Photo : Le colonel Lotfi - Boussouf - Boumediene - Abdelmadjid Allahoum ...
Mort à l’âge de 26 ans, ce plus jeune colonel de la révolution algérienne, aurait joué un rôle de premier rang dans l’Algérie indépendante, estiment aujourd’hui nombre d’acteurs historiques qui l’ont connu, et aurait probablement marqué de son empreinte les premiers jalons de l’édification du futur Etat algérien, qui s’étaient discutés au congrès de Tripoli, qu’il venait juste de quitter avant de tomber héroïquement au champ d’honneur dans une bataille à Djebel Béchar, le 27 mars 1961, pour rejoindre en fait la longue caravane des martyrs de l’Algérie.
De son vrai nom Benali Boudghène, le colonel Lotfi est né le 5 mai 1934 à Tlemcen. Il effectue ses études primaires dans sa ville natale et obtient le certificat d’études primaires en 1948. Parti au Maroc pour poursuivre ses études secondaires, il revient au bout d’une année à Tlemcen pour rejoindre l’école franco-musulmane, où commence à se forger son esprit révolutionnaire, à travers ses lectures mais aussi ses discussions politiques avec son entourage. Rapidement, il cherche à établir des contacts avec les militants du mouvement national, pour mieux s’imprégner des idées et des projections nationalistes.
Tout pour lui a été d’une très grande rapidité, qui dénotait une maturité précoce et une volonté d’engagement à tout crin chez ce jeune militant. En octobre 1955, alors qu’il n’a que 21 ans, il s’engage dans les rangs de l’ALN dans la Zone V (future Wilaya V, d’après le découpage du congrès de la Soummam), alors représenté par Larbi Ben M’hidi, et occupe le poste de secrétaire particulier de Si Djaber. Il sera ensuite amené à s’occuper de la section de Tlemcen et Sebdou et à installer les cellules clandestines du FLN naissant.
Repéré pour son intelligence et son sens d’organisation, il est désigné dès 1956 pour un travail de structuration des réseaux de fidayine dans l’Oranais, dans une conjoncture marquée par l’intensification de la lutte armée, décidé par le commandement de la Révolution. Dès la fin des travaux du congrès de la Soummam du 20 août 1956, auxquels les représentants de l’Oranais ont eu une part active, grâce à la présence de Larbi Ben M’hidi qui en était l’un des principaux animateurs, Si Brahim – c’était son premier nom de guerre – se porte volontaire pour diriger les opérations militaires dans le Sud et mène plusieurs batailles décisives qui se solderont par de lourdes pertes dans les rangs de l’ennemi.
Il ne sera, toutefois, promu au grade de capitaine et chef de zone qu’en janvier 1957. Son ascension se fera de plus en plus rapide, en devenant commandant de la zone d’Aflou sous le nom de Lotfi, et membre du Conseil de direction de la Wilaya V.
En mai 1958, Lotfi est promu au grade de colonel et est désigné à la tête de la Wilaya V. Cette période est marquée par l’intensification des opérations française contre les maquis, et surtout par la construction des lignes Challe et Morice aux frontières est et ouest, visant essentiellement à empêcher l’acheminement des armes pour les maquis à travers les frontières tunisiennes et marocaines. Ce qui devait alourdir la responsabilité du colonel Lotfi, et l’obliger à redoubler d’effort pour contrer ce blocus infernal, tout en veillant à la poursuite du combat.
Au début de 1960, il assiste aux travaux du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) tenus à Tripoli. A son retour dans sa wilaya, il est pris dans un traquenard, où l’ennemi déploie une armada pour encercler toute la Wilaya V, et est tué sur le coup. C’était le 27 juin 1960 à Djebel Béchar. Il n’a pas eu la chance d’assister à l’indépendance de son pays. Il ne restait pourtant plus que deux ans pour la signature des accords du cessez-le-feu.
Au plan politique, le colonel Lotfi est surtout connu pour sa loyauté exemplaire, son intégrité et sa perspicacité. Il s’est très vite démarqué des querelles de chapelles et autres « intrigues politiciennes » qui émaillaient les conclaves auxquels il avait eu l’occasion d’assister, à Tunis, au Caire et enfin à Tripoli. Il est même allé jusqu’à dénoncer, auprès de Ferhat Abbas, alors président du GRPA, ce qu’il qualifiait de « tendance fascistes » chez certains chefs militaires sans les désigner, qui, selon ses termes, «rêvent d’être des sultans au pouvoir absolu. » Plus incisif encore, il ajoutait : «Derrière leurs querelles, j’aperçois un grave danger pour l’Algérie indépendante. (…) Ils conservent du commandement qu’ils exercent le goût du pouvoir et de l’autoritarisme. » Il prévoyait en fait la guerre fratricide entre le GPRA et les wilayas qui lui étaient loyales, d’un côté, et l’Etat-major de l’armée, de l’autre, qui va éclater à l’annonce de l’Indépendance, et prédisait dans le même temps le désarroi du peuple qui accédait enfin à la paix.
C’est Ferhat Abbas qui a noté toutes les impressions du jeune colonel, dépité par la tournure prise par les événements : « L’atmosphère au sein de la Délégation extérieure, écrit-il, lui faisait peur. Les luttes sourdes des colonels ne lui avaient pas échappé. Il en était épouvanté : j’aime mieux mourir dans le maquis que de vivre avec ces loups. » Cette attitude chevaleresque d’un homme dévoué pour sa cause, celle de sa patrie, fera de lui un symbole du martyre.
Posté Le : 27/04/2017
Posté par : chouhada
Photographié par : Adel Fathi
Source : memoria.dz