Algérie

Le chemin vers la foi selon saint Augustin



Le chemin vers la foi selon saint Augustin
Le diable tend le livre des vices à saint Augustin, par Michael Pacher (1483).

Domaine public/Wikimedia Commons/The Yorck Project



Né au IVe siècle, le futur saint Augustin est un Romain d'Afrique. Comment est-il devenu l'un des pères de l'Eglise, quelles ont été ses années de formation, quelle a été l'influence de sa mère? De 354 à 430, le parcours d'un des plus grands penseurs chrétiens.

Né en 354 à Thagaste en Numidie (aujourd'hui Souk-Ahras, en Algérie, près de la frontière tunisienne), Augustin est un Romain d'Afrique. Sa langue maternelle est le latin. L'influence du père, Patricius, petit-bourgeois aux maigres ressources et assez indifférent aux choses de l'esprit, semble avoir pesé de peu de poids dans la formation d'Augustin, comparée à celle de la mère, Monica, fervente chrétienne, dont la figure idéalisée deviendra dans les Confessions l'instrument même de la grâce, et au mérite de laquelle Augustin estimera devoir tout ce qu'il est1. 'C'est que j'étais encore enfant quand j'avais entendu parler de la vie éternelle, promise par l'humilité du seigneur notre Dieu. [...] C'est que j'étais déjà signé du signe de sa croix, et déjà imprégné de son sel dès la sortie du sein de ma mère qui mettait tant d'espoir en toi2.'

Le tableau qu'Augustin nous a laissé de ses premières années évoque un écolier rétif aux exercices et à la discipline scolaires de son temps: 'Je n'aimais pas l'étude des lettres, et d'y être contraint m'était odieux3.' De manière générale, l'enfance, âge de la dépendance à l'égard des adultes et de la quête désordonnée de la liberté et des plaisirs, sera toujours pour Augustin le symbole par excellence de la misère de notre condition. 'Qui ne serait horrifié, qui ne préférerait la mort, si on lui offrait de subir soit la mort, soit à nouveau l'enfance? Elle qui fait commencer la vie non par des rires mais par des pleurs, elle annonce en quelque sorte, et sans le savoir, dans quels maux cette vie vient d'entrer4.'



Les sortilèges de la liberté

Les années d'adolescence laisseront à Augustin le souvenir d'une période propice à tous les débordements. Un larcin commis en compagnie de jeunes garnements désoeuvrés passera à la postérité à travers le récit qu'en feront trente ans plus tard les Confessions: 'Il y avait, proche de nos vignes, un poirier, chargé de fruits qui n'étaient alléchants ni par l'apparence, ni par leur saveur. Entre jeunes vauriens, nous allâmes secouer et dépouiller cet arbre, par une nuit profonde - après avoir, selon une malsaine habitude, prolongé nos jeux sur les places - et nous en retirâmes d'énormes charges de fruits. Ce n'était pas pour nous en régaler, mais plutôt pour les jeter aux porcs [...] L'important pour nous, c'était le plaisir que pouvait procurer un acte interdit5.'

En 371, les parents d'Augustin, qui nourrissent pour lui les plus grandes ambitions, l'envoient poursuivre ses études à Carthage, capitale de la province. Il a tout juste seize ans. Dans la grande ville - la troisième de l'Empire après Rome et Constantinople - le jeune provincial donne libre cours à sa fougue et à ses désirs. Le théâtre le ravit 'avec ses représentations pleines des images de [ses] misères, aliments du feu qui [le] dévorait6'. Mais il s'étonne que 'l'homme [y] veuille souffrir au spectacle de faits douloureux et tragiques, dont il ne voudrait pourtant nullement pâtir lui-même', et l'illusion théâtrale lui inspirera des réflexions qui évoquent Diderot et son paradoxe du comédien7. Dans cette ville, où 'partout autour de [lui] crépitait la chaudière des honteuses amours', Augustin mène une existence très éloignée de son ascèse ultérieure, mais sans doute moins dissolue au fond qu'on ne pourrait l'imaginer à la seule lecture du jugement peu amène que lui-même portera rétrospectivement sur ces années, où il était, dira-t-il, 'amoureux de l'amour': 'Je n'aimais pas encore, j'aimais à aimer. Un besoin plus secret me faisait me haïr d'avoir moins de besoin [...] Aimer et être aimé, c'était plus doux pour moi si je pouvais jouir du corps de l'être aimant [...] Vers l'amour je courus, désireux d'être pris [...] Heureux d'être lié dans un noeud de misères, pour me laisser meurtrir, au feu, par des verges de fer : jalousies et soupçons, peurs, colères et rixes8.'

