Le Bonjour du «Soir»

Par Maâmar FarahDans les années 1970, nous avions les coupures d'eau, d'électricité, de gaz, de viande aux Galeries et de fromage aux Souk-El-Fellah. ”? La banane ' Un fruit nommé Désir ! Bien sûr, ces privations n'étaient pas le fruit du sadisme des dirigeants, mais visaient à économiser le peu de devises pour créer de l'emploi et produire, produire de la cuillère à la grue, pour limiter l'importation. Nous faisions contre mauvaise fortune bon cœur, parce que les tombes des martyrs étaient encore fraîches et que les blessés de la guerre, les veuves et les enfants des chouhada interpellaient nos consciences ; nous pouvions faire un effort et ne pas trop demander, parce que nous avions l'essentiel : la liberté reconquise !Qui aurait imaginé que tout cela relèverait du passé, que l'eau coulerait à flots de nos robinets, que même les fameux délestages de l'été deviendraient de mauvais souvenirs, que la viande serait dans tous les étals (mais à quel prix !), que les fromages du monde entier atterriraient chez nous et que la banane et autres fruits exotiques inonderaient nos marchés 'C'est mieux qu'avant, diraient beaucoup. Mais, moi, je garde le souvenir de ces couples propres, bien habillés, éduqués, qui faisaient la queue dans un ordre parfait. Et ce qu'on a perdu à jamais, ce sont ces discussions lumineuses sur le dernier film de Fellini ou de Bouamari, ces débats sur la pièce engagée de Kateb Yacine ou sur le dernier article de Paul Balta. On oubliait la chaîne et les produits au rabais.Va voir les martiens qui poussent les caddies dans les hyper-marchés et écoute-les ! Tu verras la différence : il y a tout, comme «là -bas», mais il manque l'essentiel !