuple.» Partage de rôles ou plutôt tentative de ramener le calme et de permettre le déroulement du processus électoral jusqu'à son terme sans grands dégâts ' Les avis divergent à  ce sujet. Certains analystes estiment que les Frères musulmans font un double jeu, tandis que d'autres voient que cette «montée des islamistes a pour but de crédibiliser leur discours en prenant leurs distances vis-à-vis de l'armée après avoir pactisé avec elle depuis le mois de mars. Cela leur permettra de gagner encore des sièges lors des deux phases électorales qui restent», selon Abou El Ghar, président du Parti démocratique égyptien (gauche). Les Frères musulmans entament la seconde phase des élections en bonne position. Et cela va àªtre aux dépens des salafistes d'Al Nour dont le discours fait fuir les voix. Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Abdelfadhil El Korsi, a remis les salafistes à  leur place en affirmant : «En islam, il n'existe pas de restriction sur la liberté de création.» Les libéraux, eux, vont surfer sur la crainte des Egyptiens de voir un projet théocratique s'installer dans le paysage politique national pour tenter de gagner quelques sièges de plus. Cependant, des observateurs prédisent un remake de la première phase. C'est donc dans cette confusion politique que les Egyptiens des 9 gouvernorats — Gizeh, Ismaïlia, Assouan, Menoufia (ville dont est originaire Moubarak), El Bouhaira, Souhadj, El Charqia, Suez et Beni Souif — vont se rendre aujourd'hui et demain aux urnes.