Algérie

Le combat de Mohamed-Cherif Zerguine



J’ai commencé à exprimer, ou plutôt crier ma souffrance, grâce à une activité artistique. » C’est un extrait du livre de Mohamed-Cherif Zerguine, Pupille de l’Etat, la peur de l’inconnu, dans lequel il décide, avec un courage singulier, de raconter sa véritable histoire au monde entier. C’est le récit bouleversant d’un enfant abandonné par sa mère à l’âge de quatre jours. Récit qui donnera un prodigieux coup de pied dans la marmite, renversant son contenu, pour reprendre un vieil adage de chez nous. Nous parlions de tous ces horribles tabous, derrière lesquels se cachent d’incommensurables misères humaines, d’insoutenables marasmes. De petits êtres innocents, contraints de supporter le fardeau de la honte, qui, paradoxalement, ne les concerne en rien. Des adultes les ont livrés en pâture, tel le bouc émissaire, que le prêtre, dans la religion hébraïque, le jour de la fête des Expiations, chargeait des péchés d’Israël, et lâchait dans le désert. Pour ces orphelins, c’est une vie hostile, pleine d’humiliations et de brimades, qui sera leur désert à eux. Pourtant, ce pupille de l’Etat, qui clame haut et fort sa condition d’enfant «né sous X», il n’est plus possible de se cacher derrière la loi de l’omerta. «Cette hypocrisie d’une société qui refuse de voir ses tares », il n’en veut plus, après toutes ces souffrances qui ne lui laisseront aucun répit, dès l’âge de six ans, où il se découvrira un nom autre que celui de ses parents adoptifs. Ce fut l’enfer: «Au-delà des interrogations, le malaise d’un abandonné est nourri par les regards, les mots et les comportements compatissants qui viennent entretenir sans cesse sa blessure.» La raison qui me poussa à écrire, c’est l’odieuse bêtise humaine, l’arrogance, l’indifférence, la discrimination de certains, avoue-t-il. Commence alors pour lui une longue et fébrile quête qui le mènera partout.
Il se met à récolter, patiemment, des éléments d’information, qui le feront accourir de France,
où il vivait avec sa famille adoptive, à Constantine, à l’hôpital civil, où une toute jeune femme le mit clandestinement au monde, un certain jour de novembre 1963, et de là, à la pouponnière de
Notre-Dame des Apôtres, où il vécut ses trois premiers mois. Suivant consciencieusement et patiemment diverses pistes, tel le Petit Poucet,
il sillonnera tout l’Est algérien, où il découvrira, à son corps défendant, l’histoire de ses ancêtres, leur parcours et leur patrimoine matériel et immatériel. Il tombera amoureux de leur terre, et de leur saint patron. Et il apprendra la religion, dans laquelle il puise courage et espoir. Peu importe s’il a trouvé ou non cette mère qu’il aime ardemment, avec laquelle il compatit profondément, car, dit-il, «c’est une victime ; elle fut contrainte et forcée, elle n’avait que quatorze ans ». Aujourd’hui, son combat le dépasse, il milite pour les droits des enfants abandonnés en Algérie. «J’ai lu le Coran, et aucun verset ne justifie cette cruelle indifférence
au sort de ces enfants, au contraire, Dieu les recommande à la mansuétude des hommes ; j’ai vu des gamines de 12 ans enceintes et livrées à elles-mêmes, et on continue de ne pas admettre que notre pays est plein de mères célibataires dans le désarroi total, seules à gérer une faute, dont l’homme est totalement exclu », s’indigne-t-il.
Il plaide pour un statut honorable pour cette frange de la société stigmatisée: « L’Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place une législation claire ainsi que des mécanismes fiables et stricts, afin d’établir la filiation de l’enfant immédiatement après sa naissance.»                                                                             


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