Algérie

Le compostage, un débouché pratique et « bio »



La situation sanitaire se dégrade de jour en jour dans la wilaya d'Alger. Déchets ménagers et autres s'accumulent à chaque coin de rue ou ruelle, au point où tout le paysage, jadis dominé par la verdure et les bonnes senteurs, s'est transformé en une décharge publique à ciel ouvert. Pour y remédier, la direction de l'environnement et la wilaya d'Alger envisagent de donner à la ville d'Alger et alentour un nouveau visage. Pour ce faire, les deux institutions pensent à réduire les déchets accumulés au niveau des décharges publiques. Après le lancement du projet de transformation de la décharge de Oued Smar en un parc, un premier pas a été effectué concernant les déchets verts. La solution n'est autre que le compostage. Un procédé biologique de conversion et de valorisation des matières organiques (sous-produits de la biomasse, déchets organiques d'origine végétale ou animale) qui permet de constituer un produit hygiénique, semblable à un terreau, riche en composés humiques : le compost. Il est d'ailleurs considéré comme l'un des piliers de l'agriculture biologique. Il est utilisé dans la fertilisation des sols, comme amendement « bio ». Plusieurs projets sont lancés pour l'installation de stations de compostage à travers la wilaya d'Alger, dont deux octroyés à l'Edeval (Etablissement de développement des espaces verts, Epic de la wilaya d'Alger). L'Edeval est chargé d'installer une station au niveau de son siège, à la pépinière d'El Alia (Oued Smar) et une autre à Bouchaoui marine. M. Kamel Yakoub, chef du département espaces verts de l'Epic Edeval, explique que les nouvelles mesures prises par les services publics sont à l'origine du lancement de ces deux projets. « Nous transférions nos déchets automatiquement vers la décharge de Oued Smar. Mais avec l'interdiction des services publics de jeter les déchets verts dans cette décharge, nous devions réfléchir à un système qui nous permette de dégager nos déchets sans pénaliser l'environnement. Il fallait faire un pas vers le professionnalisme et transformer nos déchets en un produit utile mais surtout dégradable dans la nature. Par ailleurs, nous dépensions des sommes importantes pour l'achat d'engrais. Le compostage représentait, donc, la solution à nos soucis. Nos déchets verts sont transformés en un compost qui enrichira nos sols et nous permettra de réduire les dépenses », déclare-t-il. Les deux stations ne sont, toutefois, pas encore opérationnelles. « Les deux stations ne sont pas encore fonctionnelles. Nous avons acquis les équipements nécessaires en décembre 2011, d'un montant de 31 millions de dinars. Il s'agit de deux grands broyeurs, deux petits broyeurs, deux retourneurs et des fondeuses de bûches, qui seront répartis sur les deux sites », a-t-il expliqué. Concernant la mise en place des aires de stockage des déchets broyés, il déclare qu'Edeval a lancé un appel d'offres pour la réalisation de deux plates-formes de 4.000 m2, une au niveau de chaque station. « Elles seront dotées, chacune, d'un bassin à eau pour l'arrosage des déchets broyés (afin de déclencher le processus de dégradation aérobie) et d'un chapiteau pour ranger les équipements », dira M. Yakoub, précisant qu'au départ, le dossier était lancé en même temps que l'acquisition des équipements mais annulé suite à la publication du nouveau code des marchés publics. « Le code des marchés publics a été modifié et complété le 18 janvier 2012. De ce fait, nous étions dans l'obligation d'aligner notre appel d'offres en fonction de ce nouveau code », affirme-t-il. Pour le moment, explique M. Yakoub, Edeval ne fait que broyer les déchets issus de son patrimoine végétal au niveau de sa pépinière d'El Alia. « Il s'agit de déchets issus de la taille des arbres d'alignement (21.680 arbres) et des haies. C'est très pratique. Ces déchets sont broyés le même jour. Et même si le système de compostage n'est pas encore lancé, nous pouvons toujours utiliser ce matériel végétal tel qu'il est pour que le processus de dégradation se poursuive au niveau du sol. Cela pourra apporter une part des amendements nécessaires pour le développement des végétaux », a-t-il poursuivi. Il signale, toutefois, que les pépinières de l'Edeval ne délaisseront pas pour autant l'utilisation des engrais, qu'il estime « nécessaires ». Sur le plan commercial, le compost qui sera produit par les deux stations sera destiné uniquement à ses pépinières, parcs et jardins. Le responsable, chiffres à l'appui, estime que le compost produit pourra à peine couvrir la totalité de la surface totale du patrimoine de l'institution, estimé à près de 13.969.955 m2, précisant, que ce patrimoine est en perpétuelle croissance. « Cela dépend de la quantité du compost produit et des décisions de la tutelle. Si elle estime que nous avons un surplus de compost, elle pourra nous donner son aval pour sa commercialisation. Mais une chose est sûre, nous