Comme le note l'un de ses biographes, 'loin d'être, comme l'ont imaginé certains auteurs, un libertin converti à trente-deux ans après une jeunesse d'une sensualité débridée, Augustin fut en réalité un jeune homme qui avait mis fin avec une dangereuse rapidité aux ardeurs bouillonnantes de son adolescence9'. Il rencontre à cette époque la femme qui sera sa compagne pendant quinze ans, avant d'être congédiée sous la pression de sa mère, Monica, qui rêve d'une plus noble union pour son fils. Elle lui donne un fils, Adéodat. Augustin a dix-sept ans et va connaître sa première conversion.





Cicéron et le souverain bien :

Un livre joue un rôle décisif dans cette évolution spirituelle du jeune étudiant en rhétorique: un dialogue aujourd'hui perdu de Cicéron, l'Hortensius, destiné à convaincre de la nécessité de se consacrer à la recherche et à l'amour de la sagesse. Cette lecture est une véritable révélation. Elle 'changea mes sentiments, dira-t-il, rendant tout autres mes voeux et mes désirs. Soudain s'avilit à mes yeux toute vaine espérance; c'est l'immortalité de la sagesse que je convoitais dans un incroyable bouillonnement du coeur10'. Augustin datera de ce jour sa vocation philosophique et le début de sa longue marche vers Dieu: 'J'avais commencé à me lever pour aller vers toi11.' Augustin hérite de la tradition philosophique de l'Antiquité, transmise par Cicéron, l'idée d'un souverain bien, fin ultime de toute vie humaine et seul susceptible de nous procurer un bonheur sans partage. Reste toutefois à savoir en quoi consiste ce souverain bien. Car 'alors que cette même volonté d'attraper et de retenir le bonheur est présente en tous, l'étonnant est qu'il en découle une si grande variété et contrariété des volontés touchant au bonheur: non qu'il arrive qu'on ne le veuille pas, mais tous ne le connaissent pas12'. Force est en effet de constater que, fugitifs et instables, les biens de la possession desquels nous escomptons généralement le bonheur nous plongent dans une inquiétude sans fin. Car 'si l'on peut perdre ce que l'on aime, peut-on être sans crainte? [...] Or, les biens liés à la fortune peuvent être perdus. Donc celui qui les aime et les possède ne peut en aucun cas être heureux'. Seul pourra par conséquent nous rendre heureux 'ce qui est toujours subsistant, indépendant de la fortune et soumis à nul hasard13'.

Cette recherche ne va toutefois pas sans tâtonnements. Augustin croit d'abord trouver la réponse à ces questions dans le manichéisme, cette religion d'origine babylonienne qui exonère l'homme de toute responsabilité, en faisant procéder le bien et le mal de deux principes antagonistes, la lumière et les ténèbres. Il sera pendant neuf ans un sectateur de cette doctrine, pris au piège, dira-t-il, de ceux qui, tels les oiseleurs, 'posent leurs gluaux au bord d'une mare pour attraper les oiseaux altérés14'. Mais, quelle que soit l'habileté de ces 'hommes à l'orgueil délirant', l'attrait d'Augustin pour le manichéisme tient avant tout à la réponse qu'il croit y trouver à une question qui ne cessera de le tarauder: d'où vient le mal, puisqu'il ne peut venir de Dieu, bon et donc nécessairement innocent?

