Alors que la
population mondiale a passé la barre des 7 milliards de personnes, tous les
clignotants sont au rouge. La montée en puissance des manifestations publiques
témoigne du mécontentement général face à un constat sans appel : l'incertitude
économique croissante, l'instabilité des marchés et les inégalités
grandissantes ont atteint un seuil critique.
Aujourd'hui, trop
de gens vivent dans la peur, le découragement et la colère face à des
perspectives d'avenir bouchées. Autour de la table familiale comme dans la rue,
c'est la même préoccupation qui domine : sur qui peuvent compter ma famille et
ma communauté? En ces temps difficiles, le plus grand défi pour les
gouvernements n'est pas un manque de ressources mais un manque de confiance.
Les gens ne croient plus leurs dirigeants et les institutions publiques
capables de faire ce qu'il faut.
C'est dans ce
contexte bien sombre que se tiendra, à Cannes, la prochaine réunion du G-20.
Les dirigeants des plus grandes puissances économiques mondiales ont là une
occasion unique – et une responsabilité historique – de restaurer la confiance.
Ils doivent pour cela être unis. Face à la crise et à l'incertitude, ils
doivent proposer des objectifs clairs et des solutions audacieuses. Il n'est
plus temps de s'attarder sur des réformes progressives. Au sommet de Londres en
2009, les leaders du G-20 ont fait preuve de courage et de créativité pour stabiliser
le système financier mondial. Ils doivent montrer la même ambition aujourd'hui.
Nous sommes tous
conscients du peu de ressources dont disposent les États. L'austérité est
devenue la norme presque partout dans le monde. À l'évidence, la priorité première,
à Cannes, sera d'entériner les décisions prises à Bruxelles à propos de la zone
Euro. À l'évidence aussi, les problèmes multiples qui se posent appellent une
réponse globale.
De surcroît,
cette réponse doit aller de pair avec un programme social ambitieux
s'inscrivant dans le long terme. Nous n'avons pas le droit d'abandonner en chemin les plus vulnérables – les pauvres, les femmes, les
jeunes – et de négliger la planète. Ce sont ceux qui portent le moins de
responsabilité dans les problèmes actuels qui en font le plus les frais. Leur
demander d'attendre parce qu'on est occupé à régler d'autres problèmes n'est
pas seulement contre-productif, c'est aussi immoral. Les dirigeants présents à
Cannes devront s'entendre sur des actions concrètes visant à améliorer le sort
de tous les peuples et de toutes les nations, et pas seulement celui des plus
riches et des plus puissants.
Agir pour les
pauvres : Au sommet qu'ils ont tenu l'an dernier à Séoul, les leaders du G-20
ont pris acte d'une vérité fondamentale : il ne peut y avoir de croissance
durable sans développement. Les économies émergentes sont l'avenir de
l'économie mondiale. Les dirigeants présents à Cannes devront montrer leur
engagement résolu à agir en faveur des pauvres et de la croissance, comme le
demandent les objectifs du Millénaire pour le développement. Nous savons ce
qu'il faut faire; nous devons continuer à investir dans les domaines qui ont le
plus fort impact – la santé des femmes et des enfants, l'agriculture et
l'alimentation et l'égalité des sexes, pour ne citer que ceux-là.
Agir pour la
planète : De même qu'il ne peut y avoir de croissance durable sans
développement, il n'y aura pas de développement durable sans protection de
l'environnement. Notre santé, nos richesses et notre bien-être à tous dépendent
de la façon dont nous gérons les ressources naturelles – l'air, les fleuves et
les océans, les sols et les forêts, et la faune et la flore dans toute leur
diversité.
En juin prochain, 20 ans après le premier
Sommet « Planète Terre », l'Organisation des Nations Unies accueillera une
nouvelle grande conférence sur le développement durable. Rio +20 sera
l'occasion de tracer clairement la voie à suivre vers un avenir meilleur – un
avenir où l'on répondra aux problèmes interdépendants par des solutions
intégrées. Cela suppose de mettre au point de nouvelles initiatives en matière
de sécurité alimentaire et hydrique; de progresser sur les questions du
changement climatique et des énergies renouvelables, notamment en trouvant des
moyens de financement novateurs. Et surtout, cela suppose de regarder loin
devant et d'engager une réflexion stratégique pour définir notre vision du
monde dans une décennie. Il y a trois ans, à Londres, les dirigeants
cherchaient des moyens de «stimuler» la croissance mondiale à court terme. À
Cannes, la réflexion devra être axée sur l'investissement intelligent à long
terme - afin de prendre les bonnes décisions aujourd'hui pour façonner le monde
de demain.
Agir pour les
femmes et les jeunes : Partout dans le monde, les jeunes et les femmes
descendent dans la rue pour revendiquer leurs droits et une plus grande place
dans la vie économique et politique. Ensemble, les femmes et les jeunes
représentent plus des deux tiers de la population mondiale. À tous points de vue,
ce sont eux la prochaine économie émergente mondiale. Nous devons entendre leur
voix. Nous devons faire tout notre possible pour répondre à leurs besoins dans
tous les domaines, depuis les soins de santé maternelle jusqu'à l'emploi.
Le G-20 doit
s'attaquer de front et dans toute sa diversité géographique au problème des
inégalités croissantes. Faute d'agir, nous en paierons durement les
conséquences à l'avenir, par une aliénation sociale et une profonde instabilité
qui saperont les perspectives de paix, de sécurité et de prospérité pour tous.
Pour les dirigeants présents à Cannes, ce
sommet aura valeur de test. Le monde entier nous regarde. Les décisions qui
seront prises affecteront chaque pays et chaque personne, directement ou
indirectement. Un échec serait catastrophique. En agissant avec sagesse et
clairvoyance, nous pouvons saisir l'occasion qui s'offre à nous de poser les
bases d'une prospérité économique qui profite à tous et qui s'inscrive dans le
respect de l'environnement. En conjuguant nos forces, maintenant, nous pouvons
éviter le précipice et changer le cours des choses pour les générations
futures. Ne nous leurrons pas, nous ne pouvons pas remettre à plus tard ces
choix difficiles. Le compteur tourne.
* Secrétaire
général de l'ONU
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Posté Le : 03/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ban Ki-Moon *
Source : www.lequotidien-oran.com