Publié le 27.02.2024 dans le Quotidien l’Expression
«Dictionnaire Algérien Illustré de la bande dessinée et du dessin de presse 1962-2022» est l'intitulé de ce riche ouvrage, véritable référence en la matière, à acquérir absolument!
L'École supérieure des beaux-arts d'Alger a accueilli mercredi dernier .Lazhari Labter afin de présenter son ouvrage «Dictionnaire Algérien Illustré de la Bande Dessinée et du Dessin de presse 1962-2022» paru en octobre 2023 aux éditions Crom, avec le soutien du ministère de la Culture et des Arts. Ce dictionnaire qui raconte avec force détails toute l'histoire de la BD et du dessin de presse est en passe de devenir une première référence en matière de Bd en Algérie. Il est, d'ores et déjà distribué à l'étranger, notamment aux USA et au Canada, a fait savoir M. Lazhari Labter qui reviendra sur l'historique de la BD algérienne en présence d'un géant de la BD, un pionner et le précurseur du genre, en la personne de Saïd Zaanoun. « Il s'agit d'un travail colossal qui pourra faciliter les recherches mêmes pour les étudiants» dira Karim Sergoua en préambule avant d'inviter Lazhari Labter à prendre la parole, ce dernier confiera d'emblée être dessinateur à l'origine. « Je devais m'inscrire aux beaux- arts quand j'ai eu mon bac, mais comme j'habitais à Laghouat, il fallait trouver où loger à Alger, il m'était donc pour moi possible de venir à Alger. Je me suis retrouvé à faire autre chose...»Avant de dérouler le contenu de son ouvrage qu'il lui a prit plus de deux ans de travail argue t-il, Lazhari Labter expliquera les raisons et motivations d'abord qui l'ont poussé à concevoir cet ouvrage. «Pourquoi un dictionnaire sur la bande dessinée algérienne?»s'interroge t-il. Et de préciser que ce travail n'est pas le premier. « Avant ce dictionnaire, j'avais publié en 2009 dans ma propre maison d'édition qui existait à l'époque, un ouvrage appelé «Panorama de la bande dessinée algérienne 1969-2009.»
Hommage à nos dessinateurs
Et d'expliquer le choix de l'année 1969: « C'est l'année où sort en Algérie le premier magazine sur la bande dessinée qui s'appelle Mékidèche, aujourd'hui entré dans l'histoire, comme un magazine mythique et historique qui était publié à l'époque par Abderrahmane Said Medoui qui était le directeur du département des éditions. Un jour, il a eu la bonne idée d'aller contacter un certain nombre de dessinateurs, le club des cinq comme je les appelle, à savoir: Slim, Ahmed Haroun, Mohamed Bouslah, et Mohamed Aram. Il va contacter ces gens au centre du cinéma car on produisait beaucoup de dessin animé, ce que l'on ne fait plus aujourd'hui. Il va leur dire, jusqu'à maintint il n y a que des illustrés qui viennent essentiellement de France, les petits formats et va leur demander d'en créer, mais qui soient cette fois d'Algérie...» Et de renchérir: «Le deuxième ouvrage auquel je me suis consacré à la bd, sorti aux éditions Barzakh, s'appelle «Mekidèche une revue, une équipe, une école», où j'ai fait le tour de la question sur l'histoire de Mékidèche, qui s'est arrêtée en 1974.» Et de noter: « Ce magazine était tiré à 20.000 exemplaires en français et en arabe. Au bout d'une semaine, il était épuisé. C'est dire le succès de ce magazine et l'intérêt que portaient les Algériens à la bande dessinée à cette époque-là. J'ai consacré cet ouvrage uniquement à l'histoire de Mékidèche et après l'avoir sorti, fait sa promo, etc je n'étais pas satisfait, je sentais qu'il manquait quelque chose... même si le travail était fait de manière minutieuse, il y avait des manques. Je m'attaque donc à ce projet qui est une encyclopédie qui s'appelle «Dictionnaire algérien illustré de la bande dessinée et du dessin de presse de 1962 à 2022», autrement qui ratisse sur 60 ans. Je tenais à ce qu'il sorte en 2022 pour marquer le soixantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie parce que la bande dessinée est fille de l'indépendance comme le disait si bien feu Ameziane Ferhani qui avait, lui aussi consacré un ouvrage autour de la bd.» Et Lazhari Labter de faire remarquer qu'il y a trois dates importantes à retenir. La première est 1967, relative à la sortie, dans l'hebdomadaire, Algérie Actualité, de la première bande dessinée algérienne complète qui s'appelle «Naâr, une sirène à Sidi Firuge», oeuvre de Mohamed Aram qui a disparu il y a quelques années.
La deuxième date est 1988 qui va provoquer «la rupture dans le système du parti unique, en introduisant le multipartisme mais aussi l'avènement de beaucoup de journaux.
