On y accède par Vourtchi, la placette principale de Tifra qui regroupe un ensemble de villages, dont Azra qui est une bourgade située à sept kilomètres au sud de Tigzirt et perchée sur une colline qui surplombe majestueusement la grande bleue. Là déjà, d’emblée, une image splendide fascine irrésistiblement le visiteur qui est accueilli par l’hospitalité des habitants de cette contrée mirifique.
Ce mardi, jour du mois sacré, nous prenons la destination d’Azra qui vient de décrocher le premier prix du concours Aïssat Rabah du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou qu’organise l’APW. Il était 11h, mais il n’y avait presque personne dehors, à l’exception d’un jeune collecteur de déchets plastiques. Il s’appelle Djamel. Il est équipé de gants, pinces et d’un grand sac poubelle.
«Je m’occupe, avec l’accord du comité, de la collecte des déchets plastiques que je vais vendre à une entreprise de recyclage», nous dit-il tout en mettant l’accent sur l’organisation remarquable du village dans le tri sélectif.
Toujours à la placette de l’ancienne mosquée, la beauté des lieux attire notre regard, notamment avec les belles fresques murales réalisées soigneusement par des artistes peintres ayant pris, sans doute, tout leur temps pour faire des œuvres captivantes dans la mesure où elles mettent en évidence toute la splendeur et le charme de la cité.
«Zéro mégot», est-il écrit sur un tube sous forme de cigarette qui sert de mini-corbeille, histoire de sensibiliser sur la propreté.
«C’est un paradis sur Terre», laisse-t-on entendre devant le calme ravissant qui marquait la matinée de cette journée.
Nous rencontrons ensuite Hand Tassiga Bouhamza, un jeune universitaire, très courtois et qui a facilement gagné notre sympathie. Il est l’un des membres actifs dans cette dynamique citoyenne qui a permis au village de se métamorphoser dans une atmosphère perpétuelle ayant abouti à une consécration historique dans la protection de l’environnement. Il s’est ainsi proposé, volontiers, de nous servir de guide durant notre virée.
«Nous avons commencé les travaux depuis trois ans. Durant cette période, c’est la grande mobilisation. Tout le monde s’est impliqué dans les travaux d’intérêt général entrepris pour nettoyer, embellir et donner un look attractif à notre localité. Ici, la protection de l’environnement est l’affaire de tous. Nous avons travaillé de jour comme de nuit pour être fin prêt pour le jour d’évaluation par la commission de l’APW de Tizi Ouzou», précise notre interlocuteur.
Il est vrai que la question écologique est respectée à la lettre par les citoyens de ce bourg. Il n’y a aucun papier ni sachet noir ou autre déchet par terre. Tout est ramassé et mis dans des niches et réparti en fonction de la nature du déchet.
Des lampions lumineux ornent aussi l’accès principal, où des bacs à ordures sont installés avec des indications accompagnées de textes de sensibilisation.
«Déjà, avant de lancer le tri et le compostage, nous avons invité des enseignants de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou qui ont animé des conférences afin d’expliquer à la population tout ce qu’il y a lieu de faire pour bien gérer cette tâche qui s’avère être primordiale pour l’hygiène des lieux», nous ajoute-t-il avant de nous faire visiter la guérite de l’ère coloniale qui constitue l’un des vestiges de cette période sombre dans la région.
La structure est restaurée de manière à servir de musée à ciel ouvert où sont gravés les noms des 53 martyrs de Tifra tombés au champ d’honneur durant la guerre de Libération nationale. La région a contribué grandement à la lutte contre le colonialisme.
«La nuit aussi, le village est admiré pour la beauté de ses décorations et illuminations. Il brille de mille feux. Nous aimons tellement notre village que nous veillons à le protéger», nous précise-t-il.
Les jeunes, les femmes et même les personnes âgées mettent la main à la pâte pour participer aux volontariats.
- Dynamique éco-citoyenne
Lounès Ait Ikhlef, un octogénaire, est aux anges. Il n’a pas tari d’éloges à l’égard de l’implication effective des femmes dans la réussite des projets entrepris par le comité.
«Nos femmes sont à féliciter. Elles ont travaillé d’arrache-pied durant toute la période des volontariats», lance-t-il avec un air de satisfaction.
Il nous fait savoir également que la cadence des travaux s’est accentuée pendant le confinement. Et pour cause, profitant de cette période, les citoyens ont réalisé plusieurs projets comme le forage d’eau.
Ce liquide précieux coule à flot à présent. Au moment où d’autres localités de la wilaya de Tizi Ouzou font face de manière drastique aux pénuries d’eau potable, la population d’Azra s’offre une autosuffisance en cette denrée vitale. Des fontaines datant de l’ère coloniale ont été restaurées par les habitants qui ont instauré un règlement intérieur permettant une alimentation rationnelle, notamment en été.
