Le combat de l'élite passée

L'Ecolymet (association des anciens élèves du collège, de la Medersa, du lycée et même de Dar El-Hadit) vient de clôturer sa série de conférences-débats entamée depuis les retrouvailles du 15 mai 2008.

Avant de partir en vacances, le président de l'association, le docteur Omar Benhabib, a promis aux adhérents la création d'un site Web, l'impression de toutes les conférences et leur enregistrement audiovisuel, car les sujets choisis sont tous des devoirs de mémoire d'anciens élèves à travers le territoire national, et même à l'étranger. Dans ce contexte, Benali El-Hassar, chercheur et ancien journaliste, a rappelé, dans un exposé très riche en documentation et en photos projetées, l'épopée des Jeunes Algériens au début du XXe siècle. Sa conférence intitulée «Le combat de l'élite moderniste» a été la continuité de la résistance armée de l'Emir Abdelkader et les insurrections populaires.

Le conférencier a situé historiquement la naissance de ce mouvement intellectuel fasciné par les Jeunes-Turcs (1908 à 1919). «Ce combat, dira Benali, sera porté par la frange des jeunes évolués formés à la double école arabo-française et qui a mérité le nom de Jeunes Algériens, en référence aux Jeunes-Turcs, groupe d'intellectuels et d'officiers ottomans, libéraux et réformateurs rassemblés en diverses sociétés et qui contraignirent le sultan Abdelhamid II à restaurer la Constitution (1908) puis à abdiquer (1909). Les Jeunes-Turcs dominèrent jusqu'en 1919 la vie politique en Turquie.  L'étude de ce mouvement est à nos yeux importante pour une meilleure compréhension des facteurs qui ont pendant une longue période sédimenté l'histoire du mouvement national et dont le projet politique est la construction d'un Etat moderne». Derrière chaque mouvement, on trouve, dira Benali, «des hommes comme Si Mhamed Ben Rahal, l'Emir Khaled, Messali Hadj qui ne sont pas des personnalités politiques providentielles».

Abordant la mouvance moderniste, Jeune Algérie, El-Hassar dira «non structuré, ce mouvement créera ses propres relais pour véhiculer sa pensée politique: journaux, cercles, Nadis, associations. Parmi les premiers cercles nés de ce mouvement politico-intellectuel, nous citerons le cercle des Jeunes Algériens à Tlemcen, Nadi Ettawfqiya Alger, Nadi Salah Bey à Constantine...». Citant Si Mhamed Ben Rahal dans sa conférence en 1897 à Paris qui a diagnostiqué le monde arabo-musulman «L'avenir de l'Islam dépendait de trois conditions, la valeur intrinsèque de ses adeptes, la politique des Etats musulmans enfin l'appui du monde civilisé». Quelle prémonition de ces intellectuels courageux et cultivés dans les deux langues, arabe et français !

Le conférencier évoqua l'agitation politique créée à Tlemcen du fait de l'activité des Jeunes Algériens en citant le rapport de William Marçais, directeur de la medersa de Tlemcen, qui a signalé au gouverneur général d'Alger en 1919, «l'existence dans cette ville d'un véritable parti du progrès et de la civilisation». Benali El-Hassar s'attarda longuement sur le travail méthodique de l'intellectuel Benali Fekar qui, dans le n°1 de son journal El-Misbah (premier journal du Jeune Algérien en 1904 à Oran dont le fondateur est le frère de Benali, à savoir Fekar Larbi), lance cet appel «Nous nous proposons de défendre les Arabes contre leurs détracteurs possibles et s'il y a lieu, contre leurs propres faiblesses. C'est travailler pour le bien des musulmans d'Algérie, pour le relèvement complet, matériel et moral, de ce peuple arabe qui fut grand jadis mais dont les brillantes qualités natives ont été pendant des siècles paralysées par une incompréhensible torpeur». L'Ecolymet dépoussière l'histoire grâce à une équipe dynamique mais a besoin de l'aide de tous les véritables intellectuels qui doivent prendre exemple sur Si Mhamed Ben Rahal, Benali et Larbi Fekar pour qu'El Misbah continuera à éclairer la société !