Algérie

Le camp de la modération piégé à Beyrouth



Mais pourquoi le petit pays du Cèdre intéresse tant « la communauté internationale », à telle enseigne qu?il y a eu une inflation de résolutions onusiennes à son sujet ? Pourquoi, chaque jour que Dieu fait, l?Occident, à sa tête les Etats-Unis, apporte un soutien indéfectible au gouvernement « légitime » de M. Siniora menacé de déstabilisation par les forces du mal ?Le Liban, dort-il sur une nappe-pétrolière ? Est-il sur une nouvelle route de la soie ? Ou tout simplement, une bataille féroce s?y déroule pour l?extirper de l?axe du mal et l?arrimer, vaille que vaille, au camp de la modération, représenté notamment par l?Egypte et les pétromonarchies du Golfe arabo-persique sous mandat américain depuis la fameuse « desert storm » de George Bush senior lors de la deuxième guerre du golfe en 1991 ? Car il faut dire que les évènements se sont précipités au Liban après l?assassinat de l?ex-Premier ministre, Rafik Hariri, en 2005 et la résolution 1559, appelant au retrait des troupes syriennes qui se sont exécutées et la décision plus problématique, quant à son application à savoir le désarmement du puissant Hezbollah qu?une guerre destructrice, menée par l?entité sioniste durant l?été 2006, n?a pu réaliser, une guerre avec la couverture et la bénédiction, pour la première fois dans le chapitre des annales arabes, des Etats de l?axe de la modération dans la région emmenés par l?Arabie Saoudite et plus grave encore des acteurs locaux de la tragédie libanaise. Le fragile consensus, fruit de l?alliance quadripartite, né des élections législatives anticipées de 2005, autour du Hezbollah, du mouvement Amel d?une part, du courant Futur de Saad Hariri qui venait de prendre la direction du richissime clan du même nom et le parti progressiste socialiste du leader druze Walid Joumblat d?autre part, allait s?effondrer. Les dirigeants du Hezbollah, et avec eux les tenants de la résistance contre l?entité sioniste, ne comprenaient pas que certains, au Liban-même, cherchent par tous les moyens à réduire l?influence du Hezbollah en parlant de son désarmement au moment où la haine sioniste se déversait sur les centaines de milliers de civils libanais. Comble de l?hérésie, des éléments de sûreté dépendant de Ahmed Fatfat, ministre de l?Intérieur par intérim d?alors, accueillaient avec du thé des soldats israéliens dans la caserne de Marjaoune. L?officier responsable de cette générosité à la libanaise allait être promu pour montrer que les temps ont vraiment changé. Tous les appels de l?opposition à la formation d?un gouvernement d?union nationale seront ignorés par la majorité parlementaire. La crise politique connaîtra son paroxysme avec la démission des ministres chiites, en novembre 2006, mais cela ne perturbait en rien la sérénité du Premier ministre, Fouad Siniora, plus soucieux du soutien de la communauté internationale que de l?illégitimité de son gouvernement selon la Constitution libanaise car amputé des représentants de la plus grande communauté libanaise, les Chiites. La vacance du poste du président de la République n?allait pas arranger les choses puisque, pour être élu, le président doit recueillir les voix des deux tiers du parlement, une majorité que la « majorité » ne détient malheureusement (?) pas. L?effondrement de l?alliance qui a conduit Hariri au pouvoir, la guerre de l?été 2006 et la démission de tous les ministres chiites n?ont pas fait bouger Siniora. La sortie dans les rues de Beyrouth, à l?appel de l?opposition, de deux millions de manifestants, c?est-à-dire la moitié du peuple libanais, n?a pas suffi pour montrer à Hariri, Siniora, Geagea et Joumblat que la majorité a changé de camp et que l?émotion, suscitée par l?assassinat de Rafik Hariri, ne peut pas remplacer indéfiniment un projet politique, cette gigantesque marée humaine, aux yeux du pouvoir, n?enlevait rien à la légitimité du gouvernement en place du moment que ce même pouvoir bénéficiait des faveurs des Etats-Unis, de la France, de l?axe de la modération arabe et, autres temps autres moeurs, d?Israël devenu un Etat voisin acceptable selon les paroles du vice-président du parlement, Farid M?kari, du courant du futur de Saad Hariri. Les positions étaient tranchées mais, pour une fois, la ligne de démarcation n?