Algérie

Le changement de régime inévitable en Turquie



Mission accomplie pour l'AKP du Premier ministre turc sortant, Recep Tayyip Erdogan. Non seulement, ce parti conserve le pouvoir qu'il exerce depuis 2002, ce qui est rare en Turquie, mais sa victoire est tout de même écrasante avec 326 sièges, une majorité absolue qui lui permet de gouverner seul. Mais ce troisième tour dans le parcours, jusque-là sans faute, de l'AKP n'est pas au niveau des ambitions ouvertement affichées par son leader. Erdogan a un autre projet, celui d'être le prochain chef de l'Etat turc, dans le cadre d'un régime présidentiel qui sera consacré par une nouvelle Constitution. Non seulement, ce sera, en effet, la première fois qu'un président turc sera élu au suffrage populaire, mais ses prérogatives n'auront rien de protocolaire. Ce sera alors la grosse déception de Tayyip Erdogan qui a réellement ratissé large, surtout dans le voisinage de la Turquie. C'est son coup de colère contre les organisateurs du sommet économique de Davos, et le président israélien Shimon Peres. Et ensuite ses fortes critiques contre Israël qui avait attaqué une flottille humanitaire destinée aux Palestiniens de Ghaza soumis à  un blocus israélien. L'opinion attendait plus que de la simple colère de la part de la Turquie liée à  Israël par un accord stratégique, conclu en 1996 par un précédent gouvernement islamiste. Autant dire qu'Erdogan s'est forgé une image dans la région, tandis que son pays y confortait ses positions économiques. L'économie est d'ailleurs l'un des points forts des deux mandats précédents.
On se rappelle qu'il s'était alors emparé du pouvoir sur la base d'un programme extrêmement simple, celui de la lutte contre la corruption, et d'ailleurs sa couleur était le blanc. Il a remis en marche l'économie turque jusqu'alors dominée par les faillites et les scandales, en en faisant la seizième au monde, avec un taux de croissance de près de 9% unique sur le vieux continent. D'un autre côté, le revenu par habitant a triplé durant la même période. Au plan politique, le bilan est tout aussi intéressant, puisque l'AKP a réussi à  investir certaines sphères jusque-là réservées, sinon, qu'il s'en est tout simplement emparé.
Une belle revanche, diront certainement un jour de lui ses biographes, pour avoir été interdit d'élection en 2002, tandis que son parti était souvent proche de l'interdiction en 2002, et de la dissolution en 2008. Dans sa première réaction, Erdogan a surtout relevé que son parti a gagné en audience avec quelques millions de voix supplémentaires, alors que beaucoup craignaient l'usure du pouvoir, et ce monopole de fait qu'il exerce.
A l'inverse, l'opposition engluée parfois dans de gros scandales n'arrivait pas à  se positionner comme une alternative crédible, révélant son incapacité à  remonter la pente au bas de laquelle elle se trouve depuis bien avant 2002. Erdogan regrettera l'absence de succès total, puisqu'il n'obtient pas le nombre de sièges requis (330 élus sur les 550 que compte le Parlement) pour convoquer un référendum constitutionnel.
Erdogan a lui-même pris acte du message transmis par les électeurs turcs en annonçant qu'il allait travailler à  dégager un consensus avec ses opposants pour donner au pays une nouvelle Constitution. Le principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, centre-gauche), obtient 25,9 % des suffrages (135 sièges) et la troisième force politique du pays, le Parti du mouvement nationaliste (MHP), est créditée de 13,1 % des voix (54 sièges). Au sein de son propre parti, les réticences sont fortes.
L'intelligentsia libérale, qui soutenait au début l'AKP, se veut vigilante, n'hésitant pas à  affirmer que «la République présidentielle peut àªtre dangereuse dans un pays devenu une démocratie depuis à  peine un demi-siècle».
 


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