'Prends! Lis!'

Professeur de rhétorique à Carthage de 374 à 383 - 'Ces années-là, j'enseignais l'art de la rhétorique, et je vendais le verbiage qui permet de vaincre, vaincu que j'étais moi-même par la cupidité15' -, Augustin est un jeune intellectuel brillant et ambitieux, qui aspire à d'autres horizons. Aussi ne tarde-t-il pas à répondre aux sollicitations d'amis qui le pressent de les rejoindre à Rome. Les adieux à sa mère sont tumultueux et le départ prend des allures de fuite. 'Comme ma mère refusait malgré tout de s'en retourner sans moi, je la persuadai, non sans mal, de passer cette nuit-là tout près de notre bateau, dans une chapelle commémorative dédiée au bienheureux Cyprien. Mais dans cette même nuit, furtivement, moi je partis et, elle, non; elle resta, à prier et à pleurer16'.



A Rome, Augustin se détache du manichéisme et se tourne vers les sceptiques de la Nouvelle Académie, chez qui il trouve un antidote au dogmatisme manichéen. Mais c'est à Milan, où il est appelé l'année suivante à une chaire de rhétorique, que vont avoir lieu les rencontres et les événements décisifs. Augustin approfondit sa réflexion philosophique au contact des milieux platoniciens et néoplatoniciens. La lecture de Plotin et celle de Porphyre font sur lui une profonde impression. Ambroise, l'évêque de Milan, lui apprend à dégager le sens spirituel de la Bible, reçue jusque-là trop littéralement.

Alors que les perspectives les plus prometteuses s'offrent à lui et qu'il est déchiré entre ses ambitions - encouragées par sa mère venue le rejoindre en Italie - et sa quête spirituelle, Augustin est libéré de ses affres dans des circonstances dont il nous a laissé le récit dans une page célèbre des Confessions17. Dans le jardin de sa maison de Milan, où il médite en compagnie de son ami Alypius, il entend une voix enfantine qui lui semble chanter: 'Tolle! Lege!', 'Prends et lis!'. 'Refoulant l'assaut de mes larmes, je me redressai, interprétant cela comme une injonction divine: tout ce que j'avais à faire, c'était d'ouvrir le livre et de lire le premier chapitre sur lequel mon regard tomberait.' Augustin ouvre le livre de saint Paul qu'il a sous la main et lit au hasard: 'Plus de ripailles ni de beuveries; plus de luxures ni d'impudicités; plus de disputes ni de jalousies. Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans les convoitises18.' La décision est prise de se convertir et de renoncer à la réussite sociale et aux honneurs. Augustin abandonne sa chaire de rhétorique et se retire à la campagne avec les siens à Cassiciacum (aujourd'hui Cassago Brianza, au nord de Milan). De cette période datent les premières oeuvres conservées d'Augustin: Contre les académiciens, De l'ordre et La vie heureuse. Dans la nuit pascale du 24 au 25 avril 387 lui et son fils reçoivent le baptême de la main d'Ambroise.

