Algérie

"Le combat pour les libertés est très long et escarpé"ENTRETIEN AVEC L'AUTEUR-ROMANCIER RACHID HITOUCHE




Rencontré, dimanche, en marge du Salon du livre qui se tient à la Maison de la culture où il s'est attelé à une vente dédicace de ses deux livres dans le stand Tira-édition, l'auteur romancier Rachid Hitouche a bien voulu répondre sans détours à nos questions.L'Expression: Comment êtes-vous venu au monde de l'écriture après des années de lutte pour le combat identitaire et démocratique' Est-ce un refuge né de la déception ou d'une autre frustration ou plutôt une chose innée chez vous que vous avez exploitée tardivement'
Rachid Hitouche: Les ruisseaux s'orientent vers les rivières; les rivières, à leur tour, grandissent les fleuves et les fleuves remplissent et font vrombir l'Océan. Tel était, pour moi, mes premiers gribouillages sur les tas de feuilles que j'écrivais et déchirais souvent. Je souligne que ces expressions sont de moi, cependant elles ne résument pas tout. J'ai eu déjà à m'exprimer sur cela à travers les colonnes d'un autre quotidien où j'avais dit: «Au fait, les mots comptaient peu pour moi; c'était plus la rime que j'arrangeais et qu'on s'envoyait entre adolescents de mon village sur les chemins qui menaient à Tala ou à la sortie des classes». Par la suite, avec le temps, j'apprenais et mesurais la justesse de mes mots.
Pour la deuxième partie de votre question, là aussi, ce n'est pas tout à fait le cas, car comme vous me voyez, je n'ai nullement déserté le terrain. Bien au contraire, j'accentue mon ardeur pour mes idées par ce moyen d'expression qu'est l'écriture. Ce que je peux affirmer encore aujourd'hui, c'est que je n'abandonnerai jamais le combat pour lequel tant de personnes ont donné beaucoup de temps, de leur liberté voire même leur vie. Si ma contrition, aussi petite soit-elle, peut contribuer au recouvrement de mon identité entière, elle sera là à son service, autant que l'a toujours été ma vie pour ce noble combat. Dire que l'écriture s'est griffée à mon parcours ou à ma vie, c'est possible, mais je rejette la vision que celle-ci soit née d'une déception, encore moins d'une frustration. Je sais m'éclipser avant de baigner dedans ou que leurs torrents m'emportent. Même si on ne peut pas gagner à tous les coups, le combat d'idées doit être constant. Dans des pays comme le nôtre où les interdictions et les «haram» sont plus nombreux que nos jours de vie, le combat comme le chemin pour les libertés est très long et escarpé. L'endurance et la lucidité sont de mise. Je mènerai mon combat tel que je l'ai toujours mené, avec des gens animés de bonne volonté sans opportunisme aucun. J'aime mon pays. Par conséquent, les embûches quotidiennes, posées sur ce chemin expressément, n'altèreront en rien la lutte pour l'universalité. Nous sommes tenus d'y mettre pied dans cet espace, avec ou sans bon-vouloir des adversaires de la modernité et de la démocratie.
Puisque nous évoquons votre parcours pourriez-vous, même si l'exercice est souvent périlleux, résumer votre itinéraire biographique'
La chose la plus difficile à faire est celle d'essayer de parler de soi-même, je crois que l'itinéraire est mieux vu et respecté quand il est découvert et connu par les autres. Tout ce que j'ai pu accomplir, je ne souhaite que du bien» n'est qu'un devoir; et le devoir ne nécessite ni vulgarisation ni récompense. Restons nous-mêmes! Le mieux, c'est d'arracher plus de démocratie et d'espaces de liberté, pour permettre ainsi aux générations futures de mieux respirer et mieux vivre. Pensez à semer le bien, sans chercher de quoi seront récompensés nos efforts. Tout le reste importe peu.
Après votre première publication L'autre ou la Résurrection, suivie de Confession criminelle, quel écho aviez-vous eu du grand public, en général et des adeptes de la littérature, en particulier'
En France, leur parution était dans cet ordre, mais en Algérie, Confession criminelle est paru le premier, c'est-à-dire l'année dernière, suivi donc cette année par L'autre ou la Résurrection, juste à l'ouverture du Sila d'Alger où d'ailleurs le roman a été bien accueilli. La Maison de la culture Taous Amrouche de Béjaïa, accueille en ce moment même un Salon du livre, mes oeuvres sont présentes, de toute évidence, on connaîtra leurs échos qu'à partir du moment où la distribution aura couvert le maximum de région. Malheureusement, ce n'est pas le cas, l'auteur souffre de cette entorse qu'imposent certains réseaux de distributions incapables d'y remédier. À ne pas omettre la responsabilité des éditions.
Vous étiez et vous restez un fervent militant de la cause berbère. Pourquoi avez-vous opté pour la langue française et non pas amazighe'
Ce n'est pas par gaieté de coeur si mes premières publications ont été faites dans la langue française. Le choix m'a été difficile y compris dans cette langue, il fallait d'abord être édité en France, avant de se voir édité dans son pays. Un quitus made in France est devenu une mode. C'est ridicule, mais c'est un constat.La littérature est méprisée dans notre pays et les auteurs font ce qu'ils peuvent. La création intellectuelle est très mal vue, surtout, quand celle-ci ne caresse pas dans le sens du poil. Je vous rassure, par ailleurs, que j'écris autant dans la langue amazighe. Mes oeuvres produites déjà en langue française sont presque réécrites dans la langue amazighe, pas mes soins. «Confession criminelle est à moitié réécrite en amazighe pour le cinéma. C'est vous dire, qu'on ne peut laisser à la marge l'identité pour laquelle on a tout donné. Ceci dit, j'ai bien d'autres livres à proposer en tamazight à l'avenir.
Tout en vous laissant le soin de conclure cet entretien. Quels sont vos projets dans le domaine et autres'
L'écriture en elle-même est un grand projet, aussi, je suis tenté par des scénarios, je m'essaye donc à cette autre partie. Sauf que dans ce domaine, exactement, tous les scénarios sont esquissés puis écris en tamazight.
Là, mon choix est fait, il n'y a rien à revoir. Je m'efforcerai à tout faire dans cette langue. L'audiovisuel offre un autre moyen; c'est celui de joindre le geste à la parole et dans lesquels les téléspectateurs n'auront aucun problème de compréhension, étant eux-mêmes nés et bercés dans cette culture ancestrale. Sinon pour conclure, je remercie votre quotidien pour m'avoir ouvert ses colonnes, aussi je salue tous ceux et toutes celles qui ont consacré leur temps pour me lire.


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