Fallait-il en
faire une lecture au premier degré ou aller au fond du raisonnement de la jeune
fille ? Apparemment poussée à bout, elle semble exprimer un ras le bol
longtemps comprimé et n'a trouvé de voies de recours que celle de la presse.
Le cas n'est
certainement pas isolé ; une multitude silencieuse doit subir, à l'ombre de
l'omerta, les mêmes dérives. Par souci de ne pas pouvoir restituer la
problématique dans ce qu'elle a de dramatique, votre serviteur a cru bon de
répercuter l'intégralité de l'écrit à l'audience la plus large en guise d'appui
solidaire. Ses moments forts méritent le détour. Début de citation :
« Il y a de quoi être outré ! Personnellement
je suis révoltée contre le système éducatif qu'offre l'Institut national de
planification et statistiques. Ben Aknoun. Je ne parlerai pas au nom de ceux
dont je ne fais pas partie (les ingénieurs d'Etat), je parlerai donc au nom de
tous les T. S. au sein de cet institut. Cette catégorie d'étudiants si
marginalisée et si mal formée. Les profs qui sont censés être responsables des
«futurs cadres» ont baissé les bras, certains allant en vacances à l'étranger
en plein début de l'année. Après avoir inondé leurs étudiants de polycopiés,
ils donnent alors à leurs étudiants des exercices à faire à la maison et
ordonnent de revenir le jour d'examen avec les solutions pour les recopier
directement. Les étudiants se retrouvent alors avec des 19, des 18 et même des
20 dans un module dont ils ne connaissent que le nom ! »Au risque d'un désaveu
collectif, cette jeune personne oppose une détermination à l'effet, non pas
d'en tirer seule profit, mais à faire changer les choses pour l'ensemble de ses
collègues. Elle dénonce à visage découvert, chose rare dans les us habituels
quand il est communément admis que la dénonciation anonyme prémunit des risques
induits. Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, elle poursuit crânement son
réquisitoire contre « l'établishement » en faisant remarquer au passage, le peu
de cas qui est fait de ces étudiants qui subissent des humiliations, sans bien
sûr que leurs auteurs donnent l'impression de les faire subir. Malheureusement,
elles sont mal vécues dussent-elles émaner d'un enseignant endif ». « Certains
font passer à leurs étudiants des examens en «oral». Imaginez une section de
plus de 350 étudiants attendant dans le maigre couloir de la salle des profs.
Bien évidemment, notre prof est très occupé, donc M. arrêtera l'examen dès
qu'il aura faim et ne reviendra que le lendemain pour interroger ceux qui
restent. Des profs qui notent selon la disposition des noms sur un exposé. Les
deux premiers étudiants qui auront écrit leur nom en premier (sur la page de
garde) auront un 16/20, alors que les deux derniers auront un 11/20… nom de
Dieu ! Comment peut-on avoir deux notes différentes pour un même travail ?! Et
il y a pire, ceux qui ne viennent jamais. Et le jour de l'examen, il n'y a tout
simplement pas d'examen, le chef de département des T.S. a trouvé comme
solution à ce problème, de nous garder encore pour un semestre (septembre
-janvier), donc l'obtention de notre diplôme de T.S. sera reporté à 2010.
Sinon, on devra exposer un «expo» sur un module qu'on n'a jamais connu, la note
de cet expo sera celle de l'examen. Il n'y aura pas de délibérations, les
étudiants ignorant leurs notes devront tous passer au rattrapage. Et qui dit
rattrapage dit plus de possibilités d'accès à l'ingéniorat… » .Il est perçu à
travers ce ressac de griefs, une nette empreinte d'honnêteté intellectuelle où
la fin ne justifie pas toujours les moyens. Elle aurait pu faire du suivisme
pour décrocher une bonne moyenne et se mettre ainsi à l'abri de toute
désagréable contingence. Et pour terminer son « odyssée », la jeune étudiante
dont beaucoup de « panurgiens »doivent s'en inspirer, offre en guise de
conclusion, une ode déclamatoire à son Institut pour dire :
« Merci INPS de
nous avoir malformés.
Merci INPS de
nous avoir enseigné le module «avoir honte de soi» !
Merci surtout
d'avoir fait de nous des ânes-tellectuels ! Je m'excuse auprès des lecteurs
pour les fautes d'orthographe que j'ai pu commettre, mais que voulez-vous? Les
cactus ne donnent pas de raisins ! Lounes Imène, 20 ans mais déjà vieille» Fin
de citation! C'est concis, explicite et mature pour un âge aussi jeune. On y
décèle même un relent affectif, l'étudiante s'adresse dans sa complainte à «
son » Institut. Elle sait faire la part des choses, elle s'adresse plutôt à la
personne morale. Elle ne stigmatise pas que ses profs, loin s'en faut, mais
toute l'institution dans ses composantes administrative et pédagogique. Elle
étaye son propos d'exemples précis. Tout le monde se reconnaîtra, mais, elle
laisse une chance à chacun pour se fondre dans la masse. Elle aura certainement
maille à partir avec l'administration de « son » Institut ; elle assume
néanmoins et courageusement ses convictions. Que faut-il en déduire ? Il est
évident que si un institut aussi prestigieux que l'INPS se fait descendre en
flamme par une de ses étudiantes, c'est que le glas aura sonné pour tout le
système éducatif. Il ne s'agit plus d'une administration ou d'une collectivité
locale dont nous nous sommes habitués aux travers récurrents, mais bel et bien
d'un haut lieu du savoir qui enseigne la prospective. Se peut-il que
l'insouciance et la désinvolture aient atteint de telles cimes ? Nous pensions,
ingénus que nous sommes, que quelles que soient les turpitudes sociétales,
l'Ecole et l'Hôpital seront épargnés par l'hydre de l'indolence et du
matérialisme. Malheureusement, l'élève et le malade sont pris en otage dans le
plus abjects des rapts. Il se trouvera toujours des syndicalistes en mal de
notoriété pour défendre les « intérêts moraux et matériels » de telle ou telle
autre corporation. Il est pour le moins surprenant que dans les sphères du
domaine privé, ces « militances » n'existent pas. Par la grâce de
substantielles retombées financières, les « intérêts » des élèves et des
patients sont allégrement occultés. Il faut bien se l'avouer, les voies des
missions jadis nobles passent inexorablement par la poche ! L'éternelle litanie
des « problèmes socio professionnels » du genre : logement, salaire a fait son
temps. Le corps professoral a depuis longtemps trouvé son compte dans les vacations,
les consultations et l'expertise et dans tous les secteurs. Dans certains
services dits de consultations médicales spécialisées de CHU, c'est carrément
la galère. Cette vacation par spécialiste est, non seulement, de courte durée
mais hebdomadaire. Sans tenir compte des désagréments causés aux usagers,
diminués le plus souvent par la maladie, « notre » spécialiste peut faire, sans
état d'âme, faux bond. Il laissera une multitude de patients en rade à qui
pourtant, il a lui-même fixé rendez-vous. Il est vrai que bon nombre de
praticiens s'acquittent honnêtement de leurs tâches, mais tout corps peut être
corrompu par la gangrène, s'il ne s'en prémunit pas. La pratique du dédain
semble devenir un particularisme national. Tout le monde s'en plaint et tout le
monde s'y complait. Les envolées discursives sur les droits de l'individu sont
destinées, à une autre audience que celle dont nous faisons généralement
partie. Le système a bon dos et les « systèmards »(1)…bonne conscience.
1- Système et «
systèmards » de Aissa Hirèche
Alger le 14
juillet 2009 in « Le Quotidien d'Oran(2/7/2009)
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Posté Le : 23/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com