"Le choix des joueurs sera déterminant pour le Mondial" MOHAMED MAOUCHE, EX-COACH DE L'EN, À L'EXPRESSION

L'ex-sélectionneur des Verts décortique les prestations de l'EN
L'ex-international algérien du stade de Reims, membre de l'Equipe nationale du FLN, et ex-coach de l'équipe nationale algérienne des années 80, Mohamed Maouche, a bien voulu revenir, à travers L'Expression, sur les prestations de l'équipe nationale algérienne et son élimination prématurée dans la Coupe d'Afrique des nations 2013 qui se poursuit en Afrique du Sud, sans oublier, de livrer son point de vue sur le prochain parcours des Verts dans les éliminatoires de la coupe du Monde 2014 prévue au Brésil.
L'Expression: Avec du recul, quelle lecture faites-vous de la participation de l'Equipe nationale algérienne dans cette CAN 2013 en Afrique du Sud'
Mohamed Maouche: Je pense que dans la pratique, ce groupe qualifié de «groupe de la mort» n'en n'a pas été un. Car, à part la Côte d'Ivoire, j'estime que ce groupe était du sur mesure pour notre sélection nationale. Pour le match contre la Tunisie et, avec du recul, comme vous le dites, on dit qu'on a dominé, mais en réalité, on ne l'a pas vraiment dominé, on a occupé le milieu du terrain et on s'est suffit à soi puisqu'on a été incapable de concrétiser les quelques occasions offertes.
Les Tunisiens, sachant bien que l'Algérie leur est bien supérieure, ont laissé venir nos joueurs. Et ils ont été plus intelligents. Et si on parle chiffre, on notera qu'au moment où les Tunisiens effectuaient 18 passes, nos joueurs ont «été incapables d'en effectuer cinq consécutivement». Et c'est toute la différence pour oser parler de domination dans le sens propre du terme. Car pour dominer son sujet, il faut le faire dans tous les domaines, ce qui n'a, malheureusement pas été le cas, puisqu'on a finalement enregistré une défaite.
On attendait une nouvelle manière de jouer des Verts pour le deuxième match contre le Togo, mais c'était exactement la photocopie du premier match en la matière, qu'en dites-vous'
Je n'en reviens pas aujourd'hui même de cette seconde prestation contre le Togo. Je me dis ce n'est pas possible que l'on rate une telle opportunité devant une équipe togolaise largement à notre portée. Même avec Adebayor, cette équipe togolaise était bien simple. Et s'ils avaient perdu contre notre sélection personne n'aurait à dire. Il fallait, dans ce second match choisir un système avec un ensemble d'éléments cohérents.
Le football ce n'est pas jouer le ballon et frapper, mais il faut aussi de l'intelligence dans le jeu. Quand je vois un Mesbah, à gauche, qui effectue de grands efforts pour effectuer des centres à partir de son couloir et qu'on ne trouve personne à la réception du ballon, il y a de quoi se poser des questions sur ce système de jeu! Là, on parle avec des professionnels. Si on remarque qu'il n'y a personne à la réception, on n'effectue pas de centre, on revient pour chercher l'aide d'un partenaire quitte à revenir jusqu'au gardien. Et c'est à partir de là qu'on cherche à déstabiliser l'équipe adverse. Je ne vais, tout de même pas donner d'autres détails d'entraîneur, mais je me contente juste de remarquer qu'il y a absence dans notre sélection nationale d'un meneur de jeu et d'un «patron»...
Il va falloir donc expliquer la différence entre les deux n'est-ce pas'
Un meneur de jeu c'est celui qui dirige les opérations. C'est lui qui oriente le jeu, accélère ou ralentit au moment voulu. Il a la vision d'un maître. Quant au patron, c'est celui qui discute avec le coach ou staff technique, c'est selon. C'est en quelque sorte l'adjoint de l'entraîneur sur le terrain. Il doit faire respecter les consignes du coach au cas où celles-ci ne sont pas appliquées comme il se doit. C'est donc lui qui assure l'animation du jeu.
Comment expliquez-vous cette stérilité offensive de notre sélection nationale'
Il y a d'abord ces duels qu'on n'a pas bien gagnés dans ce secteur. Je remarque bien qu'un Feghouli, par exemple, n'a gagné aucun duel sur le plan offensif. Mis à part quelques duels gagnés par Slimani, on n'a pas été efficaces de ce côté important pour assurer une bonne offensive. On remarque d'autre par que Guedioura, n'est ni relayeur, ni porteur d'eau, ni un organisateur. Il nous manque justement ce relayeur et meneur de jeu. Je reviens, si vous me permettez, en arrière pour constater que durant les années 80, par exemple, on avait eu Fergani comme patron, Dahleb comme meneur de jeu. Et puis, il y avait Belloumi très vicieux et très intelligent dans son jeu et puis devant, il y avait des éléments qui font bien la différence. Un Madjer, Assad et autres Zidane et Bensaoula étaient bien là pour ce faire. Le football, a certes, progressé depuis, mais il y a une constante dans ce jeu, c'est d'être intelligent et très malin dans le jeu. Ce qui manque dans notre sélection.
