Algérie

Le ciel, rêvons-le cet été: Comète, la madame Irma du ciel



Qui ne connait pas ce sobriquet, devenu générique pour toutes les « voyantes » dont celle qui se trouvait Place Denfert Rochereau à mon arrivée en France ' Les comètes ont joué exactement le même rôle de prédiction de l'avenir pour les peuples durant des siècles. Entrons dans le kiosque de madame Irma et laissons-nous guider dans cette histoire céleste à travers sa boule de cristal (que l'on imaginera être la voûte céleste).Les peuples de l'Antiquité étaient en admiration tout autant en crainte de ces lumières inaccessibles et incompréhensibles dans le ciel. Nous pouvons imaginer leur ressenti lorsqu'ils vinrent des lumières encore plus fortes la nuit (donc en faisant exception du soleil), en mouvement relativement rapide alors que les autres étaient majoritairement immobiles ou lentes. De plus, elles laissaient derrière elles une longue chevelure éclairante.
Comment ne pas y voir des signes du ciel aux humains, encore plus évidents que ceux qui avaient été fantasmés à propos des étoiles et des planètes.
Les comètes, c'est tout cela, en même temps un phénomène du ciel qu'une extraordinaire cause de fantasmes et de croyances. Nous terminerons cet article par l'effet irrationnel des comètes, annonciatrices des évènements. Prenons le temps d'examiner tout d'abord les éléments de connaissances les plus formateurs, surtout pour les jeunes lecteurs.
Une comète, c'est quoi '
Imaginez le grand univers en formation, constitué de poussière et de gaz, c'est-à-dire la « soupe originelle » du système solaire. Avec la force gravitationnelle vont apparaître de gros grumeaux formés par l'agglomération des éléments. Petit à petit les plus gros grumeaux attireront d'autres et ainsi de suite jusqu'à ce que « the winner takes it all », celui qui aura la plus grande part et ordonnera la danse gravitationnelle autour de lui.
Ce manège continuera jusqu'à ce que la force gravitationnelle pour le plus gros, celui autour duquel se mettent tous les autres en rotation, produise par son agglomération une chaleur si considérable qu'une explosion nucléaire se produira en son sein. Et voilà l'empereur prenant son habit de lumière et sa couronne d'or qui apparaît, notre étoile, le soleil.
C'est enfantin ' Oui, même si cela est rigoureusement exact, nous nous sommes promis de voyager dans cette histoire du ciel durant l'été avec des yeux d'enfants et des questionnements de curiosité. Pour un exposé plus scientifique en mathématiques et sciences physiques, ce n'est ni le lieu ni l'objectif.
Les comètes sont en quelque sorte les « cailloux » qui n'ont pu s'agglomérer et qui ont été rejetés par la puissance des planètes géantes dans des zones de l'espace formant des ceintures d'astéroïdes.
Mais ce n'est pas pour cela qu'elles résistent à l'attraction du souverain, le roi soleil. Ces astéroïdes, eux aussi, se doivent de s'incliner devant sa majesté céleste et tourner en rond autour de lui, comme nous, avec des amplitudes plus grandes. Tourner en rond ' C'est une expression qui n'est pas tout à fait exacte car elles ont une révolution elliptique.
Ce sont des boules de glace et de roches, puisque confrontées à l'éloignement des confins du système solaire, peu atteints par la chaleur du rayonnement de l'étoile. Lorsqu'elles se rapprochent du soleil, la glace fond et elles laissent trainer un nuage sur une très grande distance, une chevelure (la coma, terme qui explique son nom).
Le noyau de la comète est très peu visible de la terre car il est minuscule au regard de la distance de l'étalement. La dernière comète apparue ne dépasse pas 4 kilomètres de largeur en son noyau.
La comète se pare donc de sa plus belle robe lorsqu'elle se présente au dieu soleil pour danser par sa rotation autour de lui. Sa plus lumineuse danseuse étant la comète de Halley, probablement sa préférée.