Dieu, plus intime que moi-même

La conversion est d'abord pour Augustin retour sur soi. Hors de soi et séparée d'elle-même, tant qu'elle est loin de Dieu, l'âme ne peut trouver qu'en elle le chemin qui conduit à lui. 'Ne t'en va pas au dehors, rentre en toi-même; au coeur de la créature habite la vérité19.' Faisant retour sur soi, l'âme, jusque-là 'divertie' et égarée hors d'elle à la poursuite des objets qu'elle croit susceptibles de satisfaire son désir, reprend possession de soi. Elle se souvient. La mémoire - certains diraient aujourd'hui l'inconscient - désigne, chez Augustin, tout ce qui est présent à l'âme sans être clairement connu. En elle, passé, présent et avenir coïncident : elle est ce par quoi l'esprit s'ouvre à l'éternité et se faisant memoria Dei, 'mémoire de Dieu', découvre cet obscur objet du désir vers lequel tendaient confusément tous ses efforts antérieurs. 'Bien tard, je t'ai aimée/O Beauté si ancienne et si neuve! Bien tard je t'ai aimée!/Tu étais au-dedans, moi j'étais au-dehors/Et là, je te cherchais:/Sur tes gracieuses créatures,/Tout disgracieux, je me ruais!/Tu étais avec moi; je n'étais pas avec toi,/Loin de toi, elles me retenaient,/Elles qui ne seraient, si elles n'étaient en toi.20' Se souvenir de Dieu ne signifie pas ici le retrouver comme une image passée, mais prêter attention à sa présence perpétuelle, bien que souvent inaperçue. Pascal ne dira pas autre chose: 'Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé21.'

C'est ce mouvement de l'âme découvrant au plus intime d'elle-même ce qui la dépasse infiniment - 'plus intérieur que l'intime de moi-même et plus haut que le plus haut de moi-même22' - qui animera les Confessions - rédigées entre 397 et 401 - dans lesquelles Augustin fera le récit, en première personne, de l'itinéraire spirituel qui a été le sien de l'enfance jusqu'à la conversion. Il y inaugurera un rapport inédit à soi, étranger au monde antique, qui lui a souvent valu d'être considéré comme l'inventeur de l'autobiographie. Mais il ne faut pas s'y tromper. Si Augustin se raconte, son propos n'est pas tant de se peindre dans sa singularité irréductible, comme le feront Montaigne ou Rousseau, que d'avouer ses fautes à Dieu et de porter témoignage de sa foi. Les Confessions n'en inaugurent pas moins une pratique nouvelle de l'introspection et de la connaissance de soi.

L'évêque d'Hippone

En 388, Augustin est de retour en Afrique. Il transforme la maison familiale de Thagaste en un lieu de retraite studieuse où il rassemble amis et disciples. Son rayonnement s'étend vite au-delà du cercle étroit de ses proches disciples. On le lit, on vient de loin pour le consulter ou pour l'entendre. Et en ces premiers siècles du christianisme, où les fidèles choisissent leurs évêques, Augustin, déjà plébiscité comme prêtre quelques années auparavant, devient évêque d'Hippone (anciennement Bône, aujourd'hui Annaba). Nous sommes en 395. Son existence va désormais se partager entre sa charge ecclésiastique et la rédaction d'une oeuvre immense: cent treize livres, deux cent dix-huit lettres, plus de cinq cents sermons!

Cette oeuvre jouera un rôle majeur dans l'élaboration et la définition de la doctrine chrétienne. Qu'il s'agisse du péché originel ou de la théorie de la liberté et de la grâce, Augustin contribue à en fixer quelques-uns des principaux dogmes. Cela ne va pas sans polémiques, souvent extrêmement vives. Contre le manichéisme bien sûr qu'Augustin connaît de l'intérieur pour l'avoir lui-même embrassé jadis. 'Ne vous offensez pas - dit-il aux manichéens - si je vous parle ainsi: j'aboyais autrefois moi-même; j'ai été de ces chiens dont parle l'Evangile.' Mais l'époque connaît également un foisonnement de doctrines et d'interprétations qui menacent, de l'intérieur cette fois, l'unité et l'autorité de l'Eglise. Tant dans son activité épiscopale que dans son oeuvre, Augustin s'emploie sans relâche à combattre ces hérésies.







