Algérie

Le chahid Djerboua, un combattant de la première heure


Le chahid Djerboua, un combattant de la première heure
La révolution algérienne restera toujours une histoire à la richesse infinie et aux péripéties insoupçonnables, dont les acteurs connus et le plus souvent méconnus, voire inconnus, auront été des véritables artisans de sa portée, de ses succès, de son retentissement jusqu'à la libération finale du pays. Le chahid Djerboua Saâd dit Hadj Saâd, né en 1908 au douar Siouf relevant de la localité de Derreg, dans la daïra de Ksar El-Boukhari (Médéa), est issu d'une famille composée du père Madani, de la mère Mir Halima, de trois frères et d'une s'ur.
Le père Madani travaillait comme ouvrier agricole (khemmas) chez un de ses cousins, mais à cause des conditions de vie difficiles et de la famine qui sévissait à cette époque, la famille a été contrainte de quitter la région à la recherche d'une vie meilleure et s'est rendue à Miliana qui offrait des possibilités de main-d''uvre durant la saison des vendanges et à la mine de Zaccar. A cette époque, le père contracta une maladie grave qui l'a contraint à garder le lit jusqu'à sa mort, alors que le fils Saâd était âgé à peine de 10 ans, ce qui a plongé davantage la famille dans la misère et le désarroi, l'obligeant à trouver refuge à la maison des nécessiteux de Miliana (Dar el-massakine). Après quoi, la famille est retournée à sa région natale, où les conditions de vie se sont empirées surtout après le décès de la s'ur unique de Saâd, en raison de la famine qui continuait à sévir. Devant cette situation, les membres de la famille ont été obligés de reprendre de nouveau le chemin de l'exode vers Alger, où ils se sont installés au début des années 1920 dans une cave à la rue du Delta, dans La Casbah. Pendant ce temps, la mère, dont l'état de santé ne cessait de se détériorer, a été ramenée au douar Siouf, où elle mourut et inhumée. Après la mort de leur mère, les frères Hamed, Saâd et Mohamed ont été pris en charge par leur tante maternelle, originaire du douar Siouf, qui avait également rejoint la capitale après le décès de son époux en 1928. La vie du chahid Saâd travaillait comme portefaix puis comme marchand de fruits et légumes avant de devenir propriétaire de plusieurs biens immobiliers au centre d'Alger. Mettant à profit cette situation, il a pu réunir ses frères et quelques proches de sa famille qu'il incitait au travail et à l'adoption d'un comportement irréprochable, leur conseillant de ne pas gaspiller leur argent et de faire des économies. Faisant preuve de solidarité, il ouvrit un registre à son niveau sur lequel il consignait toutes les sommes d'argent que les gens de sa région lui confiaient, les encourageant à acheter des biens, investir dans le commerce, acheter ou louer des locaux et autres. Toutes les rencontres avaient lieu au niveau du café El-Houamed, sis rue Marengo, à La Casbah, à proximité du mausolée de Sidi Abderrahmane Taâlibi.Bien que Saâd était un illettré, il faisait des efforts pour apprendre à lire et à écrire l'arabe et le français, conseillant les gens de faire de même et d'être fidèles à la religion musulmane réservant un local à Fontaine Fraîche (Tagarins) à Alger-Centre, utilisé spécialement pour la récitation du Coran et l'apprentissage de la langue arabe aux enfants et aux adultes, engageant un enseignant, Si Mohamed Charef, devenu par la suite imam de la Grande Mosquée d'Alger. Eu égard aux sentiments religieux qu'il nourrissait, il décida d'effectuer le pèlerinage à la Mecque en 1952 par bateau. D'une forte corpulence, il pratiquait dans sa jeunesse la boxe et a participé à plusieurs galas. Son adhésion au mouvement nationaliste L'emplacement stratégique du café-restaurant qu'il possédait au centre même de La Casbah, berceau du mouvement nationaliste du temps du PPA, de l'Association des oulémas musulmans, de l'Organisation secrète (OS) et du MTLD et le lieu d'implantation de l'école franco-musulmane (medersa) distante de quelques mètres seulement, était fréquenté par les étudiants de cette école. Certains sont devenus après l'indépendance des cadres de la nation. C'est dans ce milieu plein de dynamisme et de sentiment patriotique que Saâd a fini par offrir son aide et son appui à certains chefs historiques de la révolution, dont Mohamed Boudiaf, membre de l'OS recherché par les services de police français. Saâd l'hébergeait clandestinement dans une habitation à Bouzaréah. Le café de Saâd était un fief de la révolution