Algérie

Le CNM entre méfiance et insuffisances Malgré l'urgence de la mission de préservation des manuscrits


Le CNM entre méfiance et insuffisances Malgré l'urgence de la mission de préservation des manuscrits
En sa qualité de gisement de savoir et de fonds documentaire manuscrit, la ville d'Adrar s'est dotée depuis sept ans d'un Centre national des manuscrits (Cnm) destiné à «localiser, conserver et cataloguer» les manuscrits en Algérie. Créé en janvier 2006, le Cnm est chargé de faire l'inventaire national du fonds de manuscrits, de localiser les khizanas, de cataloguer, de conserver et de procéder à la paléographie des plus importantes pièces de ces bibliothèques traditionnelles. L'équipement dont dispose le centre reste «en deçà
des besoins» en matière de numérisation et de conservation de la cinquantaine de khizanas que recèle la seule région d'Adrar, affirme d'emblée à l'APS la directrice du centre qui, en outre, partage l'avis des gérants de bibliothèques jugeant le bâtiment «inadapté» pour abriter un laboratoire et conserver des manuscrits.
Selon Saliha Laadjali, nouvellement nommée à ce poste, la première opération effective du Cnm sur le terrain n'a pu être effectuée qu'en 2010. Le Cnm a consacré les quatre premières années de son existence à la «formation du personnel spécialisé dans la conservation du manuscrit», une discipline qui, dit-elle, «ne bénéficie pas, pour l'heure, d'une formation adéquate» dans l'enseignement supérieur.
Optimiste, la directrice soutient, tout de même, que 2013 sera l'année de la réhabilitation du laboratoire et de la réserve ainsi que de l'acquisition d'un scanner portatif. Elle s'inquiète, toutefois, que le centre ne soit pas encore arrivé à «établir une relation de confiance avec les propriétaires», de Khizanas, sans compter les «lenteurs administratives et bureaucratiques étrangères à la région (qui) n'arrangent pas la situation», regrette-t-elle.
Pendant que le centre peine à acquérir les matériaux pour renouveler les reliures ou un simple scanner, par exemple, les propriétaires de Khizanas se voient, eux, courtisés par des instituts étrangers spécialisés et des intermédiaires du marché parallèle pour céder leurs
manuscrits en contrepartie de fortes compensations financières.
De l'avis de la directrice du Cnm et des gérants de bibliothèques traditionnelles, ni le centre, ni les instances publiques ne peuvent contrer ce marché parallèle des collections manuscrites, en l'absence d'une «identification effective» et de «mécanismes de protection» du fonds documentaire». Quant aux tarifs proposés par le ministère de la Culture pour l'achat des collections, ils restent, tout
simplement, «dérisoire», déplorent-ils.
Pour commencer, les propriétaires attendent du centre une réhabilitation des Khizanas, des étalages adaptés à la conservation du papier ainsi qu'un équipement informatique proposant des copies numérisées afin d'éviter la manipulation du manuscrit. Si aux yeux de la directrice, le volet équipement est «une nécessité», il n'en demeure pas moins qu'il «échappe malheureusement» aux prérogatives du Cnm, regrette-t-elle. Saliha Laadjali déplore, également, les «lenteurs» dans l'importation de matériaux (cuir, produits chimiques, etc.) pour le traitement du papier : «une commande peut prendre jusqu'à une année», alors même que des formations à l'étranger en reliure et restauration de manuscrits anciens ont été assurées, précise-t-elle. La directrice du Cnm pointe aussi du doigt la faiblesse des textes juridiques au regard des «spécificités du manuscrit» : la loi 98-04 sur le patrimoine est certes adaptée au bâti et aux monuments
historiques, mais le manuscrit reste un «cas à part» du patrimoine matériel, soutient-elle.
Entre faiblesse des moyens et inexistence de mécanismes propres à sauvegarder le manuscrit ancien, le centre a entamé, selon sa directrice, l'identification des khizanas pour en cerner les problèmes et proposer des solutions, et souhaite pouvoir abriter, dans un proche avenir, les collections estimées à plusieurs millier de pièces. Cependant plusieurs Kaïms de khizanas affirment que le centre n'a pour le moment «rien proposé de concret» pour leurs documents, et s'inquiètent d'être dépossédés de leur précieux bien. Méfiants, refusant de délocaliser les bibliothèques ou de déplacer leurs fonds, ces gérants se disent, malgré tout, prêts à collaborer à condition de demeurer propriétaires de leur héritage. Certains parmi eux proposent la numérisation des manuscrits en leur possession. D'autres, la création d'une bibliothèque indépendante, employant un représentant des familles de propriétaires pour gérer les fonds de manuscrits appartenant à chacune d'elles. L'essentiel, pour eux, étant de prolonger la durée de vie de ce patrimoine inestimable.
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