La comète de Halley, la star !
Les comètes étaient connues et observées depuis l'Antiquité mais c'est à Londres qu'Edmond Halley fut le premier, en 1682, à calculer la périodicité de l'une d'entre elles, soit 76 ans. En 1758, elle revint effectivement et fut alors baptisée de son nom. Depuis, toutes les comètes nouvellement observées portent le nom de leur découvreur.
Elle devint désormais la comète la plus célèbre. Ce grand scientifique eut une carrière brillante et mis en valeur plusieurs transits (rencontres d'astres). Très jeune, à 19 ans, il avait apporté des corrections aux tables officielles des positions de Saturne et Jupiter. C'est dire combien on lui doit beaucoup en astronomie. Edmond Halley est incontestablement l'un des premiers de la classe de ces générations, depuis le siècle des grandes découvertes jusqu'à celui des Lumières.
Le 14 mars 1986, un second hommage lui a été rendu. L'Humanité a envoyé la sonde Giotto qui accomplit l'exploit de se rapprocher de la comète Halley (jusqu'à 2800 km, une distance d'un cheveu au vu des distances de l'espace). La sonde a largué un petit module qui se posa sur la comète.
Voilà encore une fois un incroyable exploit de la science qui confirme et glorifie les grands de cette époque. La comète Halley sera à jamais la star, je ne serai plus là en 2062 pour admirer son fabuleux spectacle céleste.
Sur la route des trois mages, un GPS
Une histoire des plus connues, celle des trois mages qui aurait été guidés par une comète vers Bethléem pour rendre hommage au nouveau-né, le petit Jésus, fils de Marie et de Joseph, le messie attendu.
Pendant très longtemps la mémoire populaire a retenu qu'il s'agissait de la comète Halley. Or nous savons maintenant, avec une grande précision, qu'elle était passé 12 ans avant la naissance supposée (car la date fut l'objet de débats constants), pour son passage aller et 67 ans après, lors du retour.
En fait le mythe s'était largement propagé avec le tableau du peintre Giotto (d'où le nom de la sonde spatiale) qui représenta la scène de la nativité en l'illustrant avec la comète Halley. L'explication est très simple, le peintre fut marqué par son passage en 1301 et il n'avait aucune compétence historique ni scientifique pour l'identifier. La comète Halley n'est qu'une hypothèse tardive, par interprétation rétrospective puisqu'elle n'était pas encore étudiée par Edmond Halley.
La comète au-dessus des rois mages (Giotto)
La seconde hypothèse serait la conséquence d'une supernova, soit une explosion d'une étoile qui aurait été perçue à l''il nu pendant quelques mois. Mais il n'existe aucun relevé astronomique de l'époque qui puisse l'attester.
Une dernière hypothèse semble aujourd'hui courante, celle d'un rapprochement de deux astres dans le ciel, on appelle cela une conjonction des planètes. Elle est très lumineuse, comme le cas du rapprochement de Jupiter avec Vénus, si nous excluons le soleil et la lune qui ne posent aucun souci de questionnement. Un phénomène astronomique qui se produit une fois tous les 800 ans.
Pour le cas de la naissance du messie, l'hypothèse est étayée par les « tablettes » découvertes à Ankara en 1924 qui reproduisent des données du temps du roi Hérode en l'an 6 av. JC (avec une petite marge d'imprécision). Nous avons déjà dit combien était l'imprécision historique de la date de cette naissance.
Je ne peux terminer ce paragraphe sans rappeler une autre évocation célèbre, celle la tapisserie de Bayeux, un grand témoignage de la bataille d'Hastings, en 1066. Une tapisserie de 70 mètres de longueur qui relate le triomphe de Gillaume le conquérant, duc de Normandie, sur l'armée anglaise, début de la dynastie des normands sur l'île britannique. Dans cette tapisserie de Bayeux, nous voyons le passage d'une comète, un clin d''il qu'elle nous fait si souvent dans les représentations picturales des humains.
