Algérie

Le casse-tête des subventions à l'énergie


La rationalisation des subventions à l'énergie, qui pèsent sur le budget de l'Etat, reste politiquement et socialement périlleuse à opérer.Le montant des "dettes représentant les subventions des prix de carburants importés par Sonatrach sur la période 2015-2020 s'est élevé à près de 897 milliards de dinars, dont 145 milliards pour le seul exercice 2020". Ces chiffres ont été révélés, avant-hier, par le ministre de l'Energie, Abdelmadjid Attar, devant la commission des finances et du budget de l'APN, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) 2021.
Des montants élevés qui donnent le tournis. Ils renseignent sur l'ampleur du différentiel qui existe entre le prix auquel Sonatrach importe des carburants et celui auquel elle les revend sur le marché local. Le différentiel est supporté par l'Etat sous forme de subventions. Le fait est que Sonatrach décaisse de l'argent au titre des subventions, mais sur des échéances plus longues. D'où l'accumulation des dettes.
Une situation qui, évidemment, pèse sur la trésorerie de la compagnie nationale des hydrocarbures. Dans le but d'alléger le fardeau de cette dette, le ministre de l'Energie a proposé, dans le cadre du PLF 2021, une taxe applicable au passage de la frontière en voiture. Il est, en effet, institué une "taxe sur la consommation des carburants des véhicules et camions à chaque franchissement de frontière".
Les tarifs de cette taxe sont fixés à "2 500 DA pour les véhicules de tourisme, 2 000 DA pour les véhicules utilitaires et camions de moins de 10 tonnes, 10 000 DA pour les camions de plus de 10 tonnes et les bus". Il est expliqué, à travers l'exposé des motifs de cette mesure dans le projet du PLF 2021, que l'Exécutif justifie cette disposition comme étant un moyen de "compenser l'écart entre le prix administré et le prix international des carburants (essences et gasoil)" et, partant, de "récupérer partiellement la subvention" des prix des carburants.
Il y est ajouté que "le montant annuel de compensation sollicité par Sonatrach à l'Etat est de l'ordre de 200 milliards de dinars". Abdelmadjid Attar, cité par l'APS, a défendu cette taxe devant la commission des finances de l'APN, expliquant que "les ventes de carburant dans les wilayas frontalières représentent 14% du total des ventes nationales".
Et d'ajouter que "la consommation du gasoil dans les wilayas frontalières et les wilayas limitrophes représente 70% de la consommation nationale". Le ministre a, par ailleurs, indiqué que l'Algérie a importé pour "près de 2 000 milliards de dinars de carburant entre 2010 et 2019".
Abdelmadjid Attar s'est, en outre, attardé sur la nécessité de "rationaliser" la consommation de carburant, de "limiter" son importation et d'"accroître" les recettes de l'Etat, tout en ?uvrant à réduire ses aides (comprendre les subventions) en faveur de Sonatrach. Néanmoins, cite l'APS, "plusieurs députés s'y opposent", estimant que "cette taxe ne tient pas compte de la réalité sociale dans ces zones frontalières, outre son impact sur la dynamique économique dans ces régions". De leur point de vue, cette taxe "ne pourra pas mettre un terme au phénomène de la contrebande, celle-ci se déroulant généralement hors des postes frontaliers officiels".
À rappeler que le soutien de l'Etat aux prix des carburants représente une part considérable du total des subventions à l'énergie (carburants, électricité et gaz) dont la valeur reste une variable inconnue, car les gouvernements successifs ne laissent souvent pas passer la lumière sur les chiffres. Le système des subventions, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, est, cependant, critiqué par plusieurs experts, parce qu'il ne profite pas réellement aux ménages qui en ont besoin.
N'est-il pas temps de revoir ce mécanisme dans l'esprit de la réforme que le pays souhaite engager, en vue de rationaliser les dépenses ' Dans un entretien accordé à Liberté, il y a quelques mois, Mohamed Terkmani estimait que "bien qu'une telle solution s'impose, il ne sera pas facile de réduire le poids des subventions à l'énergie auxquelles les consommateurs algériens se sont habitués depuis plus d'un demi-siècle et auxquelles ils ne sont pas disposés à renoncer, d'autant plus qu'ils les considèrent comme un acquis".
Youcef Salami
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