Algérie

"Le changement de système, une exigence historique"


La salle de cinéma 8-Mai-1945 de la ville de Kherrata était pleine à craquer mercredi soir, lors de la conférence-débat animée par quatre personnalités nationales, à savoir Karim Tabbou, Mostefa Bouchachi, Nacer Djabi et Samir Belarbi, autour de la crise politique que traverse le pays. Organisée par un collectif citoyen local à l'occasion de la commémoration du 74e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, cette rencontre-débat a permis aux conférenciers de faire le point sur les derniers développements de la scène politique nationale et d'esquisser une vision sur l'avenir du mouvement populaire dont l'étincelle est partie de cette ville historique, Kherrata.Le premier à intervenir devant une foule nombreuse sera le fondateur de l'Union démocratique et sociale (UDS), Karim Tabbou, venu en compagnie de ses parents (son père et sa mère). "Je considère que la priorité aujourd'hui est de continuer à se battre et à résister pour arracher ce pays des mains de la îssaba (bande) qui l'a pris en otage et qui ne veut pas lâcher. Ce combat demande plus d'engagement, de sacrifices et d'endurance. Nous avons le devoir de nous battre pour reprendre en fait le droit de décider de nos propres affaires. Une fois ce droit acquis, la compétition démocratique permettra à tout un chacun de faire valoir ses idées, son programme ou son projet de société. En somme, le changement de système est une exigence historique en Algérie", a-t-il déclaré sous un tonnerre d'applaudissements. Par ailleurs, M. Tabbou dénonce ce qu'il qualifie d'"embargo médiatique" dont il serait victime depuis la publication de la lettre qu'il a adressée au chef d'état-major de l'armée. "Et pourtant, je n'ai rapporté que ce que pensent tout bas les Algériens. Ces derniers pensent que le général Ahmed Gaïd Salah, qui leur a promis de soutenir le mouvement populaire, a fini par recourir à des man?uvres visant à casser cette dynamique citoyenne. Le peuple constate aujourd'hui que ce vice-ministre de la Défense nationale est là pour servir le pouvoir en place et non pas les citoyens. Pour preuve, il a imposé un chef de l'Etat rejeté par la majorité des Algériens, mis en place une disposition constitutionnelle également contestée par le peuple et compte organiser une élection présidentielle contre la volonté populaire, afin de permettre au pouvoir de se régénérer. Cela démontre à plus d'un titre qu'il cherche à sauver le système, quitte à en sacrifier une partie", a-t-il soutenu. L'orateur regrette, au passage, l'attitude de certains médias qui, selon lui, "continuent malheureusement à obéir à la logique d'ordre et d'instruction d'en haut". Avant de rappeler que "l'un des objectifs majeurs de ce mouvement populaire est la libération de la pensée, de la parole et de la presse. Car le champ médiatique constitue un pilier dans la construction démocratique. Autrement dit, sans une presse libre, on ne pourra pas parler de démocratie". Le célèbre avocat et parlementaire démissionnaire du FFS, Me Mostefa Bouchachi, aura droit, lui aussi, à un accueil très chaleureux de la part de son auditoire. Ne voulant pas laisser passer sous silence cet événement historique du 8 Mai 1945, Me Bouchachi rappellera d'emblée à l'assistance le sort réservé par les tenants du pouvoir à son initiative politique visant à réhabiliter la mémoire des victimes des massacres commis par l'armée coloniale à Sétif, Guelma et Kherrata. "Lorsque j'étais député, j'ai été interpellé par les responsables de la Fondation 8-Mai-1945 à l'effet d'engager une proposition de loi qui reconnaîtra enfin le statut de martyrs aux victimes tombées à l'époque. J'ai été surpris par la réponse négative du ministre des Moudjahidine d'alors, qui m'avait fait savoir que seules les victimes de la Révolution, entre le 1er Novembre 1954 et le 19 Mars 1962, sont considérées comme des martyrs", a-t-il déploré. Abordant la situation politique nationale, ce défenseur des droits de l'Homme remonte au début de la révolte populaire née le 16 février à Kherrata, rappelant que "le peuple algérien a été poussé à sortir dans la rue par ce sentiment d'humiliation qu'il éprouvait depuis déjà quelques années. C'est un peuple révolutionnaire qui refuse d'être gouverné par un cadre et par une caste qui ont détruit tout un pays. On a tout fait pour faire fuir nos meilleurs enfants à l'étranger. Certains d'entre eux ont été contraints à recourir à l'émigration clandestine au risque de leur vie". Pour l'orateur, l'objectif principal du mouvement populaire est de barrer la route au 5e mandat et libérer l'Algérie d'un régime dictatorial.
"Une période de transition allant de neuf à douze mois sans Bensalah, ni Bedoui."
"À ceux qui veulent détourner ce mouvement de sa trajectoire, au nom du respect de la Constitution, nous leur disons aujourd'hui que le peuple n'est pas prêt à renoncer à son combat pacifique. Qu'ont fait ces gens-là lorsque la Constitution a été violée des dizaines de fois ' Pourquoi n'ont-ils pas empêché la candidature de l'ex-président à un 4e mandat puis à un 5e '", a-t-il martelé, avant d'enchaîner : "Nous allons continuer à nous battre jusqu'à la chute du régime. Nous voulons une période de transition allant de neuf à douze mois, sans Bensalah, ni Bedoui." Dénonçant l'entêtement du pouvoir à aller jusqu'au bout de sa logique, en se référant aux propos contenus dans le dernier éditorial de la revue El Djeïch, Me Bouchachi plaide pour "une Présidence collégiale ou un gouvernement d'union nationale, genre HCE, qui aura à gérer la période de transition devant être couronnée par la tenue d'une élection présidentielle ouverte et transparente". Pour sa part, le sociologue Nacer Djabi a tenu à mettre en exergue le rôle des jeunes dans l'engagement pour un changement démocratique en Algérie. À ce titre, il citera le cas des jeunes de la wilaya de Boumerdès qui ont rejoint la capitale à bord d'une embarcation de fortune, contournant les barrages des services de sécurité, pour prendre part à la marche de vendredi. Le conférencier considère qu'"aujourd'hui, il y a un éveil des consciences chez la jeunesse algérienne, alors que les derniers sondages estimaient que le taux d'intégration des jeunes de moins de 35 ans dans les partis politiques ne dépassait pas 1%".
KAMAL OUHNIA
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