Et dans bien d'autres œuvres, la comète apparait en témoin de l'époque, en illustration de fond. Revenons maintenant aux sources de toutes ces légendes, à notre madame Irma.
Les comètes et les croyances
Un évènement lumineux dans le ciel, une rapidité exceptionnelle et une périodicité (qu'ils ne croyaient cependant pas être de la même comète), quoi de plus étonnant que les êtres humains aient projeté leurs croyances comme pour tous les autres astres.
Aristote, le grand homme qui a tout faux lorsqu'il s'est aventuré dans l'astronomie, nous l'avions dit dans l'article précédent, a attribué aux comètes des raisons géologiques. Dans son ouvrage « Météorologiques », il estime que des gaz inflammables s'échappaient des fissures des roches de la terre. Mais cette fois-ci, il avait estimé avec précaution que ses connaissances limitées ne lui permettaient que d'émettre des hypothèses. Une des explications qui me plait beaucoup car elle s'élève au niveau d'une imagination débordante. Un peuple des îles de l'océan Indien pensait que les comètes sont des torches avec lesquelles s'équipaient les esprits pour voir les humains et surveiller qu'ils ne s'aventurent pas la nuit dehors car c'est leur domaine.
Mais pour les comètes c'est surtout la périodicité qui va construire les croyances humaines. Pourquoi '
Tout simplement parce que la furtivité du phénomène visible est forcément attachée à un évènement. Ainsi celui-ci va produire des prédictions positives ou inquiétantes pour les prochains passages. Inévitablement les êtres humains font donc le rapprochement avec l'évènement qui s'est produit lors de la visite précédente et vont croire à la répétition des mêmes conséquences. L'approche la plus répandue dans l'antiquité était d'attribuer aux comètes la venue de périodes de sécheresse par la chaleur qu'elles émettaient. Pline l'Ancien, le Romain (vers 23 av. JC) estime qu'il y a douze catégories de comètes et que chacune est la cause d'une catastrophe naturelle particulière.
Puis s'installa dans le Moyen-âge l'idée que l'apparition de la comète était l'annonce d'une colère de Dieu qui s'abattrait. Les « écrits » furent les sources documentaires privilégiés. On peut lire dans l'évangile selon Saint Luc « Il y aura de grands tremblements de terre et çà et là des pestes et des famines ; il y aura aussi des phénomènes effrayants et dans le ciel de grands signes ». Nous pouvons citer bien d'autres références dans les divers évangiles.
C'est Tycho Brahé qui sera le premier, en 1577, à réfuter le caractère météorologique des comètes. Il y a donc une déconnexion définitive entre les fléaux naturels et l'annonce de la colère de Dieu.
Quant aux annonces prédictives, les exemples sont très nombreux dans l'histoire. Nous avons déjà cité la croyance que la comète annonçait une victoire puisque la tapisserie de Bayeux l'attestait. Mais c'est pareil pour les défaites comme celle de Xerxès à Salamine. L'apparition avait accompagné également la défaite des Athéniens en Sicile. La prise de Carthage par Scipion (une victoire) fut également accompagnée par une comète ainsi qu'à la mort de César. Titus qui prend la ville de Jérusalem fut de même éclairé par une lueur d'une comète. Et ainsi de suite, il n'y aurait pas assez de place dans tout le journal pour les citer.
Enfin, la prédiction la plus dangereuse autant que farfelue, encore en cours dans certaines sectes d'aujourd'hui, la comète annoncerait la fin du monde.
En conclusion, que de fantasmes peuvent être suscités par l'ignorance. Et combien la science est fondamentale pour remettre la vérité du ciel à sa place. Voilà pourquoi la science doit toujours être un des objectifs fondamentaux de l'humanité. Le ciel, ce grand inconnu qui a toujours fait peur, est aujourd'hui dompté car plus personne ne croit aux fadaises.
*Enseignant


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