Boualem Makouf est né à Alger le 11 février 1936. Membre du PCA, il milita dans les groupes armés du FLN et fut emprisonné à Lambèse de 1956 à 1962. Dans ce livre, il nous livre un témoignage poignant de ses six années de détention dans la centrale de Lambèse implantée aux confins des monts aurésiens.
Il raconte l'isolement des milliers de combattants prisonniers : «Hormis celles de Batna, les familles du reste du pays n'avaient pas les moyens de payer un voyage des régions lointaines jusqu'à Lambèse, sans compter les tracas pour obtenir à distance des permis de visite, de surcroît limités, puisque nous étions condamnés. » (p. 25). Ces années d'incarcération dans ce bagne de sinistre réputation rimaient avec violence, souffrance et humiliation. «La direction et ses sbires pouvaient agir sans freins. L'arbitraire était la règle...» (p. 25). Les matons de la prison de Lambèse faisaient la pluie et le beau temps : «Parmi les surveillants, ceux d'origine pied-noir, selon l'expression consacrée, étaient les plus violents. Ils menaient la danse. Malheur à nous si une attaque de l'ALN avait eu lieu dans la région ou un attentat dans une ville ou un village des alentours... Les représailles étaient immédiates, assorties d'un florilège d'insultes racistes. Du type : ‘‘Jamais, nous ne nous laisserons gouverner par des bougnouls ! » Boualem Makouf évoque la mémoire d'un de ses compagnons d'infortune : Merzak Hadad, frère d'un célèbre joueur de football qui avait reçu la visite de sa mère la veille de son exécution. «Le temps du parloir autorisé s'est écoulé et Atlan cyniquement lui lance : ‘‘Aujourd'hui, je t'offre un parloir supplémentaire ! Merzak encaisse et ne laisse rien paraître devant sa mère. Mais il avait compris le message pervers d'Atlan et son sourire sarcastique. L'ordre d'exécution était arrivé. Le lendemain, il partit vers la mort. Ainsi partirent tant de nos frères : Ahmed Zabana, Mohamed Ounouri, Ahmed Lakhnache, Fernand Iveton, Ahmed Taleb...» (p. 16). Après les brimades le jour, la guerre des nerfs la nuit. Afin d'empêcher les prisonniers de goûter au repos, les gardiens revenaient à la charge avec des méthodes sadiques. «Tous les coups, vicieux, tordus, mesquins étaient portés : pas lourds, coups de pied sur les portes, discussions à haute voix... Mais le coup le plus tordu, c'était celui dit ‘‘du supplice chinois . Dans toutes les divisions, un robinet surmontant un seau servait au nettoyage des galeries. Les gardiens l'ouvraient laissant de petites gouttes filtrer lentement une à une, sur le seau et sur notre cerveau, le ‘‘vrillant , le taraudant tout le restant de la nuit.»
Sabrinal
Lambèse : le bagne de l'indicible barbarie, Editions Inas, 2011, 126 pages, 440 DA
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 13/12/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Soir d'Algérie
Source : www.lesoirdalgerie.com