Algérie - Ras El Aioun


Avant le col s’établissait un préau ordinairement régulier, limité, faits de quelques piliers malingres, qui me semblaient appartenir aux colonnes d’un temple grec ou aux façades intérieures d’un cloître. Cela conférait au lieu une ombre digne où les gens tranquilles, parfois de négoce, s'y amassaient, après avoir fermé boutiques, se mettant à pousser des gémissements lamentables ou des éclats de rire. Ils jouaient aux jeux des dominos usés par des combats de titans ; ils belotaient, ils cartaient à Ronda en abattant d’étranges figurines : épées, bâtons, coupes et deniers. Ils buvaient peu, laissant traîner sur les tables des tasses d’un café noir et froid. À jamais, avec de si rares recettes, le « Bar des Amis » ne pouvait imaginer faire fortune. Au couchant, quand le soleil se dissimulerait au loin au revers de l’abîme infini des collines céruléennes, on oserait commander ces anisettes que l’eau brouille de nuages laiteux. Et pour finir les parties commencées, Martial, le tenancier, apporterait deux ou trois lampes à acétylène dont les lueurs et l’odeur envahiront l’espace jusqu’à l’extinction d’une flamme blanche consumant tout le solde de carbure.


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