Algérie

LANGUES ÉTRANGÈRES Pourquoi les Algériens ne parleront pas chinois


LANGUES ÉTRANGÈRES Pourquoi les Algériens ne parleront pas chinois
Les ouvriers chinois présents en Algérie se replient sur eux-mêmes et ne s'ouvrent pas ou très rarement à la société algérienne


L'Algérie traverse une crise linguistique qui ne dit pas son nom.
L'apprentissage du chinois fait son apparition en Algérie. Depuis ces dernières années, des écoles proposant des cours de cette langue pullulent en Algérie. «Des écoles d'enseignement de langues étrangères en Algérie ont pris conscience de l'importance de l'apprentissage de la langue chinoise dans un pays où la main- d'oeuvre chinoise occupe la première place sur un total de 50.000 travailleurs étrangers», a rapporté hier, une dépêche de l'APS. Mais au-delà de l'importance culturelle que revêt cette information, une question se pose: les Algériens sont-ils disposés à apprendre le chinois? Pour des spécialistes en sociologie et en linguistique la réponse tend vers la négative. Pour cela, ils avancent plusieurs arguments. «Déjà que la langue française, longtemps ancrée au sein de notre société, est en perte de vitesse, les efforts colossaux faits par les Anglo-Saxons afin de promouvoir leur langue n'arrivent pas à donner les résultats escomptés que dire alors du chinois!» s'interrogent les spécialistes qui doutent non pas des capacités des Algériens à assimiler la langue chinoise mais de la prédisposition de ces derniers.
En effet, les langues acquises que sont le français et l'arabe littéraire sont en totale déperdition dans une société majoritairement jeune. Beaucoup d'entre ces jeunes n'arrivent pas à formuler une phrase correcte en français ou en arabe littéraire. Et pourtant...L'arabe est la langue avec laquelle sont dispensés les cours depuis le plus jeune âge. Quant au français, cette langue largement utilisée dans l'enseignement supérieur particulièrement les spécialités scientifiques, peine à trouver ses marques au sein de la nouvelle génération. Les autres preuves de la difficulté des langues étrangères à s'imposer en Algérie sont les efforts considérables que sont en train de consentir les Américains et les Anglais pour faire apprendre leur langue aux Algériens...Mais en vain. Selon un câble révélé par le site WikiLeaks l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à Alger, David Pearce, est arrivé à la même conclusion: il a assuré que «l'Algérie traverse une crise de langue unique dans le Monde arabe». M. Pearce décrit dans un câble datant du 16 octobre 2008, avec stupéfaction, l'indigence linguistique des Algériens. «Le groupe 20-40 ans, qui sont aujourd'hui candidats à l'embauche, parle un mélange confus de langue française, arabe et berbère, que certains chefs d'entreprise jugent «inutile». Ils ne peuvent se faire comprendre par n'importe qui, sauf par eux-mêmes», souligne-t-il. Intitulé: «Analphabètes trilingues: crise de la langue en Algérie», le télégramme en question reprend une discussion tenue lors d'un dîner (iftar) à la résidence de l'ambassadeur vers la fin du Ramadhan, en présence d'hommes d'affaires algériens.
L'ambassadeur des Etats-Unis s'étonne notamment de ce qu'il appelle le «collage» des langues. «Les diplomates qui viennent en Algérie après avoir été dans la région sont surpris de voir que les Algériens terminent rarement une phrase dans la même langue», rapporte-t-il. Pour remédier à cette situation, l'ambassadeur suggère à Washington que l'Algérie a besoin d'un «plan Marshall» - selon l'expression d'un représentant du ministère de l'Enseignement supérieur - pour la langue anglaise. Ainsi, ce mélange des langues qui a fait l'apparition du nouveau dialecte «algérien» est aussi une des raisons qui font que l'Algérien n'est pas disposé à apprendre le chinois. Néanmoins, le problème ne réside pas seulement du côté de l'Algérie. Il n'est un secret pour personne que les ouvriers chinois présents en Algérie vivent en totale autarcie. Ils sont refermés sur eux-mêmes et ne s'ouvrent pas ou très rarement à la société algérienne. Pis encore, même le contact commercial est presque inexistant puisqu'ils ramènent pratiquement avec eux tout ce dont ils ont besoin. Cette situation relance un autre débat: les ouvriers des 600 entreprises chinoises présente dans le pays ne créent pas une dynamique commerciale et économique dans les villes où ils travaillent. Bien au contraire, ils le coulent en vendant des produits ramenés de Chine à des prix défiant toute concurrence. Ils ne consomment donc rien et font de la concurrence aux commerçants algériens. Plus encore, ce sont eux qui souvent, se mettent à apprendre la langue arabe. Ce qui n'est pas le cas des Français, des Américains ou des Britanniques. Ces derniers achètent et consomment les produits locaux et c'est ainsi qu 'ils créent une dynamique et boostent le commerce. Voilà donc quelques raisons qui font douter de l'avenir des langues étrangères, et plus particulièrement le chinois, en Algérie. A moins d'un plan Marshall linguistique.