L'enclin de ces jeunes pour la justice est extraordinairement marqué. Ils n'hésitent pas à se ranger du côté de leur adversaire dès qu'ils voient qu'il est opprimé, roulé ou spolié de ses droits.Ma grand-mère n'est pas sortie de Harvard et je ne me souviens pas qu'elle m'ait dit un jour avoir fait la Sorbonne, non plus. Pourtant elle était consciente que le changement, dans tous les domaines, est une fatalité et, mieux encore, elle me disait souvent que, comme dans notre vie il y a les choses et l'illusion des choses, notre bonheur dépend de la part du réel dans ce que nous concevons, percevons ou croyons voir. Un jour, dans un moment de répit lors de sa dernière maladie, elle me glissa à l'oreille qu'il n'y a pas que la vue qui peut être bernée par les illusions et que le cerveau et l'intelligence ont, eux aussi, leurs égarements.Grand-mère est décédée depuis des années mais ses paroles sont toujours là, frappantes de bon sens et brûlantes d'actualité. Non seulement le besoin de changement se fait sentir à travers toute la planète mais il se fait pressant. Les hommes d'aujourd'hui n'ont pas la patience de ceux d'hier. Ils n'ont pas le même degré d'attachement aux choses, ni la disposition à exécuter les ordres sans discuter parce qu'ils ont une autre compréhension de la légitimité. On les appelle les «whyers» (ceux qui demandent pourquoi), on les appelle aussi la génération Y (Y generation en anglais).Prompts à partir pour le seul plaisir de tenter de réussir, lorsqu'ils décident de quitter les lieux, ils n'attendent même pas que le jour se lève, que les conditions s'y prêtent ou que la saison soit propice. Ils n'en font qu'à leur tête. La plupart de nos harraga sont des whyers (des Y). Des jeunes qui se jettent à l'eau rien que pour ne pas rester là où ils ne se sentent pas à l'aise.Toujours prête à rejeter l'ordre et le commandement, cette génération est connue pour sa remise en cause de la légitimité des chefs à tous les niveaux car, le poste n'est pas un critère suffisant à ses yeux pour commander. Elle croit surtout à la compétence et aux aptitudes. C'est cette génération qui a été l'initiatrice de ce qu'on appelle vulgairement le «printemps arabe». De la Tunisie à l'Egypte en passant par les autres pays, ce sont les jeunes de la génération Y qui ont entamé les manifestations, les marches et qui ont mené les «révolutions».L'enclin de ces jeunes pour la justice est extraordinairement marqué. Ils n'hésitent pas à se ranger du côté de leur adversaire dès qu'ils voient qu'il est opprimé, roulé ou spolié de ses droits. Fervents défenseurs de la liberté, ils rejettent la dictature et les semblants de démocratie. Ce qu'il y a de dangereux chez cette génération c'est que, arrivée à l'ère de l'Internet, elle est l'habituée de la rapidité et n'aime pas que les choses traînent. Lorsqu'elle désire quelque chose, elle veut l'avoir aussitôt.A elle seule, cette génération constitue le quart de la population. Et alors que, partout ailleurs, les gens ont cessé de dormir pour essayer de trouver les méthodes de management adéquates pour ces jeunes d'un type nouveau qui rejettent tout sur leur passage, chez nous on garde le même discours, celui des années 1960, pour leur parler de flambeau, de l'avenir, de l'amour du pays, du sacrifice et de la légitimité. Ce discours-là ne passe plus, il faut le savoir.Les jeunes de la génération Y, qui n'ont connu ni la guerre d'indépendance ni le terrorisme parce qu'ils n'ont vécu ni l'une ni l'autre, ne reconnaissent pas la légitimité historique et rejettent les responsables incompétents. Pour les retenir, il faut faire preuve d'intelligence, d'aptitude et de bonne volonté. Or, ce n'est pas ce qui court les rues chez nous malheureusement. Chez nous, première, la médiocrité est une condition pour glisser vers le haut et l'incompétence est la saveur des lieux.Le changement est vital pour que la nature continue à respirer, pour que les hommes continuent à espérer, pour que la vie continue son chemin. Pour que la jeunesse s'attache à son pays, pour qu'elle refuse d'écouter les sirènes du malheur, pour qu'elle puisse faire quelque chose pour le pays, le changement s'impose et plus rien ne justifie le non-changement qui semble vouloir être notre fatalité. Il faut être sénile ou alors il faudrait que notre intelligence soit leurrée par quelques illusions, comme disait ma grand-mère, pour pouvoir croire que l'on puisse continuer ainsi.
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Posté Le : 22/02/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aissa HIRECHE
Source : www.lexpressiondz.com