Le combat contre les hérésies

L'une d'entre elles, le donatisme - du nom de l'évêque Donat qui l'inspire - consiste à déclarer non valides les sacrements émanant non seulement des évêques qui avaient cédé aux injonctions du pouvoir, lors de la persécution de Dioclétien au tout début du IVe siècle, et avaient accepté de livrer objets sacrés et livres du culte, mais également des prêtres ordonnés par eux, et dont les donatiens exigent qu'ils soient rebaptisés. Augustin récuse cette opposition, proche parente du manichéisme, entre les 'purs' et les traditoresà jamais marqués d'un second péché originel plus grave que le premier.

Plus redoutable encore pour la jeune Eglise est le pélagianisme. Le moine Pélage, qui refuse l'idée du péché originel et de sa transmission d'Adam à l'ensemble du genre humain, conteste la nécessité du baptême des jeunes enfants. Il défend l'idée selon laquelle l'homme est toujours libre de ne pas pécher et peut se sauver par ses seuls mérites. D'abord prêchées à Rome où elles connaissent un grand succès, ces idées se propagent bientôt en Afrique romaine, où en 410 Pélage a fui les Wisigoths. L'évêque d'Hippone va mettre toute son énergie à réfuter les idées de Pélage et de son disciple Caelestius. Nier le péché originel et fonder la vie juste sur le seul libre arbitre, comme ils l'enseignent, ne laisse plus rien à la grâce, entendue comme un secours surnaturel accordé par Dieu aux hommes par l'intermédiaire du Christ mort sur la Croix pour leur salut. Et cela revient à mettre en question la nature divine du Christ. Autrement dit, ce sont bel et bien les fondements mêmes du christianisme qui sont menacés. Pour Augustin, 'quiconque prétend que la nature humaine n'a pas besoin du médecin, le second Adam, sous prétexte qu'elle n'a pas été viciée dans le premier Adam, est convaincu d'hostilité envers la grâce divine, non dans une question où le doute et l'erreur sont permis sans atteinte à la foi, mais dans la règle même de la foi qui nous constitue chrétiens23'.

Augustin s'oppose au pélagianisme par l'écrit et par l'action. Il défend le caractère légitime de la contrainte et de la répression exercées contre les schismatiques. Pour lui, 'la persécution exercée par les impies contre l'Eglise du Christ est injuste, tandis qu'il y a justice dans la persécution infligée aux impies par l'Eglise de Jésus-Christ [...] L'Eglise persécute par amour; les impies par cruauté24.' L'hérésie pélagienne sera condamnée par les conciles successifs. Et Augustin obtient du pape l'excommunication de Pélage.





Les deux cités

En ces premières décennies du Ve siècle, l'Empire romain - scindé en deux depuis la fin du siècle précédent - est envahi de toutes parts. En août 410, Rome a été mise à sac par les troupes du roi wisigoth Alaric. L'événement a un retentissement considérable : Rome n'est ni invincible ni éternelle. Et dans les milieux cultivés attachés à la religion romaine traditionnelle se répand l'idée que le christianisme qui triomphe à Rome depuis un siècle est responsable du désastre. Dans La cité de Dieu, Augustin va s'employer à répondre à cette accusation et à laver le christianisme du reproche qui lui est ain-si fait d'être à l'origine du déclin de Rome, en montrant que les invasions barbares ont une signification positive, car elles sont une épreuve destinée à rappeler le peu de valeur des biens terrestres. La philosophie de l'histoire d'Augustin met au compte de la providence, et non des cultes païens, la gloire et la grandeur passées de Rome et interprète la chute de la ville comme un signe du caractère mortel des civilisations et des cités terrestres, face à la gloire éternelle du royaume ou de la cité de Dieu, cité spirituelle et céleste ouverte à tous les hommes qui le reconnaissent et vivent sous sa loi. Pour Augustin, l'histoire des empires ne reçoit son sens que de la providence qui fait d'eux autant de moyens destinés à permettre le triomphe de la cité de Dieu.

