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Le cinéma algérien rêve d’indépendance financière



Le cinéma algérien rêve d’indépendance financière
« Papicha » de Mounia Meddour figure dans la sélection Un certain regard à Cannes. Kanami

« C’est merveilleux pour les réalisateurs, pour les équipes et pour l’Algérie. » Meryem Medjkane, 33 ans, actrice, a joué à la fois dans Abou Leila, d’Amin Sidi-Boumédiène, 37 ans, et dans Papicha, de Mounia Meddour, 41 ans. Deux films algériens qui seront présents au Festival de Cannes : le premier dans le cadre de la Semaine de la critique, le second, dans la sélection Un certain regard.

« CANNES ET L’ALGÉRIE, ÇA A ÉTÉ LONGTEMPS LA PALME D’OR DE MOHAMMED LAKHDAR-HAMINA EN 1975. LA PRÉSENCE DE JEUNES ALGÉRIENS NOUS DONNE DE L’ESPOIR. » WALID BOUCHEBBAH, RÉALISATEUR

Ces deux longs-métrages racontent des moments de vie pendant les années 1990 en Algérie, cette décennie de violences terroristes. Dans Papicha, le personnage principal, Nedjma, passionnée de mode, tente d’organiser un défilé dans sa résidence universitaire en 1997. Dans Abou Leila, deux copains, Samir et Lotfi, se lancent à la poursuite d’un terroriste à travers le désert en 1994. « Les films de notre génération sont liés à la question de l’histoire », analyse Sofia Djama, 37 ans, réalisatrice du long-métrage Les Bienheureux (2017).

Cette double sélection est aussi un symbole pour toute une génération de professionnels du cinéma algérien. « Cannes et l’Algérie, ça a été longtemps la Palme d’or de Mohammed Lakhdar-Hamina en 1975 [pour Chronique des années de braise]. La présence de jeunes Algériens est le résultat d’un véritable parcours et ça nous donne de l’espoir », explique le réalisateur Walid Bouchebbah.

Le projet du film Abou Leila est intimement lié au développement de la société de production Thala Films. Amin Sidi-Boumédiène et ses producteurs algériens, Yacine Bouaziz et Fayçal Hammoum, se connaissent depuis l’enfance. En 2011, Amin réalise avec eux son premier court-métrage, Demain, Alger ?. Aujourd’hui, ils ont 37 ans tous les trois et Abou Leila est leur premier long-métrage de fiction.

Créée en 2010, Thala Films a formé beaucoup de jeunes aux métiers du cinéma. « Fayçal m’a appris ce qu’était le métier d’assistant, Yacine m’a poussé à filmer et à monter », raconte Amine Kabbes, 32 ans, premier assistant sur le tournage d’Abou Leila, qui a fait ses débuts dans le cinéma comme stagiaire chez Thala Films. « C’est important que des Algériens fassent des films universels sur l’Algérie et depuis l’Algérie », souligne Fayçal Hammoum, producteur de Thala Films.

«Abou Leila», d’Amin Sidi-Boumédiène, concourt à Cannes à la Semaine de la critique.
«Abou Leila», d’Amin Sidi-Boumédiène, concourt à Cannes à la Semaine de la critique. Fayçal Bezzaoucha
Ces dernières années, techniciens, acteurs et réalisateurs se sont formés et ont travaillé ensemble dans des publicités, des projets pour le Web ou des sitcoms. D’ailleurs, certains ont travaillé pour les deux films sélectionnés à Cannes : l’accessoiriste, le coiffeur, la maquilleuse, le chef décorateur, le data manageur, la directrice de casting ou le deuxième assistant.

« La solidarité remplace le manque d’infrastructures ou l’absence de réelle économie du cinéma. On lit les scénarios des uns et des autres, on se conseille, on s’entraide », explique Damien Ounouri, réalisateur et producteur franco-algérien. « L’environnement dans lequel nous évoluons met beaucoup d’obstacles à la création, alors on fait bloc », ajoute Meryem Medjkane.

Equilibre fragile

Les questions de financement sont dans tous les esprits. Les fonds algériens sont difficiles à obtenir. « Entre 2014 et 2015, il y a eu une éclaircie et davantage de transparence, explique Damien Ounouri. Mais, depuis, on est retombés dans quelque chose de très opaque. » Sans industrie du cinéma, avec très peu de salles, les producteurs doivent trouver de l’argent autrement.

« Le marché de la publicité se resserre, on a de plus en plus de mal à faire de l’alimentaire », s’inquiète Yacine Bouaziz, producteur d’Abou Leila. Il faut alors aller chercher des fonds à l’étranger. En France, mais aussi au Qatar, par le biais du Doha Film Institute. Cela a été le cas pour Abou Leila et Papicha. Mais ces contributions sont insuffisantes : pour le film Abou Leila, la part du financement étranger ne représentait, par exemple, que 42 % du total (7 % pour Doha Film Institute et 35 % pour la France).

Surtout, l’obtention de cette aide est presque toujours conditionnée au traitement de sujets sur la société algérienne. Réaliser des films de genre est beaucoup plus compliqué. « On a un public, mais peu d’endroits où montrer les films. La solution financière se trouve ici en Algérie. Il faut qu’on ait des chaînes de télévision fortes », analyse Damien Ounouri.

Ce cinéma à l’équilibre fragile est pourtant bien présent sur la scène internationale. En 2017, En attendant les hirondelles, de Karim Moussaoui, fait partie de la Sélection cannoise Un certain regard, tandis que Les Bienheureux, de Sofia Djama, est en sélection officielle à la Mostra de Venise.

En 2018, le projet de long-métrage La Dernière Reine, du réalisateur Damien Ounouri et de la productrice Adila Bendimerad, est sélectionné pour l’Atelier de la Cinéfondation du Festival de Cannes. Sofia Djama est enthousiaste : « Plusieurs réalisateurs primés sont en train de préparer leur deuxième long-métrage. Cela prouve que nous sommes bien dans une histoire de génération. »




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