n'avons aucune intention de générer des bénéfices de par l'installation de ces deux stations ». M. Yakoub a annoncé, par la suite, que les deux stations de compostage seront dirigées par le personnel de l'entreprise. « Aucun recrutement ne se fera dans ce sens. Sauf si dans le futur, nous aurons besoin de renforcer nos effectifs. Cela dépendra du développement de notre patrimoine végétal », a-t-il encore fait savoir.JARDIN D'ACCLIMATATION D'EL HAMMA, UN PROMOTEUR DU COMPOSTAGE Depuis sa réouverture en 2009, après douze années de fermeture dont cinq consacrées à des travaux de restauration, le Jardin d'Essai s'est doté d'une station de compostage, la première au niveau national. M. Abderezak Ziriat, directeur du Jardin d'Essai, a bien voulu nous la faire visiter. Nichée entre les différentes plantes sur l'allée des Dracénas, cette station offre un paysage tout à fait particulier. S'étalant sur une superficie d'environ 1,5 hectare, elle s'harmonise à merveille avec la multitude de nuances de verdure des 2.500 espèces de végétaux et leurs effluves. Lors de cette visite, M. Ziriat explique que depuis sa création, le jardin avait du mal à se débarrasser des déchets végétaux (environ 7.000 m3), surtout ceux des différentes espèces de palmier, dont le nombre de pieds avoisine les 2.000. « Soit on les brûlait dans des fumières soit on les évacuait vers les différentes décharges publiques. Mais cela était très polluant. Ce qui nous a poussés à réfléchir sur une solution pour d'une part renouveler la matière organique de nos sols et de réduire la pollution d'autre part. Le compostage représentait, alors, la meilleure solution », déclare-t-il. Pour ce faire, les responsables du Jardin d'Essai ont proposé leur projet en 2008 à la wilaya d'Alger pour obtenir, une année après, son aval. Commencent alors les travaux d'installation de la station. « Nous avons aménagé cet espace pour l'installation des andins. Le dispositif n'a pas été coûteux (7 millions de dinars pour l'acquisition du broyeur). Je peux même dire que l'investissement a été amorti en deux années seulement », affirme-t-il. Quantitativement parlant, les responsables du Jardin d'Essai ne disposent pas de chiffres concernant les quantités de compost produites. D'ailleurs, M. Ziriat explique que le compostage est un système récemment introduit. « En fait, notre dispositif n'est pas très au point. Pour l'améliorer, nous avons dans ce sens lancé des offres d'emploi pour les ingénieurs en agronomie et en environnement. Leur rôle sera de gérer la station de compostage », développe-t-il. Sur le plan technique, M. Ziriat explique que dans une première phase, le compost est utilisé directement dans les cultures. « Après 4 à 5 mois, nous l'utilisons comme paillage dans le sous-bois. Il permet ainsi la prolifération de la matière organique et le développement du système racinaire. Etant argileuse, la texture des sols algériens est très compacte. Pour l'améliorer, on rajoute des quantités de compost pour permettre à la plante de se développer », dira-t-il, précisant qu'ils utilisent comme « matière première » les déchets verts issus du désherbage et de la taille des arbres à laquelle ils ajoutent de la matière organique en provenance du parc zoologique. « Le mélange est broyé puis disposé en tas. Il est ensuite mouillé pour déclencher le processus de fermentation. La température peut atteindre 70 degrés. Toutefois, à cause des températures, en hiver la fermentation est beaucoup plus lente qu'au printemps ou en été ». Ce qui réjouit, encore plus, le directeur du Jardin d'acclimatation d'El Hamma est l'autorisation de la commercialisation de son compost. « Nous allons le commercialiser dans les jours qui viennent sous forme de sachets de 10 et 20 l. Il sera vendu aux pépiniéristes et revendeurs d'engrais et de semences, à des prix deux ou trois fois moins chers (30 DA/l) que le compost importé », annonce M. Ziriat. Mais le plus important est que le Jardin d'Essai se veut un promoteur de l'agriculture biologique. D'ailleurs, selon les propos de son premier responsable, les engrais chimiques utilisés généralement pour la fertilisation des sols sont « bannis ». « Pour ce qui est de la lutte contre les maladies et autres ravageurs, nous laissons la nature faire sa part des choses », lance M. Ziriat, qui annonce qu'un programme de lutte biologique a été proposé à la tutelle pour son application au niveau du jardin. Même si le nombre de projets reste minime au niveau de la wilaya d'Alger et encore moins à l'échelle nationale, de par toutes ces initiatives, les autorités locales entendent d'une part éradiquer le spectre des déchets qui donnent une image totalement disgracieuse aux artères de la capitale et remédier aux mauvaises pratiques culturales et préserver l'environnement d'autre part. En un mot, c'est le développement durable qui fait son apparition en Algérie.


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