Algérie

"Le cinéma pour réparer des injustices"



Lors d'une masterclass réalisée dans le cadre de l'édition 2020 de "La fabrique cinéma" de l'Institut français, le cinéaste est revenu sur sa vision du cinéma, dans laquelle il aborde des sujets politiques qui touchent la société.Hors-la-loi, Indigènes, London River ou encore Little Senegal, pour ne citer que ceux-là, font partie de la riche filmographie du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb. Loin de miser que sur des films commerciaux à succès, le cinéaste questionne la société à travers son passé et son présent. Afin de connaître plus amplement sa vision du 7e art, nous avons eu l'occasion de découvrir une masterclass virtuelle donnée samedi, et à laquelle ont assisté 17 réalisateurs et producteurs de différents pays, qui participent à l'édition 2020 de la "Fabrique cinéma" de l'Institut français.
D'emblée, sur ses productions qui consacrent "la part belle aux déracinés, exilés, les rejetés par la société", Rachid Bouchareb a expliqué en citant l'exemple de Little Senegal (2001), qu'avant d'entamer un scénario, il effectuait en premier lieu un travail de documentation. "J'ai commencé à mener une enquête, en allant d'abord au Sénégal sur l'île de Gorée où se trouve le musée de l'esclavage, un lieu important en Afrique. Ensuite, je suis parti aux USA sur des plantations et à Harlem." À travers ce périple, il a pu réaliser plusieurs interviews sur la communauté afro-américaine pour savoir que "représentait pour elle l'Afrique dans les années 2000, et quelle était sa relation avec le continent". Ce travail d'enquête minutieux qui a duré presque deux ans, "avec mon co-scénariste Olivier, nous avons mis beaucoup de temps à trouver une histoire, à essayer de concrétiser toute cette réflexion, toutes ces idées un peu abstraites, tous ces témoignages pour essayer d'écrire un scénario et d'en faire un film", a-t-il indiqué.
En fait, le rapport de Bouchareb à ces thématiques, notamment celle de l'immigration, remonte à son enfance. De parents algériens installés en France vers la fin des années 40, les migrants durant la période 70-80 ont connu une "situation compliquée", car ces enfants de l'immigration "n'avaient pas leur place à l'intérieur de la société française", a-t-il souligné. Alors est née "cette idée d'aller vers l'Amérique, un deuxième pays, une deuxième terre d'immigration. J'avais besoin de cette distance pour parler de la France". Parmi les sujets l'ayant révolté, on peut citer les tirailleurs de la Seconde Guerre mondiale, d'ailleurs il en a fait un film, Indigènes, qui a cartonné dans de nombreux pays.
Pour le réalisateur, à travers cette fiction, il voulait dénoncer les "injustices" qu'ont connues des milliers de tirailleurs d'Algérie, du Sénégal, de Tunisie, du Vietnam... "Comme il n'existait pas d'archives et de témoignages, c'était important pour moi de réparer une injustice. Des soldats sont morts sur le champ de bataille et d'autres ont été renvoyés chez eux violemment. Ils n'ont eu aucune indemnité, contrairement à leurs frères d'armes français." Selon le parrain de la "Fabrique cinéma" 2020, "quand on fait du cinéma, on rêve de réparer des injustices". Objectif accompli, car l'ancien gouvernement de Chirac, "à la sortie du film, a annoncé l'égalisation des pensions entre les anciens combattants français et étrangers".
À ce propos, Rachid Bouchareb a souligné qu'il a toujours été "intéressé" par des sujets politiques qui touchent à la société, "il y a des révolutions réalisées par des peuples qui réussissent à devenir indépendants et des hommes libres. Pourquoi avec un film, on ne parviendrait pas à réparer des injustices '". Durant une heure et demie, le cinéaste est revenu, entre autres, sur ses autres films, à l'instar d'Hors la loi qui avait suscité à sa sortie, en 2010, une vive polémique par plusieurs associations et députés qui demandaient l'annulation de sa projection au Festival de Cannes.
Cette histoire avait "surpris" Bouchareb, qui pensait que les générations avaient changé, mais finalement "du tout, car nous sommes toujours dans les tensions liées au passé colonial. Peut-être parce qu'il n'y a pas eu assez de films sur la mémoire !". Pour les intéressés, cette rencontre virtuelle est toujours disponible sur la page facebook de l'Institut français.
Hana Menasria


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