C'est au nom de la garantie de la sécurité alimentaire du pays et du renforcement que le ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, a présenté le projet de loi d'orientation agricole. Le projet a suscité de nombreuses interventions des députés. Où est la nouveauté dans ce projet de loi ?
D'abord, le durcissement des sanctions contre le détournement des terres agricoles, allant des sanctions pénales à de la prison. Cette sévérité s'explique par des données chiffrées qui ont été livrées par le ministre: la réduction des surfaces cultivables est une réalité inquiétante. 0,25 hectare de terres cultivables par individu contre 0,75 hectare à l'indépendance. La démographie n'explique qu'en partie cette réduction. L'extension des villes au détriment des terres agricoles est une réalité.
Mais si le projet de loi muscle les sanctions, c'est qu'il doit s'accompagner par l'introduction de nouveaux acteurs dans le secteur agricole. C'est au fond le coeur de la réforme. Des personnes physiques ou morales pourront entrer dans le domaine de l'agriculture à travers une participation au capital de nouvelles sociétés d'exploitation agricole (SCEA). Après des hésitations durables sur la question du foncier agricole, les terres du domaine privé de l'Etat, attribuées à ces nouvelles sociétés, pourraient être cessibles, transmissibles et hypothécables. C'est clairement une loi de libéralisation qui devrait encourager l'émergence d'un capitalisme agricole. Les actions des sociétés d'exploitations agricoles peuvent être cédées. C'est de fait une sorte de privatisation rampante du secteur agricole. Certains s'interrogent, non sans raison, sur la capacité des actuels exploitants des EAC à résister à l'arrivée des nouveaux acteurs. Déjà, avant même cette opportunité, des exploitants des EAC avaient fait des «désistements» sur simple acte notarié au profit d'acteurs non agricoles et certaines affaires avaient fait scandale. Des procès ont ainsi été intentés à des agriculteurs, exploitants d'EAI et EAC (exploitations agricoles individuelles et collectives), qui avaient cédé leur exploitation. Les «affaires» touchant des noms connus ont montré qu'il existait un certain appétit des possesseurs de capitaux pour les terres agricoles. Certains sans doute pour les détourner de leur vocation, mais d'autres le faisaient aussi dans une logique économique.
D'une certaine manière, la nouvelle tendance des pouvoirs publics est d'accepter ce virage « capitaliste», tout en essayant de l'encadrer de manière stricte. On est peut-être, au vu de la situation financière plutôt déplorable des EAI et des EAC, vers un vrai tournant. La tendance au «désistement» qui a existé, malgré la loi, risque à l'avenir, avec la nouvelle possibilité, de s'amplifier sous forme de cession. Certains regrettent qu'on ait laissé les EAC dans une situation telle qu'elles ne peuvent être que perdantes dans ce tournant. Les exploitants actuels risquent de vendre au profit des nouveaux arrivants. C'est sans doute cet aspect qui pousse des représentants du FLN à parler «d'opacité» du texte. C'est pourtant bien la tendance. C'est sans doute ce qui explique la récente volonté des patrons de l'industrie agroalimentaire de créer une «alliance» avec les agriculteurs.
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Posté Le : 01/07/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com