Algérie

Lakhdar Malki : «Je ne suis pas un Bouazizi, je veux juste un logement décent» Il avait tenté de s'immoler avec sa fille devant la bdl de Staouéli


Lakhdar Malki : «Je ne suis pas un Bouazizi, je veux juste un logement décent» Il avait tenté de s'immoler avec sa fille devant la bdl de Staouéli
Il avait tenté de s'immoler avec sa fille handicapée devant la direction générale de la BDL, à Staouéli. C'était le 30 janvier 2011. Il s'agit de Lakhdar Malki, 42 ans, agent de sécurité et de prévention au sein de cette banque.
On s'en souvient, sa tentative d'immolation, avortée suite à l'intervention d'un vigile de la banque qui l'avait empêché in extremis d'actionner son briquet, avait déclenché un vaste mouvement social de plusieurs jours de la part du personnel de la BDL. Lakhdar Malki est devenu, un peu malgré lui, la voix et le visage des immolés. Il nous avait reçu, peu après son suicide manqué, chez lui, à la Bridja, près de Staouéli. Une habitation des plus glauques, promise à l'enfer été comme hiver. Exhibant les méchantes irritations provoquées par le carburant au contact de sa peau, il nous expliquait à l'époque, avec des mots durs, les raisons qui l'avaient poussé à une telle atrocité. Il eut notamment cette formule chargée de fiel et de colère, qui résume sa condition : «Rani mahroug mel dakhel !» «Je brûle de l'intérieur et l'enfer, j'y suis déjà ! Je préfère l'enfer de Dieu que l'enfer que m'infligent les hommes» martelait-il (Voir El Watan du 31 janvier 2011).
Il dénonçait la précarité de sa situation professionnelle, lui qui était toujours contractuel après 18 ans de service. Il s'était particulièrement appesanti sur ses tourments de père ayant à sa charge une fille handicapée, en l'occurrence la petite Maria, 11 ans, celle-là même qu'il avait embarquée avec lui dans son entreprise suicidaire en recouvrant sa chaise roulante de l'emblème national. Maria est atteinte d'une IMC, une insuffisance motrice cérébrale. Nous avons retrouvé Lakhdar près de chez lui. Qu'est-ce qui a changé depuis, dans sa vie ' La bonne nouvelle est que sa situation professionnelle s'est nettement améliorée. Lakhdar a été permanisé. Il se plaignait, avant, de ce que le poste auquel il avait été affecté, à Souidania, ne lui convenait pas au point où, dans un accès de dépit, il avait tenté de se pendre dans son bureau. C'était un mois avant son immolation avortée. Aujourd'hui, il travaille dans une structure de la BDL, à Ouled Fayet, qui lui sied parfaitement. Pour autant, Lakhdar n'est pas tout à fait satisfait. S'il a meilleure mine, le moral est toujours en berne. «J'habite toujours dans ce sinistre taudis que je partage avec mes sept frères», se plaint-il.
Père de trois enfants, avec un quatrième en route, Lakhdar voit sa petite famille grandir. Loin de s'en réjouir, il angoisse à l'idée de ne pouvoir leur offrir le minimum de vie décente.
«Ma baraque est mon tombeau»
Quelques mois après sa première tentative, Lakhdar Malki prend ses enfants et se dirige vers la daïra de Zéralda où il fait un scandale. «J'ai menacé de me couper les veines avec un cutter», raconte le suicidaire récidiviste. «Le wali délégué de Zéralda et le maire de Staouéli m'ont apporté leur soutien. Mais ils me disent qu'il n'y a pas de logements disponibles pour le moment. Pourtant, il y a plein de logements qui sont fermés. Qu'est-ce qu'on attend pour les distribuer ' Le wali d'Alger doit se pencher sur mon cas. La clé de mon problème est entre ses mains.»
Les cris d'alarme de Lakhdar lui ont valu de belles marques de sympathie. Des associations lui ont manifesté leur solidarité, à l'instar de l'association El Amel de Bab El Oued pour les personnes handicapées. Des bienfaiteurs privés aussi. Lakhdar nous confie que même les services du DRS se sont intéressés de près à son cas : «Des gens du DRS sont venus me voir plusieurs fois. Ils me téléphonaient pour avoir de mes nouvelles. Ils me disaient : 'Ta fille est notre fille.' Ils étaient aux petits soins. Ils m'ont promis de toucher un mot au wali.» Lakhdar ajoute : «Un commissaire divisionnaire est venu également me parler, il m'a dit : 'Ne laisse pas les gens t'utiliser. Il faut penser au pays'.» Et de lancer : «Moi, je ne fais pas de politique. Je ne suis pas un Bouazizi. Je veux juste un toit décent pour mes enfants.»
Forçant sur la métaphore, Lakhdar compare sa demeure à une sépulture : «Ma baraque est mon tombeau. Ne manque que le 'chahed', la pierre tombale. On est des morts-vivants.» A un moment donné, il éclate en sanglots en songeant à sa petite Maria : «J'ai juste envie de mettre ma fille à l'abri. Elle n'a même pas assez d'espace pour ramper. Si les handicapés n'ont aucun droit dans ce pays, qu'on nous le dise ! Je ne souhaite pas à nos responsables d'avoir un enfant handicapé à leur charge, mais au moins, qu'ils pensent à nous. Lazem ihessou bina chouiya. D'ailleurs, qu'ils sachent qu'aux prochaines élections, je ne voterai pas.
Ni moi ni aucun membre de ma famille !»
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