Le Bonjour du «Soir»» Interview d'un illustre revenant(2)

Par Maâmar Farah
Le lendemain de l'interview de Boumediène, j'étais en train d'admirer le ballet des chalutiers du cèté de la Madrague quand mon ami chauffeur de taxi, Boualem T., m'appela : «Il est revenu ce matin et veut te parler.» Rendez-vous est pris à Staouéli, dans un café maure de la placette centrale :
Boumediène : Le peuple est-il heureux '
M. F. : Le peuple attend les locaux commerciaux et le couffin du Ramadhan. Il attend les logements. Mais le peuple ne travaille pas...
Boumediène : Qui construit les bâtiments et les routes '
M. F. : Les Chinois.
Boumediène : A quoi rêvent nos jeunes '
M. F. : A la barque qui les emmènera clandestinement en Europe.
Boumediène : J'ai vu beaucoup de barbus dans les rues. Y a-t-il une pénurie de lames '
M. F. : Non, c'est une nouvelle mode !
Boumediène : Et ce tissu au-dessus des têtes des femmes ' à‡a n'existait pas à mon époque !
M. F. : On appelle ça un hidjab !
Boumediène : Qui dirige la France '
M. F. : Hollande !
Boumediène : Quelle drèle d'époque. Se faire coloniser par les Néerlandais !
Boumediène : Et Cuba, est-elle tombée '
M. F. : Non, Cuba est toujours debout !
Boumediène : Et le Sahara occidental, est-il libre '
Boualem me regarda. C'était la question la plus dure. Nous nous sommes tus. L'homme au burnous jeta son cigare et s'en alla vers sa tombe. Il ne pouvait plus supporter cet autre pays, à mille lieues de celui qu'il a laissé, un certain mois de décembre 1978...