Algérie

Le conclave des présidents


Le conclave, qui a eu pour théâtre, en ce 26 juillet, la salle ovoïde du complexe sportif Mohamed Boudiaf se voulait être la clôture du cycle de formation des élus locaux lancé en février dernier.

Annoncé comme nouveauté depuis l'indépendance selon la vénérable ENTV, il n'en était rien. La conférence des présidents d'APC était un us à l'époque du défunt président Boumediene. La quatrième du genre se tenait déjà en 1975. Selon la presse, le président de la République a, d'entrée de jeu, coupé les ailes à toute tentative velléitaire de justifier les carences observées dans la gestion de la chose publique, par l'insuffisance ou l'absence de moyens financiers. Il rappelle, à ce titre, qu'il est consacré annuellement, depuis 2000, une enveloppe moyenne de 50 milliards de dinars pour le développement local contre une moyenne de 08 milliards de dinars de 1962 à 1999 soit une évolution de plus de 600 %. Ces chiffres, qui donnent le tournis, ne sont apparemment pas en rapport avec les services rendus. Il est toutefois heureux que l'on constate, et probablement pour la première fois, que les ressources humaines de qualité font encore défaut en dépit des efforts consentis en matière de formation initiale, l'université algérienne déversant bon an mal an plus de 100.000 éléments formés. Le ministère de la Justice demeure probablement l'un des rares secteurs qui assure une formation spécifique aux magistrats, après leur sortie du cocon de l'université. Le pays a certes construit, beaucoup construit, mais quand le président lui-même fait un constat d'échecs, c'est qu'il y a problème quelque part. Il donne à titre illustratif l'exemple des universités dont « l'état rappelle des «ruines romaines» », avec cependant la charge historique et l'injure du temps en moins. Il est de coutume de constater, qu'au lendemain de l'inauguration, la structure ouverte en grande pompe tombe dans l'indifférence presque générale. Aucun plan directeur d'entretien ou de maintenance n'accompagne l'édifice ou l'équipement; au cas où il existerait, il ne sera consulté que pour l'inscription d'une nouvelle fiche technique de réhabilitation.(1)

Dans son discours, le chef de l'Etat a formulé quatre caractères cardinaux par lesquels doit se prévaloir la gestion des communes à savoir : pragmatisme, détermination, initiative et transparence. En l'état actuel des choses, et au vu des habitudes acquises, aussi bien par la collectivité communale que par la tutelle, ces caractéristiques risquent de constituer la Quadrature du cercle. En ce qui concerne le pragmatisme, il y a lieu de penser que l'on en use exagérément en dépit de l'existence de règles écrites. Ceci nous renvoie à un ancien responsable local de haut rang qui, pour couvrir ses hallucinations du sceau du pragmatisme disait : « Je réfléchis en stratège et j'agis en primitif ». Il a malheureusement fait prévaloir le deuxième qualificatif au détriment d'une sereine stratégie de développement. En ce qui concerne la détermination, celle-ci peut exister, mais elle peut être à l'opposé de ce qui en est attendu. On peut être déterminé à faire beaucoup de choses dont celle plus prégnante, de vouloir durer en devenant le serviteur de cercles « influents » qui peuvent peser sur des choix futurs. En ce qui concerne l'initiative, celle-ci est parfois tentée, mais souvent contrecarrée par la bureaucratie ou la prééminence du centre décisionnel qui voit d'un « mauvais oeil » et la liberté de ton et la liberté d'action. La transparence est, quant à elle, synonyme de pouvoir collégial; cette arlésienne est le noeud gordien de toute la problématique de la gestion financière de la collectivité locale. L'Assemblée communale de départ se cristallisera dans l'exécutif communal pour se commuer en groupuscule gravitant autour du maire, appelé officiellement président de l'Apc. C'est ainsi que s'achèvera l'épique épopée.