Mais certains remarquent que nous avons tout de même, gagné une équipe dans cette CAN 2013'
Oui, certes, on peut bien le dire. On a bien gagné une bonne équipe qui a de l'avenir pour les prochaines éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 et la prochaine Coupe d'Afrique des nations. Il ne faut pas se leurrer, la prochaine CAN se prépare, pour nous, dès aujourd'hui.
Il reste beaucoup de travail à faire dans cette équipe. Il faut aussi trouver ce buteur racé et ce meneur de jeu ainsi que ce patron pour aller de l'avant. Je pense que les joueurs de notre sélection vont être plus mûrs avec des matchs de préparation et des rencontres de ces éliminatoires de la Coupe du Monde 2014. Et puis, on remarque qu'il faut renforcer le staff de notre sélection. Car si ramener un adjoint juste pour regarder et ne pas montrer les erreurs qu'il voit, c'est vraiment inutile de l'engager. De notre temps, on était une dizaine de coachs à se concerter souvent pour la complémentarité du travail pour le bien de notre équipe nationale. C'était un travail collégial. Et chacun disait ce qu'il pensait en critiquant le coach principal sans s'en soucier car il y avait l'intérêt national en jeu. Et c'est d'ailleurs la meilleure manière de progresser et surtout de corriger les erreurs. Ce qui manque malheureusement dans notre sélection.
Comment voyez-vous le prochain match des éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 face au Bénin le 22 mars prochain en Algérie'
Il faut respecter tous les adversaires. Il n'y a plus de petites et de grandes sélections. On pensait bien que la Côte d'Ivoire allait bouffer cette équipe nigériane, mais c'est le contraire qui s'est produit pour ne citer que cet exemple.
Nos joueurs, on été trop individualistes et pas assez intelligents. Il faut revenir à notre jeu particulier fait de passes courtes et de déviations diverses. On ne peut pas copier le jeu anglais ou allemand, on possède une équipe technique et il faut donc juste s'adapter.
Etes-vous optimiste quant à une éventuelle qualification des Verts dans ce groupe «H» avec le Rwanda, le Bénin et le Mali'
Bien évidemment. Nous devons récupérer le plus de points possible contre le Bénin et le Rwanda pour mieux aborder le dernier match décisif contre le Mali. Et puis, au passage, il faut bien se le dire, le Mali est une équipe bien prenable...
Et le Mali est en demi-finale de la CAN 2013...
En dépit de ce fait, les Maliens sont bien prenables dans l'engagement physique. Et puis tout repose sur le système de jeu à adopter. Le 4-4-2, 4-3-3 ou encore le 3-5-2. C'est au coach de le déterminer quoiqu'aujourd'hui plusieurs coachs s'amusent à appliquer des systèmes inédits. Car, avec de bons ailiers, par exemple, le 4-3-3 ou le 3-4-3 est bien indiqué. Chacun peut créer son propre système. Et là, tout dépendra des complémentarités entre les joueurs. Il faut bien maîtriser les complémentarités entre les éléments pour bien choisir.
Ce serait donc le choix des joueurs qui sera déterminant dans ces éliminatoires de la Coupe du Monde 2014'
Effectivement. Il faut que les joueurs choisis soient complémentaires pour assurer la bonne marche de l'équipe.
Avec les demi-finales Mali- Nigeria et Ghana-Burkina Faso, qui voyez-vous en finale de la CAN et qui pronostiqueriez-vous comme champion d'Afrique'
Je vois bien le Ghana et le Nigeria en finale. Et là, je pense que ce serait le Nigeria qui gagnera, car tout se joue surtout sur le plan physique.
Et cette équipe, bien que n'ayant pas de stars, est bien complémentaire dans son effectif. C'est important la complémentarité qui conforte la solidité de l'équipe. Et puis, il faut reconnaître que les Ghanéens ne sont plus ces «Brésiliens de l'Afrique».
Quelle est votre conclusion'
En principe, je suis optimiste. On va toujours pour gagner. Connaissant notre sélection, il faut beaucoup de travail pour parvenir à une équipe complémentaire et bien organisée. Il faut aussi ramener les meilleurs joueurs et non pas ceux manquant visiblement de temps de jeu. Le choix des joueurs pour la Coupe du Monde 2014 est déterminant pour notre équipe nationale. Il va falloir être très psychologue avec les joueurs pour tirer le maximum de leurs capacités. Et c'est le rôle du staff technique. On ne doit pas convoquer un joueur qui n'a disputé qu'un match en 10 journées de championnat. Car, on ne pourrait jamais lui faire retrouver les qualités physiques nécessaires pour des rencontres de haut niveau. Car les qualités techniques ne se perdent pas, c'est évident. En tous les cas, je reste bien optimiste pour la suite du parcours de notre sélection nationale dans les éliminatoires du Mondial 2014.