était pas confessionnelle. Toutes les confessions étaient représentées dans les deux camps. Certains ont bien voulu relayer le discours du roi de la Jordanie avertissant les Sunnites de la dangereuse naissance d?un puissant croissant chiite qui engloberait outre l?Iran et l?Irak, le Liban où l?on craint une poussée chiite surtout avec la cinglante raclée infligée à l?armée sioniste par le Hezbollah et le capital sympathie engrangé par la formation de Sayed Hassan Nasrallah, un discours repris par le mufti de la République, Mohamed Rachid Qabbani, qui a déclaré tout de go que celui qui oeuvre à la formation d?un deuxième gouvernement, une éventualité débattue sérieusement par l?opposition comme riposte à l?entêtement du pouvoir à les ignorer, n?est pas musulman. Le vénérable mufti ne croyait pas si bien dire alors que l?opposition renferme, en son sein, des représentants de toutes les confessions dont le général Michel Aoun, chef de file du Courant patriotique libre (CLP) et à la tête du premier groupe chrétien au parlement. La cristallisation battait son plein entre les partisans des deux camps et, plus d?une fois, on a frôlé de justesse ce que tout le monde redoutait apparemment, Hezbollah en tête, le retour du spectre de la guerre civile. Chaque partie chauffait ses partisans et les préparait pour l?ultime combat et les journalistes tombaient allègrement dans la vindicte, la diffamation voire la désinformation pure et simple pour déjouer les arguments avancés par l?autre camp. L?opposition a utilisé toutes les armes à la limite de la légalité pour pousser le pouvoir à accepter de dialoguer avec elle dont le fameux sit-in de tentes installées au centre de Beyrouth et en face du sérail, siège du gouvernement, un sit-in rendu responsable de la mauvaise santé de l?économie libanaise en oubliant, bien sûr, que la clairvoyance de l?équipe Siniora a porté la dette du pays à plus de 40 milliards de dollars, rien que ça, pour un pays dont la superficie ne dépasse guère une wilaya du nord de l?Algérie, avec une population d?à peine 4 millions d?âmes. Il fallait le faire. La paralysie totale du pays, le climat invivable, l?escalade médiatique entre les représentants des deux parties n?allaient pas rester sans conséquences et les mouvements de protestation sociaux se multiplièrent. C?est, d?ailleurs, à la base d?une grève générale, organisée par le plus grand syndicat du pays, que le parti de Sayyed Hassan Nasrallah est sorti de sa réserve. Longtemps terrorisé à l?idée que son passage à l?acte pour dénouer la crise allait donner lieu à un tir groupé du pouvoir et de l?armada médiatique du royaume wahhabite, pis, accusé de vouloir précipiter le pays dans la guerre civile sur fond de « fitna » confessionnelle sunnite-chiite, l?échine dorsale de l?opposition qu?est le Hezbollah, a estimé que la ligne rouge a été franchie avec les dernières décisions prises par le gouvernement Siniora avec la révocation du responsable de la sécurité de l?aéroport international de Beyrouth et la mise en cause du système de télécommunication de la résistance, des décisions qui équivalaient à une déclaration de guerre selon les propos du secrétaire général du Hezbollah. La riposte du Hezbollah a pris de court tout le monde avec le déploiement des éléments du puissant parti chiite qui a quadrillé Beyrouth ouest sans coup férir.Les efforts, consentis par Hariri et consorts pour la formation de milices armées à sa solde capables de tenir tête au Hezbollah une fois l?affrontement final décidé, se sont envolés en l?air. Une véritable hystérie s?empara du camp de la modération, Arabie saoudite et Egypte en tête, pour dénoncer la chute sans gloire de leurs favoris et fustiger, dans des termes très durs, le coup d?Etat du Hezbollah en décochant, comme le veut la tradition, quelques flèches à l?axe du mal constitué de la Syrie et de l?Iran. Une cuisante défaite en somme dure à digérer. L?axe de la modération rejoignait dans les mêmes positions et employait la même terminologie que les Etats-Unis et Israël. Pour un coup d?Etat, c?en est bien un, et ce n?est pas la chaîne el arabya qui va nous contredire. Jugez-en : dès que les éléments du Hezbollah eurent mis hors d?état de nuire les miliciens du courant du Futur de Saad Hariri, il laissa le contrôle de la situation à l?armée libanaise dont le chef suprême, le général Michel Sleimane, a su éviter avec brio l?affrontement avec les éléments de l?opposition qui aurait débouché sur l?