Si certains commerces changent d'activité pendant ce mois du jeûne pour s'adapter à la demande pendant cette période, d'autres préfèrent s'investir dans le caritatif. Certains restaurateurs mettent, l'espace d'un mois, leurs locaux à disposition d'actions de solidarité menées par des associations agréées ou des groupes de bénévoles. Mais la solidarité est aussi une aubaine pour certains afin de tirer profit et faire de «bonnes affaires» durant ce mois sacré.Représentant de l'un de ces groupes de jeunes bénévoles constitués dans la commune de Kouba, Issam Sebti raconte avoir «loué un restaurant dans le quartier de la Montagne, où des repas seront servis pendant le Ramadhan pour les démunis». Selon lui, le prix exigé par le propriétaire est «symbolique. Juste assez pour payer les travailleurs qui seront mobilisés». Ce groupe de bénévoles se fait appeler «Dir El Khir Wensah», mais Issam Sebti insiste : «Nous ne sommes pas une association et nous ne prévoyons pas de le devenir pour l'instant.» La distanciation est nécessaire car, dit-il, «nous entendons parler de ces associations qui font semblant de faire des actions de solidarité, mais qui en fait ne servent que leurs intérêts.»Une réticence également partagée par des commerçants dont certains désireux de participer à des actions de solidarités pendant le Ramadhan ont été refroidis. «D'après les expériences des commerçants, un tiers environ des associations caritatives ne sont pas sérieuses», affirme Tahar Boulenoir, porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans d'Alger.Certaines ont des agréments, d'autres pas. «Des gens se font passer pour des associations qui aident les pauvres pendant ce mois sacré, ou ouvrent des restaurants pour les démunis. Certains commerçants s'engagent à leur fournir des produits alimentaires. Une fois récoltés, ils sont soient revendus, soit ils les prennent pour leur compte.» Des commerçants «se sont fait avoir et ont découvert plus tard par pur hasard que les produits dont ils ont fait don ne sont jamais arrivés à destination», témoigne-t-il.Parfois, les commerçants vérifient par eux-mêmes que les actions de solidarités sont bien réelles avant de s'engager. C'est ce qui a été fait avec «Dir El Khir Wensah» qui a obtenu auprès du marché de gros des Eucalyptus un engagement des commerçants d'alimenter son restaurant de la Rahma pendant tout le mois.Selon M. Boulenoir, les mandataires en fruits et légumes ont décidé de consacrer 50% de leur marge bénéficiaire pendant le Ramadhan à des actions caritatives, mais préfèrent choisir par eux-mêmes comment la distribuer. D'autres commerces «veulent d'abord vérifier» la véracité des informations qui leur sont communiquées par les associations. Pour celles qui ne disposent pas d'agrément, l'Ugcaa se propose même de fournir un document attestant de leur sérieux, après enquête. RéticencesSi de plus en plus d'associations agréées ou pas s'engagent pendant le Ramadhan dans des actions de solidarité, c'est aussi pour se substituer ou compléter l'action de l'Etat dont l'opération solidarité Ramadhan 2014 devra toucher 1,6 million de nécessiteux. Une action conduite par les collectivités locales, à leur tête les assemblées populaires communales chargées d'arrêter les listes des bénéficiaires, mais une action qui donne surtout lieu à des dépassements, des détournements et des fraudes. La présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA), Saïda Benhabilès, a déclaré récemment que «les listes faites par les APC concernant les familles nécessiteuses ne sont pas crédibles, car elles sont souvent préparées selon des appartenances politiques».La ministre de la Solidarité a elle-même insisté sur le renforcement du contrôle pour éviter les détournements dans une opération qui concerne 1,6 million de couffins. Pour les communes qui choisissent encore de distribuer des colis alimentaires, des appels d'offres sont lancés pour choisir les fournisseurs de ces denrées alimentaires.Pour Tahar Boulenoir, certains commerçants «ne font pas confiance aux actions de solidarité des APC». Dans certaines d'entre elles, en connivence avec d'autres commerçants, «on fait exprès de gonfler les factures des produits achetés». La différence est répartie entre les uns et les autres. D'autres APC «utilisent le couffin pour des besoins électoraux. Un couffin garantit un vote». Dans certains cas, on a même distribué des produits périmés acquis auprès de commerçants peu scrupuleux.Pour éviter d'assumer ce genre de responsabilité, certaines APC optent pour les aides financières directes. Les détournements, comme ceux des couffins, ils ne veulent pas en entendre parler. Lyes Sedrati, P/APC d'Hussein Dey, en fait partie. Pour cette année, la mairie va distribuer par voie postale des aides financières de 10 000 DA pour 1200 familles. «C'est la meilleure manière de procéder. On veut éviter les détournements et les problèmes de stockage des produits alimentaires, car répartir 1200 couffins c'est problématique.»Dans d'autres communes comme celle de Kouba, on veut non seulement éviter ce genre de soucis mais également préserver la dignité des citoyens. Pour ce faire, l'APC pourrait retenir, selon un élu local, l'option de distribuer du cash, soit des enveloppes financières remises directement aux bénéficiaires qui figurent sur la liste établie par la commune. Par le passé, l'APC «distribuait des couffins, mais elle ne le fait plus à cause de la désorganisation autour de cette opération», nous dit-on.Par là, il faut entendre «des bénéficiaires trop pudiques pour venir récupérer leurs couffins», mais pas uniquement. Seulement, quand on évoque les fraudes et les détournements, les langues ne se délient plus.
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Posté Le : 30/06/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Safia Berkouk
Source : www.elwatan.com