Algérie

"Le bandit d'honneur insoumis"



Il est utile pour l'Histoire et la culture d'un pays d'évoquer les parcours de femmes et d'hommes exceptionnels. Arezki El-Bachir en était un. Il est né en 1857 dans le village d'Aït Bouhini (Yakouren, Tizi Ouzou). Il avait 14 ans lors de l'insurrection de 1871 de Mokrani et Aheddad à laquelle son père avait participé. Il sera très marqué par la répression qui suivit la défaite. "Par milliers, des Kabyles étaient internés ou interdits de séjour chez eux".Après la loi Warnier de 1873 et le "Code de l'indigénat" de 1881, les administrateurs de communes mixtes soutiennent la colonisation dans l'accaparement du maximum de terres qui sont attribuées aux colons nouvellement arrivés d'Europe qui confisquèrent aussi les forêts de chêne-liège de Yakouren.
Après avoir vécu de petits boulots à Alger, Arezki El-Bachir vient y travailler comme bûcheron. Comme ses compatriotes, il connaît l'injustice et les humiliations pratiquées par les agents forestiers. Les exactions des autorités vont susciter un sentiment de révolte dans le c?ur d'Arezki qui décide de prendre le maquis avec des compagnons. Très vite, des foyers de révolte se déclaraient un peu partout dans le Haut-Sébaou, Azzefoun et jusqu'à la Soummam.
Sa réputation de justicier est établie et il éloigne de lui les bandits de grands chemins pour donner un sens politique au soulèvement qui durera près de 15 ans et durant lequel il ébranla le pouvoir colonial qui prit conscience qu'il ne se trouvait pas face à des bandits d'honneur ou de grands chemins, mais à des hommes qui avaient déjà une conscience de l'injustice coloniale. Sentant le danger, le gouverneur général d'Alger, en 1893, décide d'envoyer une expédition militaire contre Arezki El- Bachir et ses hommes.
"Le 25 novembre 1893, près de 1000 soldats entamèrent, sous la neige, l'expédition contre les troupes d'Arezki, qui fut arrêté un mois plus tard, avec l'un des frères Abdoun, Mohand-Saïd, le 24 décembre dans la région d'Akbou, sur dénonciation du caïd Belkacem et de Ben Ali-Cherif". Il est incarcéré à la prison de Tizi Ouzou "Le procès d'Arezki El-bachir eut lieu à la Cour d'assises d'Alger les 1er, 2 et 3 février 1895, l'accusé fut défendu par maître Langlois qui déclara : "Arezki, c'est le porte-parole de ce pays que nous n'avons pas su comprendre et que nous avons stupidement opprimé.
Areski n'est pas le malfaiteur présenté par l'avocat général, c'est le révolté kabyle et ses crimes qu'il revendique courageusement sont des crimes politiques". Arezki El-Bachir lui-même avait déclaré à son procès : "Si j'ai pris le maquis, c'est parce qu'on nous a spoliés, j'avais à me venger de ceux qui avaient profité de leurs rapports privilégiés avec l'administration pour me réduire à la misère au même temps que les miens". Il ajouta : "S'il y a une accusation que je rejette de toutes mes forces, c'est bien celle des vols.
De toute ma vie, je n'ai volé personne. Aussi, je tiens à être jugé pour ce que j'ai fait et ce que je suis : un révolté". Il fut condamné à mort par la cour d'assise d'Alger le 4 février 1895 et guillotiné avec cinq de ses compagnons le 14 mai devant la gendarmerie coloniale d'Azazga. L'injustice poussera toujours des hommes à prendre le maquis pour s'opposer à la colonisation.
Avant Arezki El-Bachir, il y avait Bouzian El-Kalaï (1838-1876) dans la région de Mascara, et après lui Messaoud Ouzelmat (1894-1921) dans les Aurès, puis Ahmed Oumeri (1911-1947) en Kabylie, pour ne citer que les plus connus. Tous se révoltèrent contre l'injustice coloniale et acquirent "une légitimité populaire". Ils ont contribué à faire avancer l'esprit de résistance qui sera relayé par le Mouvement national. Oumeri intégrera le PPA avant d'être tué en 1947.
Dans les Aurès, Belkacem Grine, ancien "bandit d'honneur", rejoint le MTLD, puis le FLN. Il tombera au champ d'honneur au début de la guerre de Libération. Ainsi, parmi ceux qu'on désignait comme des "bandits d'honneur", il y avait des patriotes dont certains intégreront le Mouvement national et la Révolution de 1954. Pour que nul n'oublie cette personnalité, divers ouvrages lui ont été consacré, ainsi qu'un film de Djamel Bendeddouche, intitulé Arezki, l'insoumis (2008).


ALI BEDRICI


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