éclatement de l?armée et accélérerait le retour du spectre de la guerre civile. Sayyed Hassan Nasrallah, qu?un récent sondage a donné en tête des personnalités les plus respectées du monde arabe, n?a pas profité de l?aubaine pour solder ses comptes avec Siniora.Il a appelé à la reprise du dialogue initié par Nabih Berri, président du Parlement libanais, un dialogue qui fait, depuis longtemps, du surplace car le pouvoir en place ne veut pas entendre parler de donner le tiers garant à l?opposition dans la formation du prochain gouvernement de coalition nationale parce que cela risquerait de stopper les efforts du recouvrement de « la souveraineté de l?Etat » initié après le retrait des troupes syriennes du Liban et la fameuse révolution du Cèdre. Mais l?enjeu n?est pas là maintenant parce que les élections législatives de 2009 se profilent à l?horizon, car il faudrait bien, un jour ou l?autre, revenir à l?arbitrage du peuple, et toutes les intentions se focalisent sur la confection d?une loi électorale qui contenterait toutes les parties. Toutefois, la question n?est pas aussi simple et, de cette loi, dépendra la nouvelle majorité parlementaire, ce qui pousse le pouvoir à la surenchère pour avoir une loi à sa taille, car il est donné perdant dans tous les cas de figure refusant même la loi électorale de 1960, longtemps cheval de bataille des Chrétiens avec le patriarche maronite Sfeir en tête, rangé dans le camp de Geagea et Gemayel contre le général Michel Aoun.D?ailleurs, une occasion grandeur nature a été donnée aux deux camps pour jauger de leur popularité.C?étaient des législatives partielles dans la circonscription d?el Metn pour pourvoir le siège vacant du ministre et député Pierre Gemayel, fils de Amine Gemayel, ancien président de la République et chef suprême du parti des Phalanges libanaises.Le jeune ministre avait été assassiné dans un attentat à Beyrouth en 2006 et le gouvernement de Fouad Siniora avait décidé, contre l?avis du président Emile Lahoud, que la majorité parlementaire avait confiné dans un isolement royal aidée en cela par leurs alliés occidentaux et arabes, d?organiser, coûte que coûte, des partielles pour arracher une légitimité à l?opposition. Cette bataille électorale restera dans les annales tant le pouvoir n?a pas lésiné sur les moyens pour descendre en flèche le général Michel Aoun qui a osé présenter un candidat pour « voler » le siège vacant d?un jeune député assassiné. Le monde entier était suspendu à l?issue de cette joute qui n?avait rien d?électorale. L?ex-président, Amine Gemayel, décide de se porter lui-même candidat pour pourvoir le poste de son fils assassiné tandis que le camp adverse, c?est-à-dire celui du CLP du général Michel Aoun, allait présenter, contre toute attente, un médecin inconnu de la scène politique libanaise. Lorsqu?on questionna le général Aoun, fin connaisseur de la culture française et exilé pendant plus de 17 ans dans la patrie chère à Voltaire, sur les risques d?un choix, il répondit : lors d?un bal, une dame de la noblesse s?approcha d?un brillant général de l?armée de Napoléon et lui demanda : qui sont vos aïeux. Le général répondit : je suis mes aïeux. Une campagne terrible allait s?abattre sur le général. On l?accusa même d?être derrière l?assassinat du jeune ministre mais ni les pleurs de la mère de la victime passée en boucle sur toutes les chaînes, ni les attaques du cardinal Sfeir contre Aoun, encore moins l?appel, la veille du scrutin, empreint d?une forte émotion, du père de la victime de venir voter avec une rose blanche pour l?envoyer à Pierre Gemayel « là où il se trouve », le résultat fut un cinglant échec pour la majorité au pouvoir. Camille Khouri, un médecin inconnu, a tenu la dragée haute à un ancien président de la République et figure de proue du camp anti-syrien et a remporté haut la main une élection qui s?apparentait plus à un véritable référendum. Qu?en sera-t-il pour les futures législatives ? Tout porte à croire que la stratégie du pouvoir, qui consiste à laisser le temps au temps pour faire évoluer la donne en leur faveur, a lamentablement échoué. Il ne leur reste alors qu?à instrumentaliser la religion et profiter de la tournure prise par les derniers évènements pour dire que Beyrouth, la capitale sunnite, est tombée aux mains du Hezbollah et par ricochet de l?Iran pour espérer engranger la sympathie dans le monde arabe. C?est un pari, risqué certes, mais ce n?est pas l?Arabie saoudite qui va s?en embarrasser.  *Enseignant universitaire
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