«L’eau existe en grande quantité. Nous n’avons jamais eu de problème dans ce volet. Même des citoyens des autres localités de la région viennent pour s’approvisionner», nous affirme Stakel, un artiste qui a attiré également notre attention sur un fait saillant réalisé par des étudiantes du village, Amel Ghersbousbane, Yasmine Koui et Kenza Ghersbrahim, en l’occurrence, qui ont manifestement eu recours à leur sens de l’innovation pour orner des clôtures en grillage par des gobelets usagés.
Elles ont récupéré aussi d’anciennes couvertures pour en faire des fleurs de décoration. C’est vraiment magnifique tant la jeunesse est mobilisée en faveur de l’environnement dans une dynamique éco-citoyenne. Agir ensemble pour le bien-être des habitants est, en somme, le maître-mot de la population.
Après Ouahba, une enseigne portant le nom de Zeboudja, est soigneusement accrochée sur un support. L’écriteau indique le nom de l’ancien cimetière. Il date, selon les villageois, de plus d’un siècle. C’est un endroit ombragé par des oliviers d’où son appellation.
Les personnes que nous avons rencontrées à Azra convergent toutes à saluer chaleureusement l’apport du patron du complexe laitier Tifra lait, Mohamed Medjkane, sa femme et ses enfants, qui ont œuvré pour cette transformation magique du village.
«C’est un homme généreux qui n’a jamais cessé de nous aider. Ses enfants et sa femme ont travaillé sans relâche à chaque volontariat. Il a recruté aussi beaucoup de gens du village dans son entreprise», nous ont-ils dit tout en citant aussi l’apport des émigrés qui se retrouvent généralement, chaque année, à l’occasion de la fête du village.
«Chaque année, le 14 août, nous organisons la fête du village qui regroupe nos émigrés et les femmes du village mariées et habitants d’autres localités. C’est l’occasion des retrouvailles et de consolidation du lien social entre les familles», nous ajoutent-ils.
Les enfants ne sont pas oubliés. Une aire de jeux leur est dédiée avec toutes les normes de sécurité. Un règlement d’utilisation des installations est placardé à l’entrée de la structure. Tout est organisé de façon à assurer aux chérubins des moments de détente et de plaisir dans le calme et la discipline.
Le comité de village, avec ses propres moyens et la volonté des villageois, a réalisé des projets de grande dimension. Il a ressuscité tajmaât qui est la représentation concrète pour gérer les affaires de la cité, régler les éventuels conflits entre habitants et répondre aux réclamations et annoncer les projets durant les réunions qui se tiennent régulièrement.
- Perspectives
En sillonnant les différentes artères d’Azra, nous rencontrons des femmes, toutes en robes kabyles.
«Il y a une complémentarité entre les femmes et les hommes. Tous les travaux d’intérêt général se font ensemble et dans un respect exemplaire. Au quotidien, chacun de nous peut contribuer à la qualité de notre cadre de vie. Grâce à l’effort de tous, un village propre, c’est possible», lance Malika Tassiga qui revient sur l’esprit de solidarité qui continue de régner en maître dans ce village qui garde jalousement d’anciennes maisons traditionnelles restaurées par les habitants, à l’image de celle que nous a fait visiter Aldjia Medjkane, une couturière de profession, qui a réhabilité, avec Maya Fegnounou, cette maison où nous avons trouvé des objets traditionnels de poterie et de tissage berbère.
Et ce, dans une perspective allant dans le sens de se lancer dans le tourisme solidaire avec la création de maisons d’hôte et enclencher une activité commerciale pour écouler les produits du terroir, gâteaux traditionnels, robes kabyles et autres créations locales des femmes de cette bourgade qui est sortie de l’anonymat après avoir décroché, haut la main, le premier prix de la propreté.
Azra dispose d’autres endroits féeriques comme tajmaât où est érigé un somptueux chapiteau qui fait office d’un lieu de rencontre pour l’assemblée des villageois, de fêtes et autres occasions nécessitant une présence importante de personnes.
Tiviqas, ce site où les femmes pratiquaient des rites anciens, est entretenu et préservé comme pour revisiter des périodes dans l’histoire de la région connue aussi pour ses forgerons.
Plus loin, le quartier Iheddaden (les forgerons) brille aussi compte-tenu des travaux réalisés pour embellir les lieux.
Nous quittons Azra, à 15h, avec le sentiment d’avoir visité un Eden sur Terre dans une ambiance qui fait chaud au cœur et un plaisir pour les yeux.
Photo: Azra a été consacré village le plus propre en avril dernier
Reportage réalisé par Hafid Azzouzi
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Posté Le : 26/05/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Reportage réalisé par Hafid Azzouzi
Source : elwatan.com du lundi 24 mai 2021