L'Afrique romaine, naguère havre de paix, ne restera pas longtemps à l'écart des grandes invasions. En 429, les Vandales franchissent le détroit de Gibraltar. La Numidie est envahie. Hippone est assiégée. Augustin, qui a maintenant soixante-seize ans, tombe malade. Il meurt le 28 août 430. Sa bibliothèque et ses écrits échappent miraculeusement, quelques mois plus tard, à la prise de la ville et à sa destruction.

1. 'Ma mère au mérite de laquelle je dois, à mon sens, tout ce que je suis' (La vie heureuse, I, 6, Oeuvres, La Pléiade, vol. 1, p. 92). 2. Confessions, livre I, chap. 11, Oeuvres, vol. 1, p. 793. 3. Op. cit., livre I, chap. 12, Oeuvres, vol. 1, p. 794. 4. La cité de Dieu, XXI, 14, Oeuvres, vol. 2, p. 990. 5. Confessions, livre II, chap. 4, Oeuvres, vol. 1, p. 809-810. 6. Op. cit., livre III, chap. 2, Oeuvres, vol. 1, p. 818. 7. Cf. Soliloques. II, 18, Oeuvres, vol. 1, p. 233: 'Comment cet homme [...] aurait-il été un vrai tragédien s'il n'avait pas voulu être un faux Hector, une fausse Andromaque, un faux Hercule, et autres personnages innombrables?' 8. Confessions, livre III, chap. 1, Oeuvres, vol. 1, p. 817. 9. Peter Brown, La vie de saint Augustin, Points Seuil, 2001, p. 47. 10. Confessions, livre III, chap. 4, Oeuvres, vol. 1, p. 821. 11. Ibid. 12. La Trinité, XIII, 7, Oeuvres, vol. 3, p. 592. 13. La vie heureuse, I, 11, Oeuvres, vol. 1, p. 96. 14. De utilitate credendi, 2. 15. Confessions, livre IV, chap. 2, Oeuvres, vol. 1, p. 835. 16. Op. cit., livre V, chap. 8, Oeuvres, vol. 1, p. 869. 17. Op. cit., livre VIII, chap. 12, Oeuvres, vol. 1, p. 950 sq. 18. Epître aux Romains, 13, 13. 19. De la vraie religion, chap. XXXIX. 20. Confessions, livre X, chap. 27, Oeuvres, vol. 1, p. 1006. 21. Pensées, éditions Brunschvicg, n° 553. 22. Confessions, livre III, chap. 6, Oeuvres, vol. 1, p. 825. 23. De la grâce du Christ et du péché originel, II, 34. 24. Lettre 185 à Boniface.







La double vie de Monica, mère abusive et sainte catholique

Le prénom de Monica n'apparaît qu'une fois dans l'oeuvre d'Augustin (Confessions, IX, 13 37). D'ordinaire, elle y est évoquée avec la plus grande révérence: 'ma mère, notre mère'. Bonne chrétienne d'Afrique, à seize ans on la marie à Patricius, un païen qu'elle 'servait comme un maître'. A vingt-trois ans, elle donna naissance à Augustin - elle eut aussi un autre fils, Navigius, et une fille dont le nom est inconnu, tout comme celui de sa bru, la mère du fils d'Augustin, Adéodat. Le rôle, essentiel, de Monica dans le destin d'Augustin n'est guère contesté: c'est elle qui l'a poussé à se convertir, et à renvoyer la jeune mère d'Adéodat, sans doute à ses yeux de condition trop modeste pour Augustin. Au total, Monica fut une mère assez intrusive, une mère méditerranéenne, suivant partout son fils tout au long de sa vie, sur mer et sur terre. On en oublierait presque le brave Patricius qui s'est pourtant privé pour payer à son fils de coûteuses études à Madaure et à Carthage. D'ailleurs, le récit de la mort de Monica est un moment-clé des Confessions tandis que celui du du décès de Patricius, une simple mention, en passant. J.M.





