Algérie

Le 10 mai : fête du député



«Il y a deux sortes de bergers parmi les pasteurs des peuples : ceux qui s'intéressent à la laine et ceux qui s'intéressent aux gigots. Aucun ne s'intéresse au mouton.» (Adage populaire).

Un certain nombre de confrères journalistes soulignent dans leurs écrits et analyses l'absence de débats sur les programmes politiques et économiques des candidats à la députation du 10 mai prochain. Faudrait-il que les candidats, comme les partis politiques, aient un programme clair et précis à proposer au peuple électeur. Autrement dit, peut-on analyser, commenter le «vide» des idées, le sens du néant, la pauvreté des convictions et l'indigence politique et intellectuelle d'une grande majorité de prétendants à la plus auguste Institution de la république et de la démocratie : «l'Assemblée nationale» ? Ou bien alors, faudrait-il que les journalistes politiques, les intellectuels et acteurs de la société civile inventent et fassent le débat politique en lieu et place des candidats et des partis qu'ils représentent ? Ne pouvant se substituer aux candidats, la presse nationale est piégée dans son propre rôle de relais et de vulgarisation de la vie politique que devraient animer les partis et leurs candidats. Elle est contrainte à rappeler les turpitudes, magouilles et autres indécences qui dominent la «campagne électorale». Elle est contrainte à la dénonciation des joueurs et acteurs du cirque électoral proposé aux algériens. Là, ce sont deux ministres en exercice qui en viennent aux mains, les vestes en haillons ; là-bas se sont des militants d'un même parti qui s'insultent au bas de la ceinture ; ailleurs ce sont des grossistes mandataires qui négocient avec des sacs d'argents et ailleurs encore ce sont des fetwas (décret religieux) qui interdissent aux femmes l'aventure politique. La presse s'interroge sur l'absence du débat politique et se substitue, souvent et à son corps défendant, au lieu et place des futurs députés pour rappeler l'urgence de la situation algérienne en ces temps de mondialisation économique et de reconfiguration géopolitique. Un Parlement national, au-delà de sa représentation de la volonté populaire, est l'outil par excellence du consensus national sur les modes et ressorts de la gouvernance nationale, ainsi que de la défense des intérêts légitimes du peuple et de la nation dans le tumulte actuel de la mondialisation tous azimuts. C'est un abîme inquiétant qui sépare les motivations des candidats du 10 mai de ces quelques principes élémentaires de la démocratie et du rôle du Parlement. Et le peuple dans tout cela ? C'est-à-dire le principal concerné par son propre avenir. Que veut le peuple ? L'évidence serait qu'il puisse s'exprimer librement pour le savoir. Ainsi, la question n'est pas simple : le peuple algérien a-t-il les moyens de s'exprimer librement et en connaissance de cause ? Les seuls éléments en notre disposition sont l'expérience tirée des innombrables élections précédentes et à tous les niveaux. Avant la proclamation du multipartisme en février 1989, les députés étaient désignés par le parti unique du FLN. Et après ? Le peuple avait choisi les islamistes du FIS. Et après la guerre qui suivi et la réconciliation nationale ? Le peuple a choisi, encore une fois, les islamistes et ceux dits «nationalistes «qui forment aujourd'hui «l'Alliance sacrée». Et au lendemain du 10 mai prochain ? Sans être dans le secret des dieux, il n'est pas exclu, voire certain même, que la «Sainte- Alliance» préservera le statu- quo. Peu importe qui sera député ; ce qui compte sera la continuité du système, au nom du peuple électeur. Des journalistes et analyste politiques constateront, avec étonnement, que le peuple –électeur n'aura pas fait le choix d'une société libre, moderne privilégiant la compétence et le mérite.

D'autres journalistes et analystes diront que le vote a été truqué et détourné par les appareils du pouvoir et la police politique ; d'autres encore diront qu'ils se sont «trompés de peuple» etc. La vie nationale reprendra son cours normal : les députés enregistreront les décisions du gouvernement et émargeront au trésor public ; les journalistes et analystes indépendants continueront de dénoncer l'inutilité du Parlement ; le peuple retournera à ses occupations : les parents pour plus de moyens de vie entre logements et emplois ; les jeunes manifesteront leur mal vie, couperont des routes, embarqueront sur des radeaux pour d'autres cieux, les plus désespérés s'immoleront par le feu, les jeunes filles auront toujours peur des extrémistes de tout bord... l'Algérie continuera son bonhomme de chemin entre espérance de liberté et peur des lendemains. Mais alors comment s'en sortir de ce cercle infernal, cet éternel recommencement de l'échec, de la plongée dans la médiocrité et du recul des valeurs de la liberté et de la dignité pour lesquelles la génération de Novembre 54 s'est sacrifiée ? La douleur est plus vive d'autant plus que nous célébrons cette année le 50ème anniversaire de notre indépendance. Il est clair que c'est la classe politique que revient le rôle de remettre les valeurs de liberté, de démocratie, de justice et d'égalité au centre des débats, de les promouvoir et de les défendre. Il est clair que c'est à l'école algérienne qu'incombe le rôle d'inculquer ces valeurs humaines, universelles et jutes aux enfants et étudiants. Mais pour cela il faut, nonobstant les différences idéologiques des uns et des autres, une valeur commune à tous les acteurs politique : la «Conviction» dans les idées que l'on défend. Pour rappel, en réponse aux généraux français, Massu et Bigeard, qui le rassuraient sur la fin de la bataille d'Alger en 1957 et celle de la fin de la guerre, le président de Gaulle répondait : «Ils -les Algériens- ont une arme que nous n'avons pas…ils ont la Conviction en leur combat et leur idéal.» De Gaulle tirait cette vérité de sa propre expérience de résistant. Malheureusement, le spectacle que livre les futurs candidats à l'élection du 10 mai est loin de l'exemple de la génération de Novembre. Certains candidats ont fait le tour des partis politiques, tels des mutants. Des partis politiques ont «pondu» d'autres sous partis pour les besoins du partage du pouvoir, des postes et de la rente. Des acteurs clés de la vie politique sont passés de l'opposition au salon du pouvoir, d'autre ont trahi leur famille politiques et électeurs. La carte politique nationale a été si défigurée par l'opportunisme et l'arrivisme politique qu'elle donne à pleurer, particulièrement pour ce rendez-vous printanier où les fleurs offrent un bouquet de joie pour un si beau pays.








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