Présent à Larbaâ Nath Irathen, dans la wilaya de Tizi Ouzou, à l’occasion de la 7e édition de la Fête de la cerise qui a eu lieu le week-end dernier, le professeur Belgat Sassi, du département d’agronomie de l’université de Mostaganem, est revenu longuement sur les enjeux de l’agriculture de montagne et le rôle du cerisier dans l’économie locale, lors de son intervention.
Dans cet entretien, il évoque les potentialités que renferment des territoires comme la Kabylie et la nécessité d’une exploitation rationnelle des ressources. Il expliquera aussi pourquoi l’agriculture biologique ne peut pas être développée en Algérie et recommandera, plutôt, ce qu’il appelle «agriculture raisonnée». Au sujet des efforts consentis pour le développement local, il citera des aspects de la politique de renouveau rural qui nécessitent d’être revus.
- Comme on vient de le voir à l’occasion de cette Fête de la cerise, l’agriculture de montagne souvent fait l’objet de débat. Peut-on avoir un bref aperçu sur le potentiel d’une région montagneuse comme la Kabylie dans ce domaine?
Je viens dans cette région assez souvent. J’y mène des travaux de recherche à Larbaâ Nath Irathen sur le cerisier et à Draâ El Mizan où je travaille sur l’environnement, dans un projet de partenariat entre le CRASC (centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, ndlr) et le Canada. Il y a lieu de noter que le potentiel de cette région dans le domaine de l’agriculture de montagne est assez important. C’est un créneau qui peut permettre des ressources financières substantielles et qui peut aider beaucoup d’agriculteurs à s’y installer, notamment les jeunes, au lieu d’aller émigrer ailleurs. D’autant plus qu’en montagne, il faut savoir faire la jonction entre la forêt et l’agriculture. Nous ne pouvons pas penser à l’activité agricole en zone de montagne sans y associer la forêt qui est là et dont il faut savoir tirer profit.
- En évoquant l’agriculture de montagne, nous nous retrouvons en face de deux objectifs : d’un côté, la préservation de l’espace comme ressource naturelle et de l’autre l’amélioration des revenus des exploitants agricoles. N’y a-t-il pas une certaine dualité entre ces deux objectifs?
Lorsque nous sommes dans un écosystème agro-sylvo-pastoral il n’y a pas de contradiction. Ce qu’il faut recommander pour éviter les déséquilibres c’est ce que nous appelons une agriculture de montagne raisonnée, dont le premier élément est la protection de la forêt. Cet élément est fondamental sachant que c’est l’arbre qui conditionne le climat et les sols. Donc, enlever l’arbre, c’est détruire la montagne. Mais en même temps, cet arbre ne demande qu’à être exploité raisonnablement et il n’est pas interdit de lui prendre une partie de sa matière organique. Alors l’arbre forestier, comme le chêne, le pin ou autre, peut servir l’arboriculture fruitière avec ses matières organiques. En même temps, pour le cas du cerisier, le porte-greffe est là, il est en forêt. Alors ces jeunes plants peuvent être déplacés et remis en pépinières pour pouvoir les greffer en cerisiers. Tout est possible pour peu qu’on sache respecter les équilibres à travers une exploitation raisonnée de ces ressources forestières.
- Vous avez soutenu auparavant que nous ne pouvons pas développer une agriculture biologique. Pourquoi?
Non, nous ne pouvons pas aller vers une agriculture biologique. Parce qu’en optant pour une agriculture bio, qui est un caprice de riches, il faut accepter de diviser la production et les rendements. Malheureusement, on pense qu’avec une agriculture biologique, nous allons avoir les mêmes volumes de production. Une agriculture bio, ce n’est pas du toute la même chose avec une agriculture raisonnée. Dans le premier cas (le bio), on interdit le moindre traitement, ce qui signifie qu’il n’y aura pas le moindre petit milligramme de produits chimiques. Or, en agriculture raisonnée, on peut y intervenir, mais à des niveaux acceptables d’une telle façon que l’écosystème peut régénérer les sols. C’est l’utilisation excessive de pesticides et d’engrais qui détruit les sols et nuit à la nature. Mais lorsque ces produits chimiques sont utilisés raisonnablement, on peut améliorer les rendements sans nuire à la terre ou la nature.
- Quelle est votre appréciation des politiques publiques en matière de promotion de l’agriculture de montagne dans les politiques publiques?
Effectivement, il y a un programme national d’agriculture de montagne à développer. Les premières démarches dans ce sens remontent aux années 1980 à l’initiative d’un ancien ministre des forêts qui en a fait énormément de choses, mais malheureusement le programme a été abandonné par la suite avec l’avènement du terrorisme et de l’insécurité durant les années 1990. Maintenant, si on veut véritablement installer et pérenniser les paysans dans leur espace, il faut impérativement commencer par le développement de l’agriculture de montagne.
- La politique de renouveau rural répond-elle aux attentes en la matière?
La démarche telle qu’inscrite dans le cadre de la politique de renouveau agricole et rural nécessite d’être réajustée au niveau de la récupération de l’eau, notamment les eaux de surface. Il faut mettre en place des systèmes de petite hydraulique dans les zones de montagne adaptés au terrain. Il y a aussi le foncier forestier qu’il faut savoir utiliser avec des concessions, mais pas au détriment de la forêt. C’est-à-dire, on peut faire des concessions et dégager des parcelles qui peuvent être exploitées, mais d’une façon raisonnée. D’ailleurs, actuellement les services des forêts accordent ce type de concessions pour une durée déterminée et avec un cahier des charges clair. Avec une telle démarche, nous pouvons parvenir au développement de l’agriculture de montagne. Parce qu’il faut rappeler que la montagne n’est pas faite pour être bétonnée.
- Revenons à la question de la cerise. Ne pensez-vous pas qu’il y a des insuffisances en aval, au niveau de la commercialisation?
C’est clair. Il y a un énorme travail à faire pour réorganiser la filière en aval. Il y a des citoyens en Algérie qui ne connaissent même pas la cerise parce qu’ils ne la trouvent pas sur le marché. C’est-à-dire, la commercialisation de ce produit n’est pas généralisée. Mais avant d’aller vers le volet commercial, il faut d’abord augmenter la production qui demeure très faible. Sur ce plan, il faut rappeler que de nombreux territoires algériens ont perdu de leur vocation. Dans le passé, le cerisier existait à Constantine et sur les monts de Skikda, alors que maintenant, dans ces régions, il a complètement régressé ou disparu. Même en Kabylie, le cerisier risque de disparaître dans le futur si rien n’est fait pour protéger et développer la cerisaie. A mon point de vue, la culture du cerisier est à avantager dans les territoires où les conditions climatiques et biologiques pour son développement sont réunies, mais nous avons aussi tous les éléments techniques qu’il faut intégrer pour la réussir pour peu que les pouvoirs publics appuient les paysans et leur viennent en aide d’une façon effective et sérieuse.
Mohamed Naili
pourquoi un arbre cerisier l'age de 6 ans il donne pas beaucoup de cerise meme pas 200 gr merci
lakhlef brahim - retraité - N'gaous ( Batna ), Algérie
21/05/2014 - 195667
pourquoi un arbre cerisier l'age de 6 ans il donne pas beaucoup de cerise meme pas 200 gr merci
lakhlef brahim - retraité - N'gaous ( Batna ), Algérie
21/05/2014 - 195665
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Posté Le : 11/06/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Propos recueillis par Mohamed Naïli
Source : El Watan Economie du 11 au 17 juin 2012