L'olivier de saint Augustin

En quelque jour de son existence, Augustin a-t-il réellement prié à l'ombre de cet olivier qui voit son tronc noueux et massif se dresser au sommet de la colline qui domine les ruines romaines de Thagaste, Souk-Ahras depuis l'indépendance algérienne? Le fait n'est pas établi - de même que l'âge de l'arbre, certainement multiséculaire, même s'il est admis qu'il se rencontre des oliviers vieux de près de trois mille ans - mais la légende le veut. Présumé survivant des occupations successives (romaine, vandale, byzantine, arabe, ottomane, française), l'olivier est une curiosité touristique. D'autant plus précieuse que, après que des islamistes ont tenté de le brûler, la municipalité a pris soin de le protéger avec le concours d'une autre ville: Ostie, en Italie, où s'est éteinte Monica, fille de Thagaste. Ph.D.





La sexualité du péché originel

Savoir si Augustin a inventé la doctrine du péché originel, inclination au mal qui se transmet de génération en génération, demeure une question controversée. Contrairement à Origène et à quelques autres qui sont allés jusqu'à la mutilation, Augustin distingue la concupiscence héritée de la faute d'Adam (et qui affecte les enfants, d'où la nécessité du baptême) de la concupiscence sexuelle qui se réveille à la puberté. La procréation est bonne et elle n'aurait pas, avant la chute, propagé le péché originel. Augustin, qui croit à la résurrection des corps et au corps porteur de Dieu, n'est donc pas de ces contempteurs du corps qui, tels les manichéens, y voient l'oeuvre d'un principe mauvais. L'homme est une personne, un tout, âme et corps, et 'nul n'a jamais haï sa propre chair' (Paul, Epître aux Ephésiens, 5, 29). L'instinct génésique n'est donc condamnable que parce qu'il pèche contre l'esprit, en séparant l'âme du corps, en instrumentalisant le plaisir d'organe hors de tout respect de l'intégrité de la personne d'autrui. La vraie 'faute' de DSK et de tant d'autres, avant et après lui, serait moins d'avoir trahi la confiance de ses proches que de l'avoir oublié. J.M.







Face aux manichéens, donatistes et pélagiens

Mani (216 - 277) Auteur d'une gnose sophistiquée, lui et ses disciples dont Faustus qui, loin de justifier sa brillante réputation, se montrerait à Augustin sous un jour falot, soutenaient que le monde est dominé par deux principes éternels d'égale puissance: Lumière et Ténèbre. Dégrisé, Augustin jugea leur cosmogonie aussi fumeuse que le projet de capter les éclats de lumière dispersés dans le monde.

Donat (mort en 355) Le donatisme est un schisme. Sa violence faillit emporter l'Eglise d'Afrique. Il est né de la volonté d'épurer, au sortir d'une persécution (303-305), ceux qui, pour avoir livré les Ecritures saintes et des objets du culte, passaient pour apostats. S'ensuivit une contestation de la validité des sacrements. Cécilien, évêque de Carthage, en fit les frais au motif que l'un des trois évêques qui l'avaient consacré aurait cédé aux autorités. Rome donna tort à Donat (313), mais les donatistes poursuivirent. Enquêtant sur le cas de Cécilien, Augustin prouva la fausseté de l'accusation et, plus inattendu, qu'un accusateur s'était compromis avec des agents de la persécution. Sur le fond, il soutint que ce n'est pas la sainteté du ministre qui fait la validité du sacrement, mais le Christ. L'Eglise n'est pas réservée aux gens purs, elle accueille 'les bons et les méchants'.

Pélage (350 - 420 ?) rejette le péché originel et la grâce. Il suffit d'imiter le Christ, d'exercer son libre arbitre et sa volonté bonne. Baptiser les jeunes enfants est vain. Augustin rétorque 'qu'aucun homme ne peut être sauvé par ses mérites et sa force propre'. (Sermon Dolbeau, 30, 2). Ph.D.


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