Algérie

Le burn-out permanent



Outre la fatigue physique, le mal-être psychique fait désormais partie du quotidien des médecins, mais aussi des paramédicaux et même des administrateurs, à cause d'une pandémie qui s'étale inlassablement dans le temps.Cela fait deux ans, presque jour pour jour, que les personnels de santé mènent une lutte acharnée contre le maudit virus qui a fait près de 5,5 millions de décès à travers le monde. Même si en Algérie, le virus n'a pas été aussi virulent que sous d'autres cieux, les personnels soignants sont, depuis le début de l'année 2020, sur le qui-vive pour faire face à la pandémie. Spécialiste en maladies infectieuses, le docteur Abderrahmane N., un quinquagénaire ayant plus de vingt ans d'exercice, estime que cette période est la plus dure passée au CHU Saâdna-Abdenour de Sétif. "Cela fait plus de deux ans que nous menons une lutte sans merci contre le coronavirus. Nous avons assisté à des dizaines de décès, nous avons traité des centaines de personnes souffrant de la Covid-19... Parfois, nous étions impuissants à les sauver car le virus, il faut le dire, était plus 'fort' que nous. Nous avons été beaucoup affectés par ces situations", nous confie notre interlocuteur, qui a requis l'anonymat. Le mal-être psychique n'est pas propre aux médecins, il fait aussi partie du quotidien des paramédicaux et même des administrateurs. "Je travaille aux urgences. Chaque jour que Dieu fait, je me lève avec la peur au ventre. J'ai peur de la contamination non pas pour moi, mais pour ma mère, une nonagénaire qui vit avec moi, pour ma femme qui souffre d'une maladie chronique et pour mes deux enfants. Chaque jour, je me dis que si un malheur leur arrivait, j'en serais responsable. Cela pèse beaucoup sur mon psychique", nous dira Fouad, un paramédical exerçant au service des UMC (urgences médico-chirurgicales) d'un CHU de l'est du pays.
Pour une maître-assistante exerçant au CHU Saâdna-Abdennour, le choix a été fait dès les premiers jours de la pandémie. "Quand le virus a commencé à se propager et qu'il a été procédé à l'installation des unités Covid-19, je me suis installée dans un appartement à part. Je l'ai loué pour épargner la contamination à ma famille. J'ai passé près d'une année seule. Je travaillais et je rentrais à l'appartement que j'avais loué sans voir mes parents. Je ne leur parlais que par téléphone. Cette situation a perduré et ma peur s'accentuait à chaque pic. Ce n'est qu'après une année que je suis rentrée chez mes parents. C'est terrible de ne pas pouvoir voir ses proches pendant plusieurs mois alors qu'on habite la même ville", nous a confié Nadia, spécialiste en médecine interne.
De son côté, le Pr Mohamed Hamadouche, médecin chef du service de médecine du travail au CHU Saâdna-Abdenour de Sétif, estime que le personnel de santé subit de plein fouet cette pandémie de Covid-19 et ses effets depuis deux longues années. Le risque excessif et évident de contracter cette maladie a eu comme conséquence la contamination de la quasi-totalité du personnel et la perte de centaines de travailleurs parmi les corporations de ce secteur, dont plus de 450 médecins. "Une part importante des travailleurs ayant survécu gardent encore des séquelles physiques, fonctionnelles et psychologiques dont les symptômes tels que la fatigue, l'essoufflement, les troubles du sommeil et de la mémoire ainsi que diverses douleurs, qui composent le syndrome post-Covid", explique le Pr Hamadouche. Et de renchérir : "Notre mobilisation durant une longue période afin de faire face à ce maudit virus nous a contraints à exercer sans relâche à cause d'une charge physique considérable, sacrifiant ainsi nos congés et autres moments de détente. Cela s'est répercuté par l'apparition de l'épuisement atteignant une grande proportion des personnels."

FAOUZI SENOUSSAOUI


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