Algérie

Le choix de Kaïs Saïed



Le président tunisien Kaïs Saïed se rend, aujourd'hui, en Libye pour une relance de la coopération avec un partenaire économique majeur, au lendemain de la mise en place à Tripoli d'un Conseil présidentiel et d'un gouvernement d'union nationale dont la création avait été balisée par la tenue du Forum de dialogue politique libyen à Tunis, en décembre dernier. La dernière visite d'un chef d'Etat tunisien dans le pays voisin remonte à 2012 et c'est dire combien la présence du président Saïed va au-delà du «soutien de la Tunisie au processus démocratique en Libye», comme indiqué dans le communiqué de la Présidence, le pays du jasmin traversant une crise aiguë à la fois socio-économique, sanitaire mais aussi et surtout politique avec le blocage dont souffre le gouvernement Hichem Mechichi qui, contesté par le chef de l'Etat, n'a toujours pas prêté serment, deux mois après avoir obtenu le vote de confiance de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).C'est une situation d'autant plus inédite que le chef d'Etat tunisien va rencontrer le Premier ministre libyen Abdelhamid Debeibah qui vient tout juste de prêter serment, lundi dernier, avec son équipe gouvernementale, devant le Parlement réuni à Tobrouk. Un événement qui est venu contredire les pronostics pessimistes sur les antagonismes entre les milices de la Tripolitaine et celles de la Cyrénaïque. Si le communiqué de Carthage ne dit pas qui sera l'interlocuteur du président Saïed, le protocole veut que al Manfi, nouveau président du Conseil présidentiel, soit à l'accueil de l'hôte tunisien, accompagné, sans doute, par Debeibah. Tout en les félicitant du succès du processus de transition en cours et en les assurant du soutien indéfectible de la Tunisie, le président Kaïs Saïed espère, de toute évidence, ne pas rentrer les mains vides. La Libye reste, en effet, un partenaire essentiel de la Tunisie dont elle recevait, avant le Printemps arabe de 2011, la majeure partie de la production agroalimentaire et les matériaux de construction. C'est aussi grâce aux fonds libyens que le secteur informel tunisien s'approvisionne en biens de consommation à bas prix. De plus, les travailleurs tunisiens en Libye se chiffraient par milliers, avant la fermeture des postes frontières, pour cause de pandémie.
Les liens entre Tunis et Tripoli sont denses et forts, et le président Béji Caïd Essebsi, depuis 2014 et jusqu'à son décès, recevait, à maintes reprises, les dirigeants libyens tels que Fayez al Serraj et le maréchal Khalifa Haftar.
Pendant que le président Kaïs Saïed va s'efforcer de relancer la mécanique des échanges, à un moment où son pays souffre d'une crise multiforme dramatique, Tunis continue de vivre au rythme de polémiques et de manifestations diverses. Lundi, les députés du parti islamiste El Karama, membre de la coalition avec Ennahdha et Qalb Tounes, ont été chassés par des syndicats sécuritaires de l'aéroport Tunis-Carthage où ils tentaient d'imposer le voyage d'une dame fichée S17.
Le chef du bloc parlementaire et un autre député n'ont pas hésité à humilier les agents de la police des frontières, et une information a été ouverte par le parquet de Tunis.
De son côté, la pasionaria de l'ARP, chef de file du parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, continue de défier la troïka, au sein du Parlement, où elle avait été autorisée à organiser un sit-in, avant d'en être délogée manu militari. La «lionne farouchement anti-islamiste» a beau subir l'intox et la calomnie, elle ne démord pas dans sa dénonciation d'un «Etat gangrené», à la grande satisfaction de la majorité silencieuse tunisienne. Et le PDL a le vent en poupe, selon les sondages qui le donnent en train de bousculer Ennahdha.


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