Rupture: la bd contre la caricature
«La bande dessinée qui avait le dessus avant 88 va rétrécir en peau de chagrin et quasiment disparaitre, par contre, ce qui va immerger d'une manière incroyable c'est la caricature dans les journaux.» Et de souligner: «La troisième date, est 2008 qui correspond à l'organisation du Fibda qui va révéler une nouvelle génération de bédésite. Celle-ci nourrie au Manga. Elle prendra la relève de la génération de 60 et 70, qui elle, était beaucoup plus nourrie à la bd franco-belge et aux comics américains. Pendant les années de désert culturel, pendant le terrorisme, ces gamins étaient branchés sur la télé algérienne et on présentait des dessins animés, tout cela va nourrir cette génération qui, quand elle va se mettre à faire de la bande dessinée elle va aller vers ça...»Et d'ouvrir une petite parenthèse pour évoquer «la féminisation du métier» avec l'arrivée en 2018 d'un magazine de bande dessinée en arabe qui s'appelle Ghomaida, revue en couleur, qui est tenue par des femmes.
Revenant à son dictionnaire qui fait environ 500 pages, Lazhari Labter soulignera les difficultés et le temps qu'il lui a pris pour le faire: «Dans d'autres pays, ce genre de travail est censé être le fruit d'une équipe. Car en prenant les différents chapitres, notamment «les dessinateurs», «les revues», «les albums», «les festivals» etc. en principe, on confie à chaque personne un chapitre. Et on dit sous la direction de... Ça n'a pas été le cas ici...» Et de confier l'autre raison qui l'a poussé à réaliser ce dictionnaire: «Quand vous consultez Le grand dictionnaire de la bande dessinée mondiale de Claude Moliterni, à la page «Algérie», vous ne trouvez qu' un seul nom, Sid Ahmed Melouah qui a certes, fait partie d'une très grande équipe satirique qui est El Menchar, mais pourquoi pas Slim ou Haroun le père de Mekidèche ou Redouane Assari et d'autres? Je me suis dit que ce n'était pas juste et qu'il fallait réparer cette injustice!»
Un travail de mémoire et de recensement
Et d'ajouter: « Il fallait parler de tout les dessinateurs algériens. Je me suis donc attaqué à cette oeuvre colossale. Je ne sais pas si aujourd'hui j'aurai le courage de reprendre tout à zéro.»A propos du contenu de cet ouvrage,, Lazhari Labter dira: « Vous trouverez là, recensés absolument tous les dessinateurs algériens de A jusqu'à Z, toutes les revues sorties de 62 à nos jours. les personnages importants comme Zina Bouzid, Richa, Ali Petrol, Lazhar Kalitous etc. tous les festivals et toutes les journées consacrées à la bande dessinée depuis 82 à 2022.» Et de relever avec satisfaction: « Mon éditeur Crom édition a été extraordinaire par son accompagnement. Il a donné une autre dimension au dictionnaire, en mettant une introduction sur la bande dessinée, mondiale, africaine, arabe et algérienne. Il a eu l'idée d'expliquer ce qu'est la bande dessiné dans le détail. Comment on lit une planche, qu'est -ce qu'une bulle? etc. À la fin, vous trouverez «l'index» qui m'a pris un temps fou pour le faire. Ça facilite les recherches. si on tape par exemple Zaânoun, on va trouver la page principale où apparait Saïd Zaanoun, sa bio et biblio et toutes les pages où son nom est cité ou référencé. Et d'estimer: «C'est un livre dont je suis fier. J'en ai écrit d'autres, mais celui-là, je pense qu'il est déjà une référence puisqu'il est très demandé, au Canada, aux USA, il va être disponible aussi en France, au festival d'Angoulême...et évidemment en Algérie. Je pense que c'est un travail qui restera.».
Evoquant ses projets Lazhari Labter dira qu'il travaille actuellement sur la biographie du dessinateur Mohamed Aram, qui sera accompagné par la publication de son album de dessin... Et de regretter: «Nous sommes un pays si riche historiquement en bande dessinée mais les livres consacrés à la bd se comptent sur les doigts d'une main». Et d'inviter en outre, les étudiants des beaux- arts à explorer encore plus ce volet «afin de faire oeuvre utile et pour vous, pour la bande dessinée et pour le pays.» a t-il conclu.
Notons que mercredi prochain, l'Esba, accueillera l'écrivain Amine Zaoui qui viendra parler d'art et de littérature. Le 13 mars, soit pendant le mois du Ramadan, l'Esba accueillera par ailleurs, deux designer et plasticiens, pour une belle confrontation d'idées.
L'un a écrit un livre sur l'art contemporain et l'autre est impliqué dans tous les événements autour de l'art contemporain et est commissaire d'expo, autrement dit Mustapha Nedjai et Zoubir Hellal. La rencontre sera modérée par Jaoudet Guessouma.
O. HIND
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Posté Le : 28/02/2024
Posté par : rachids