« Le citoyen ne doit plus se confiner dans une attitude passive ou revendicative, mais vous devez l'aider à s'engager dans une démarche participative qui fera réellement évoluer la démocratie locale ». Cette autre orientation du président de la République constitue, à elle seule, tout un programme politique. Le mot clé « démocratie locale » est probablement prononcé pour la première fois par un chef d'Etat et c'est peut-être là où résiderait le secret de la démocratisation de la société. Cette pratique républicaine gagnerait à être exercée beaucoup plus au niveau local que partout ailleurs. On a vu souvent des élus locaux garder un silence de sphinx dans les salles de délibérations d'APC ou d'APW pour devenir soudain prolixes au niveau des deux chambres du Parlement. Est-ce à dire qu'un chef de l'exécutif local est plus craint qu'un chef de l'exécutif gouvernemental ? Tout porte à le croire. L'aide que peut recevoir le citoyen pour s'inscrire dans une démarche participative et non pas revendicative, serait dans l'obligation faite à l'édile de lui fournir ce que la Loi lui accorde : La délibération publique - la consultation du registre de délibérations à la demande - l'information. La mise en oeuvre des moyens modernes des technologies de l'information et de la communication (TIC) doit être impérativement instrumentalisée par toute collectivité locale. Les sites, aisément visualisables, aideront le citoyen à participer activement à la vie de la municipalité.

« Nous sommes dans un curieux pays »... «... si l'Etat ne construit pas de cinéma, aucun privé ne le fait. Si le privé c'est la limonaderie et la semoulerie, on est rassasié ! ». Cette autre diatribe présidentielle ne pouvait pas mieux restituer le cafouillis observé, jusqu'ici, dans l'élaboration des plans locaux de développement où les réalisations sont devenues une fin en soi. (2) Les plans locaux de développement, ont-ils intégré l'investissement privé pour que celui-ci soit orienté dans ses choix ? L'absence des grands axes d'orientation de l'investissement aussi bien public que privé a dramatiquement fait défaut et c'est probablement pour cette raison que l'investisseur aura choisi la limonaderie plutôt que la salle de spectacles. Pour le premier investissement, le marché est connu, pour le second, celui-ci demeure aléatoire par défaut d'accompagnement technique. La planification administrée a toujours pêché par l'absence de prospective, elle s'est appesantie beaucoup plus sur la consistance physique de l'investissement que sur les effets attendus en matière de satisfaction de besoins dûment identifiés. La fiche technique pour l'inscription de projets est devenue, par la force de l'habitude, une condition sans laquelle rien ne peut être envisagé. L'illustration, qu'il serait loisible de fournir pour étayer le propos, réside dans les activités de loisirs et de détente pour les jeunes qui ne sont pensés qu'en terme d'infrastructures idoines. Pourtant, les activités de plein air ne demandent que peu de moyens, mais beaucoup d'imagination par contre. Pense-t-on un seul instant à ces jeunes des profondeurs du pays ne disposant pas d'espaces récréatifs, encore moins de rivages azurés, et qui se morfondent dans l'ennui et la rancoeur ? Ce binôme est connu pour faire le lit à l'alcoolisme et à la drogue. Pendant qu'ils souquent sec contre l'adversité, leurs troupes folkloriques et musicales sont réquisitionnées pour égayer les soirées de la capitale. Les services déconcentrés de la Culture font des efforts méritoires pour « exporter » le produit culturel local, mais demeurent insuffisants en matière de consommation à demeure de ce même produit. La tendance serait de satisfaire à l'autoconsommation avant d'envisager la « vente » de l'excédent. Tout à fait comme une opération marchande. Il est impératif que l'activité culturelle récréative soit restituée à la collectivité communale, quitte à ce qu'elle se fasse sous la conduite de la direction de wilaya de la culture. Nous mesurons l'ampleur de votre dépit Monsieur le Président; vous avez cru aux bonimenteurs, aux inaugurateurs, aux laudateurs, aux zélateurs, aux orateurs et enfin aux faux prêcheurs, mais votre dépit est le nôtre ! A la fin des années soixante, nous ambitionnions d'accompagner l'Espagne dans son envolée économique... Plus réalistes, nous soutenons difficilement la comparaison avec les scores économiques de nos voisins maghrébins. Le viaduc de Bouira serait « le plus haut d'Afrique et le huitième au monde... » est encore ce relent de forfanterie nationale qui nous a toujours caractérisés, au point où l'on affirmait, sans retenue aucune, être le futur « Japon » africain !



Note de renvoi :

contributions de l'auteur

(1) A la croisée de l'intention généreuse et des scories de la quotidienneté in Le Quotidien d'Oran du 08/11/2007

(2) Les plans communaux de développement : Relique d'un mode de planification suranné ? in Le Quotidien d'Oran du 03/02/2007




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