et un lieu de rendez-vous, de contacts et de rencontres pour de nombreux chefs historiques, tels que Benyoucef Benkhedda, Rabah Bitat, Abderrahmane Kiouane, Hocine Lahouel, Mohamed Hamada, Djillali Reguimi, Mustapha Dahmoun, Abderrahmane Hadj, Ahcène Laskri, Arezki Louni, Boudjemâa Souidani, Mohamed Taleb, Omar Hamza, Rabah Zaâf, Cherif Debbih, Ali la Pointe, Fateh Zerari, Noureddine Chaïbi, Saïd Mecheri, les frères Bouabeche, les frères Lafer, les frères Amrani, Saïd Granaïsi, Boualem Hamrane, Ahmed Hattab Pacha, Ali Besbas et autres. Saâd entretenait des contacts soutenus avec Ahcène Laskri, Arezki Louni, Boudjemâa Souidani et Saïd Granaisi, un ex-condamné à mort, à l'origine du réseau de poseurs de bombes d'Alger avec Baya Hocine. En dehors de ses activités dans la capitale, il jouait un rôle dynamique en se chargeant d'assurer les contacts entre la capitale et plusieurs régions de la wilaya IV, où son rôle consistait à instaurer la coordination entre la base et les commandements de la révolution ainsi que l'ensemble des postes de l'ALN. Les forces coloniales ne sont pas parvenues à l'identifier et à l'arrêter malgré le démantèlement de plusieurs cellules dans la capitale et l'arrestation d'un grand nombre de responsables, tels que Ali la Pointe et Arezki Louni, qui étaient en contact avec lui. Grâce à sa détermination, il a continué à contribuer dans la lutte armée sans éveiller les soupçons des autorités coloniales en procédant à l'embrigadement et au recrutement de jeunes parmi les intellectuels pour les diriger vers les maquis de Palestro, Theniet El-Had et Djebel Louh où, après avoir reçu une formation militaire, ils étaient affectés dans les différentes katibate de l'ALN. Grâce au soutien logistique qu'il apportait à partir d'Alger, il assurait les besoins des combattants en armement, munitions, effets vestimentaires, médicaments et argent. Les circonstances de son arrestation Son arrestation a eu lieu sur la base de renseignements fournis par un indicateur aux forces ennemies, suite aux aveux de personnes arrêtées dans la région de Sebt-Aziz (wilaya de Médéa), obtenus sous la torture au deuxième bureau de la SAS dirigé par le capitaine Baudouin, aidé par un harki surnommé Larabi qui pratiquait la torture. Les informations recueillies vers la fin de 1959 faisaient état de la présence d'un café à La Casbah servant d'état-major à l'ALN à partir d'où s'organisaient les contacts, le recrutement et la préparation de colis de marchandises de toutes natures dont des médicaments expédiés vers les maquis de Djebel Louh à partir du douar Siouf. Des recherches ont été alors déclenchées en vue d'identifier le local en question, en vain. Saâd a donc pu poursuivre ses activités jusqu'au jour où l'ennemi a réussi à obtenir sur renseignement son identité et qui s'est avéré être une personne au-dessus de tout soupçon pour les autorités coloniales au niveau d'Alger, en raison des précautions qu'il prenait à chaque fois et son esprit de vigilance. A partir des renseignements obtenus, les éléments de l'armée coloniale se sont rendus à Alger et, avec l'aide du détachement des zouaves implanté non loin de son café, Saâd Djerboua a été arrêté dans son local commercial le 26 décembre 1959 à 9 heures puis conduit à l'unité des zouaves à La Casbah, où il a été torturé quatre jours durant avant d'être transféré vers un autre endroit gardé au secret, sans laisser filtrer aucune information sur son lieu de détention, compte tenu de l'importance de la prise opérée et le rôle dangereux de Saâd durant toutes ces années. Deux de ses fils en bas âge ont pu lui rendre visite pendant sa détention au détachement des zouaves et s'entretenir avec lui à travers une lucarne de sa cellule à La Casbah, confirmant ainsi que la dénonciation est partie de sa région natale, faisant état que son café était utilisé comme état-major pour les membres de l'ALN, mais sans pour autant parvenir à le faire parler, malgré les pires supplices qu'il a endurés. L'un de ses tortionnaires n'a pas manqué de déclarer qu'il s'agissait «d'une forte tête». Les investigations menées par sa famille ont laissé entendre qu'il avait été transféré en secret vers la caserne Camp Morand, à Boghar (wilaya de Médéa) puis sur la SAS de Sebt-Aziz où il a été torturé par Baudouin et Larabi avant d'être exécuté au mois de février 1960 au lieu-dit El-Ardja, non loin du mausolée de Sidi-Bouzid. Son corps n'a pas été retrouvé à ce jour.
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